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Robert Cramer et le non-lieu du Bien



Édito Lausanne FM – Mardi 11.03.08 – 07.50h



À force de pâlir, l’étoile de Robert Cramer, à Genève, du brillant vers le lacté, commence doucement à s’évanouir. La gestion – ou plutôt la non-gestion – de la crise des déchets napolitains n’est qu’un exemple parmi d’autres de gouvernance approximative, d’opacité dans la communication, de déficience du contrôle politique sur de grandes régies qui, telles des machines à Tinguely, semblent tourner toutes seules.

À vrai dire, le problème n’est pas Robert Cramer. Il a bien le droit d’exister et d’être ce qu’il est. Le problème, c’est l’image de Robert Cramer, telle qu’elle fut beaucoup trop longtemps véhiculée, à Genève, dans une bonne partie de la classe politique et médiatique. Le gentil. Le doux. Le sage. Comme si tout le tellurisme de l’attraction du pouvoir, qui aimante tant les autres, par miracle ou exception, avait échappé à cet homme. Comme si la mission sacrée d’être Vert, donc d’agir pour le Bien, l’avait exorcisé de toute immanence du Mal, ou exonéré des coutumières pesanteurs du monde politique.

Cramer à Genève, comme Brélaz à Lausanne, ont été beaucoup trop longtemps des icônes. Habiles à l’extrême, ils ont su, l’un et l’autre, jouer de leur apparente affabilité pour se tailler une popularité hors du temps, hors d’atteinte des flèches habituelles. Nul ne saurait leur en tenir grief. En politique, chacun joue sa carte, c’est le jeu, et il faut bien avouer que l’intelligence, à ces deux hommes, ne fait pas défaut, ni même la sincérité du goût du bien public, qui ne se discute pas.

Non, le problème, c’est, au nom du bien, quasiment théologique, que véhicule la cause Verte, la naïveté de réception de l’image de ces deux personnages dans une grande partie du public. Et surtout, chez tant de journalistes. Et jusqu’aux humoristes, compagnons de terroir de Robert Cramer, ne le brocardant, tout au plus, que sur son goût, plutôt sympathique, pour les fruits du pays. Là où il y aurait tant à dire sur son système de pouvoir, ses capacités de verrouillage, le réseau autour de lui tissé, pendant une décennie, cette politique des yeux mi-clos sur ce qui ne va pas.

Cramer, Brélaz, icônes du Bien et du grand bonheur vert. En politique, on a déjà assez de mal avec le Mal. Mais, par pitié, qu’on nous délivre de ce non-lieu qui s’appelle le Bien.

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