Mercredi 06.08.08 – 19.50h
Qu’un vin fermente, et jusqu’aux enchanteresses délices de la surmaturation, n’est-ce pas l’un des plus beaux dons de notre misérable monde ? À un minuscule détail près : il n’est peut-être pas totalement inutile, pour laisser fermenter en cave un raisin, d’avoir commencé par… le vendanger ! Détail qui semble avoir échappé au président du parti socialiste du Valais romand, Jean-Henri Dumont.
Qu’a-t-il inventé, le cher homme ? L’idée d’une alliance d’intérêts, en vue des élections de mars 2009, entre les socialistes et… l’UDC ! Contre le parti qui, depuis un siècle et demi, tient le Valais : la démocratie chrétienne. Qu’on appelait naguère les « conservateurs ». Le parti de loin, aujourd’hui encore, le plus important du canton, cela par la volonté des électeurs. Pour maintenir le siège socialiste au Conseil d’Etat (il existe depuis une décennie : Bodenmann, puis Burgener), Jean-Henri Dumont invoque l’argument proportionnaliste, et se dit prêt à voir arriver, « en symétrie », un UDC au gouvernement valaisan.
L’idée tient du surréalisme. Elle postule qu’un gouvernement ne devrait être, sans aucune idée de cohérence idéologique, que l’exact reflet des forces du parlement. Une sorte de parlement bis, en plus réduit. Jusqu’à faire cohabiter, pour prendre des décisions exécutives, les visions de société les plus antagonistes. Avec des extrêmes tout heureux de serrer en tenailles les forces politiques correspondant à la nette majorité voulue, et constamment rappelée, par le peuple. Ces forces, je les cite, et je tiens à les citer ensemble, aussi rivales eussent-elles été depuis le Sonderbund : la démocratie chrétienne, bien sûr, mais aussi le parti radical. Qu’on appelle maintenant « Parti Libéral-Radical Valaisan ».
Oui, je les cite ensemble, ce que je ne cesse de faire depuis quatre ans (Orsières, 1er août 2004), parce que leur destin, cela crève les yeux, au niveau fédéral comme dans les cantons, est de faire route l’un avec l’autre. Non pour des raisons tactiques. Mais parce qu’ils représentent, au-delà des clans et des familles, au-delà de la bataille du Trient, les mêmes valeurs, la même vision de la société. Le socialisme en est une autre. L’UDC, encore une autre.
Fermentation avant la vendange, parce que, jusqu’à nouvel ordre, les élections valaisannes n’ont pas encore eu lieu. Elles seront, en mars 2009, très ouvertes : le champ du possible est impressionnant. Ce que décidera l’électorat valaisan, nous le verrons bien. Mais une chose est sûre : le Valais n’a aucun intérêt à un gouvernement formé de représentants de commis-voyageurs des différents partis, porteurs de valises de leurs idéologies respectives.
Un gouvernement, cela doit être doit être une vision commune, un plan d’action, un programme de législature, une cohérence. La représentation des minorités n’est pas un but en soi : elle ne peut être envisagée que sur la base d’accords, où chacun sait jusqu’où l’autre peut aller. Pour le dire plus crûment : la démocratie, c’est plutôt le pouvoir à la majorité, me semble-t-il, qu’à l’addition disparate et opportuniste des minorités. Non ?
Reste, bien sûr, à définir cette cohérence. Chacun jugera. Pour ma part, il m’apparaît que l’attelage combiné, depuis des décennies en Valais, entre le PDC et les radicaux, n’est de loin pas le moins qualifié pour conduire la politique du canton. Que le cinquième magistrat soit un socialiste, ou un UDC, à voir. Et encore, je ne suis pas sûr que ce soit absolument nécessaire. Mais qu’une combinazione de minoritaires prétende, en tirant dans tous les sens, siéger ensemble, juste pour siéger, et au nom d’un proportionnalisme castrant et paralysant, il y a là une démesure, une fermentation des lois les plus élémentaires de la mécanique politique, qui ne serviraient en rien les intérêts supérieurs du canton.
Pascal Décaillet