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Samuel Schmid seul contre lui-même

Chronique publiée dans le Giornale del Popolo du jeudi 02.10.08

 

Cette session d’automne 2008 aura présenté, avec le débat sur l’armée et celui sur le programme d’armement, l’une des lignes de front les plus surréalistes depuis la très regrettée guerre de 14-18. Un ministre seul au monde, seul contre tous, seul contre lui-même, nu, au milieu de nulle part, dans un grand terrain vague où ne règne plus qu’une épaisse fumée. Pas la fumée blanche des papes, non : juste celle, grisâtre, opaque, de l’incertitude, et, peut-être même, de la déroute. De quoi lui rappeler, comme dans « Amarcord », quelques délicieux souvenirs d’enfance : non pas Rimini, hélas, mais le Seeland, et la suave humidité de ses marécages.

Aux Chambres fédérales, on a discuté des chars sans y croire, on a parlé des avions sans vraiment s’y intéresser : le problème, manifestement, n’était pas là. Il était – mais nul ne l’avouait vraiment – dans l’extrême fragilité politique de Samuel Schmid, conseiller fédéral sous perfusion : on guette l’encéphalogramme, on se demande combien de temps il tiendra. Tout est prêt, déjà : les fleurs, l’ultime oraison, le cortège. Et, bien sûr, quelques successeurs. Prêts à bondir, tous. Mais simulant l’indifférence. Comme dans un jeu de séduction qui, bien sûr, ne dupe personne. Mais c’est le jeu.

Sur quelle alliance s’est construit le rejet du programme d’armement ? Sur un compromis de passage, aussi hasardeux qu’il est dénué de sens, entre l’UDC blocherienne (ce qui demeure, au passage, un pléonasme) et la gauche rose-verte. La belle alliance ! Le voilà donc, l’axe du monde de l’après -12 décembre ! La vague mixture des partisans de l’armée de papa avec ceux qui, au fond, rêveraient de l’abolir. Parler d’alliance malsaine est un euphémisme : nous sommes là dans le degré zéro de la politique. Même les brumes du Seeland, dans toute leur fatigue d’automne, sont le soleil d’Austerlitz, en comparaison.

Dans ce casse-pipes ouaté d’incertitude, un seul axe de cohérence demeure : la fidélité – un moment encore – des radicaux et des démocrates-chrétiens à la construction raisonnable d’une future politique de sécurité. C’est bien. Mais c’est trop tard. L’UDC a obtenu ce qu’elle voulait : venger le 12 décembre, venger Blocher, humilier le parlement et, plus encore, celui des conseillers fédéraux qu’elle tient pour un traître. Pour y parvenir, elle n’a pas hésité à prendre en otage le thème, pourtant essentiel, de l’avenir de notre politique de sécurité. On savait déjà que cette législature allait être celle de l’impossible. Elle est bien partie, aussi, pour devenir celle du ridicule. Heureusement, ce dernier, contrairement aux guerres et aux batailles, ne tue pas. Ou alors, tout juste, symboliquement. Comme aux échecs. Ou comme dans les rêves d’automne.

 

Pascal Décaillet

 

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