Édito Lausanne FM – Lundi 07.01.08 – 07.50h
À tous ceux qui ne cessent, depuis le 12 décembre, de danser autour du feu, extasiés de la mort du Grand Sorcier, ivres des vapeurs de leur exorcisme, je viens, ce matin, annoncer la nouvelle : le Sorcier est encore là, il est vivant, il est quelque part. On n’a pas fini de parler de lui.
La Suisse, c’est un peuple de sept millions d’habitants. Avec ses désirs, ses élans de courage, ses peurs aussi. Un peuple complexe, multiple, qui réussit, de façon exceptionnelle, à faire vivre ensemble des gens d’horizons, de religions, de langues différents. Un peuple dont personne ne peut exactement prévoir les réactions.
Ce peuple, Christoph Blocher a su, depuis plus d’une quinzaine d’années, lui parler. Il a su convaincre de plus en plus de monde. Au point de porter son parti, le 21 octobre dernier, au meilleur résultat atteint depuis la proportionnelle, en 1919. Et une avance de dix points sur le deuxième parti suisse, les socialistes. Qui sont, eux, en régression, puisqu’ils franchissent, à la baisse, la barre des 20%. Cela, ce sont les chiffres. Ils sont têtus.
Par paradoxe, au moment de sa meilleure victoire devant le peuple, Christoph Blocher a été éjecté par le Parlement. Éjecté de quoi ? Du microcosme, tout au plus. De l’officialité. Ejecté d’un septuor où on a jugé bon de garder des personnalités aussi lumineuses que Moritz Leuenberger ou Samuel Schmid. C’est bon, Blocher ne sera plus au Conseil fédéral, n’y revenons plus.
Je dis seulement : « Et alors ? ». Si vraiment, à 67 ans, cet homme, qui s’est tant investi dans la chose publique alors qu’il aurait pu tranquillement continuer sa carrière de milliardaire, se donne à lui-même le défi de jouer encore un rôle (qui sera défini le 18 janvier à l’Albisgüetli, la grande fête de l’UDC zurichoise), alors, croyez-moi, que ça vous plaise ou non, on n’a pas fini d’entendre parler du Grand Sorcier.
Pas seulement parce qu’il a de l’argent. Mais parce qu’il est tenaillé, comme peu d’autres, par le démon politique. Parce que la politique, il sait la faire, comme peu d’autres, non dans le sérail, le microcosme, mais au milieu des gens, dans la diversité tellurique de ce pays. Ceux qui ont voulu l’enterrer, le 12 décembre, tous ces danseurs de pluie qui l’ont imaginé disparu, évaporé, comme par un tour de passe-passe, risquent bien d’en être pour leurs frais.
Un mot, enfin, à tous ceux qui voudraient pousser l’exorcisme jusqu’à obtenir des journalistes qu’ils ne donnent plus jamais la parole à Christoph Blocher, au nom de je ne sais quelle normalisation, ou épuration de la pensée. Je leur réponds que nous continuerons, partout, d’observer l’actualité politique là où elle se fait, s’invente, s’imagine, de l’extrême gauche à la droite la plus dure. Et que personne – je dis bien personne – ne viendra, au nom d’une police de la pensée, nous dicter nos choix.