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Liberté - Page 505

  • Précisions sur le "respect des autorités"

     

    Sur le vif - Samedi 25.04.20 - 10.47h

     

    Dans notre démocratie suisse, le premier échelon qui doit être respecté, c'est celui des citoyennes et citoyens. Eux forment un seul corps. Eux sont la pierre angulaire de notre édifice. Les élus viennent après. Ils sont au service des citoyens, non le contraire.

    Dès lors, je m'étonne de lire, ici ou là, à la faveur de cette crise, qu'il faille "respecter les autorités". Il y a, tout au moins, dans l'expression, un malentendu sémantique. Qu'il s'agit de dissiper.

    Dans l'urgence, les autorités décident. Les exécutifs, depuis des semaines, ne s'en privent pas, ils décrètent par ordonnances, interdisent à des centaines de milliers de personnes d'exercer leur travail, imposent des distances, isolent les aînés.

    Cela, devons-nous le "respecter" ? Si c'est au sens que nous devons l'appliquer, d'accord. Je n'y ai, pour moi-même, jamais dérogé. Le Contrat social impose de se conformer aux règles communes, sinon c'est la chienlit. Pour ma part, j'ai toujours respecté les lois.

    Mais chez beaucoup de gens qui utilisent ce mot "respect des autorités", sonne comme un respect moral, un verbe "sollen", avec la rigueur de la Réforme qui serait passée par là, l'ombre immense de Luther, la grande tradition de la philosophie prussienne. Toutes choses, par ailleurs, auxquelles je suis, par mes lectures, mes adhésions, ma passion dévorante pour l'Histoire allemande, personnellement très sensible, c'est le moins que l'on puisse dire.

    Mais cette acception-là, je la récuse. Pour moi, l'autorité politique n'est pas une instance morale. C'est juste une extraction du corps des citoyens, désignée par ces derniers (directement ou non) pour prendre des décisions. Ces dernières ne sont pas bonnes parce qu'elle sont décisions, sauf à sombrer dans un respect du pouvoir qui mène au pire. Et y a en effet mené, dans le passé !

    Il n'y a donc pas à respecter les autorités au nom d'une vertu morale dont elles seraient parées. Il y a juste à appliquer leurs consignes. Ce qui n'empêche nul d'entre nous, hommes et femmes libres d'un pays libre, de contester la pertinence des décisions, mettre en doute les processus, souligner les carences, condamner l'hallucinant silence des Parlements, exiger le retour du débat démocratique, celui de la politique. Exiger, aussitôt la crise passée, le retour des exécutifs dans la modestie des dimensions qui sied à notre esprit démocratique suisse.

    Merci, donc, de ne pas confondre le respect moral avec la simple hygiène de groupe consistant à se plier aux règles. Pour notre part, nous acceptons celle-ci, et récusons celui-là.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La voix active

     

    Sur le vif - Jeudi 23.04.20 - 10.17h

     

    J'ai déjà dit qu'à mes yeux, le confinement n'était pas un thème. Faire de lui un perpétuel sujet d'articles, de reportages, de chroniques, c'est tomber dans un piège redoutable. Accepter de faire de nous des sujets. Raconter nos vies à la voix passive.

    C'est, bien sûr, une option. J'entrevois, sur le plan littéraire, tout le charme qu'elle peut revêtir : nous serions des otages, avec Claudel, des séquestrés, avec Sartre, des reclus, avec Diderot. Mille fois, depuis des siècles, le thème de l'incarcération a été traité. Mille fois, de Sade à Céline (D'un Château l'autre), la prison fut lieu d'écriture. Mille fois, l'auteur pouvait faire éclater le contraste entre sa réclusion physique et l'énergie de sa liberté intérieure.

    D'où les journaux de confinement. Certains d'entre eux, ici même, sont magnifiquement écrits. Sur le plan littéraire, ils m'attirent. Je les lis volontiers.

    Mais je dis pourtant, et je répète, que le confinement n'est pas un thème. Soll kein Thema sein ! Parce qu'il y a en moi, depuis toujours, un combat violent entre le lecteur, l'amoureux de la chose écrite, et l'impérieux besoin d'action. L'écrivain me dira que son besoin d'action à lui, c'est précisément dans l'ordre de l'écriture qu'il pourra l'assouvir. Fort bien pour lui.

    Mais pas pour moi. Le citoyen, l'entrepreneur, l'homme d'action que je suis avant tout, a besoin, face à une crise comme celle que nous vivons, de conjuguer sa vie à la voix active. Et, s'il faut être un sujet, cela ne doit surtout pas s'exercer dans le sens de la sujétion, mais dans celui de la grammaire : le sujet, celui qui agit, qui précède un verbe d'action, avec des compléments.

    Dans ces conditions, tout en respectant toutes les règles (à vrai dire, je m'étais déjà confiné bien avant la crise, mais c'est une autre affaire), je ne puis admettre le confinement comme sujet à mettre en avant. On le vit, mais on n'en parle pas.

    On parle de quoi, alors ? Mais du pays ! De la société humaine dans laquelle on évolue. De l'organisation sociale, politique, économique, autour de soi. Surtout, on pense avec la voix active ! On prépare l'avenir. On imagine la société de demain, la sortie de crise, les leçons à tirer, les erreurs à ne plus commettre, des relations plus justes et plus humaines entre les gens, la construction d'une économie au service des humains, etc.

    C'est tout de même, à mes yeux, plus intéressant que les récits de réclusion. A moins qu'on entende faire de la littérature. A quoi je me suis toujours férocement refusé.

     

    Pascal Décaillet

  • Surchauffe : bien sûr !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.04.20

     

    Bien sûr qu’il y a eu surchauffe ! Bien sûr qu’avant la crise, avant ce ralentissement bienvenu à tant d’égards, la planète donnait, par endroits, l’impression de ne plus pouvoir respirer ! Regardez nos villes, regardez Genève : tout le monde convient d’un point positif (un, au moins !), c’est la pureté de l’air, la qualité des parfums du printemps qui parviennent jusqu’à nos narines, le calme dans les rues. Pour quelques semaines, on a mis sur « pause », et ça fait du bien.

     

    Bien sûr, il faut que l’économie redémarre, je ne cesse de plaider dans ce sens. Parce que sans l’économie, sans notre travail à tous, il n’y a rien : ni social, ni culture subventionnée, ni systèmes de santé, ni éducation, ni recherche. Mais beaucoup d’entre nous tombent d’accord sur un point : repartir comme avant, comme en l’an quarante, sur le modèle économique antérieur, serait la pire des folies.

     

    L’être humain doit travailler. Il doit produire un effort pour vivre. Mais le travail doit être au service de l’humain, non l’inverse. Au service de toute la communauté ! Et la préservation de l’environnement doit être l’une de nos priorités. Il y a d’autres modèles de loisirs que de griller du kérosène pour aller passer des week-ends à Berlin ou Barcelone. Il faut aussi s’interroger sur la récupération commerciale des grands rassemblements. Pour ma part, je vis parfaitement bien loin des foules. Et j’écoute mes concerts le soir, sur Mezzo. De l’air, de la musique, quelques livres ! Le bonheur est là, à portée de main.

     

    Pascal Décaillet