Sur le vif - Vendredi 25.12.20 - 17.35h
L'éditorial du Temps sur Angela Merkel dénote une méconnaissance des réalités allemandes d'aujourd'hui, des chemins du destin allemand depuis 250 ans, et surtout de la forme que vont prendre nos démocraties, en Europe, ces prochaines années. Moins de "représentation", davantage de démocratie directe. En Allemagne, comme ailleurs !
Trop facile d'étiqueter comme "populistes" ceux qui, partout en Europe, prônent cette démocratie renouvelée, contestent Bruxelles, veulent renouer avec les souverainetés nationales, rendre aux peuples la puissance de leurs voix.
L'auteur, qui n'en est pas à son coup d'essai, croit encore au "multilatéralisme" comme modèle de la politique étrangère allemande, il se fait donc duper par les apparences, et ne voit pas la progression fulgurante, depuis 1989, de l'idée nationale allemande, y compris dans les relations de l'Allemagne avec ses Marches orientales, Ukraine comprise.
Et dans la guerre des Balkans, elle a joué quel jeu, l'Allemagne ?
Le même auteur continue de stigmatiser comme "populistes" les visions alternatives au Zentrum douillet de Mme Merkel. Qu'il se rende dans l'ex-DDR, Saxe, Prusse, Thuringe, pour juger de l'état social réel du pays. Notamment en lien avec la vague migratoire de l'automne 2015. Il ne sent pas la colère monter, inexorablement, dans les plus défavorisées des Allemagnes ?
Enfin, il cite comme Chanceliers de référence, depuis la Guerre, Adenauer et... Schroeder ! A-t-il seulement entendu parler de Willy Brandt, et de son Ostpolitik ?
C'est le type même de l'édito, éternellement recommencé depuis des décennies, qui refuse de prendre en compte la dimension passionnelle, onirique et culturelle de l'idée nationale allemande, d'autant plus redoutable que, depuis trente ans, elle avance masquée. L'officialité du pouvoir ne veut surtout pas en faire état.
Pour saisir cette idée-là, il faut un peu moins de science politique, version HEI, lectures anglophones & Co, et un peu plus d'immersion, par exemple, dans les Allemagnes littéraires et rebelles à la convenance ambiante. Sans oublier les auteurs issus de l'ex-DDR. Bref, des voies de représentation - du symbolique et du réel - un peu moins normées que les communiqués diplomatiques de Mme Merkel, de Bruxelles et de l'OTAN. Les séances de rédaction du Temps intègrent-elles ce type de paramètres ?
L'observateur de la vie politique n'a-t-il pas pour mission de décrypter ce que le profane ne peut pas toujours déceler seul ?
Pascal Décaillet