Liberté - Page 409
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Giscard, fauve politique et rêveur mélancolique
Sur le vif - Mercredi 02.12.20 - 23.12hGiscard est mort, je l'apprends à l'instant. J'avais seize ans à son élection, vingt-trois à son départ, c'est une partie de ma jeunesse qui s'en va, comme pour tous ceux de ma génération.Il y aurait tant à dire sur cet homme, allons à l'essentiel. Une brillante intelligence. Une connaissance parfaite des rouages de l'Etat. Un engagement européen, du temps où cette aventure-là était très belle, parce qu'elle reposait sur la réconciliation franco-allemande. Le couple formé par Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt (que j'ai eu l'honneur d'interviewer à Hambourg, en 1999) était remarquable, doublé d'une très belle amitié entre les deux hommes.Député à 30 ans (1956, l'année de la vague poujadiste), Secrétaire d'Etat en 1959, Ministre des Finances du Général de Gaulle, puis de Georges Pompidou, Président de la République de 1974 à 1981, VGE dit "Au revoir !" aux Français en 1981, il n'a que 55 ans. Il hantera encore longtemps la vie politique, mais plus au niveau suprême.Très proche des gaullistes de gauche (eh oui !) dans ma jeunesse, puis mitterrandien, j'ai mal perçu Giscard lorsqu'il était au pouvoir. La droite orléaniste n'est pas mon fort, le libéralisme encore moins. Avec le recul, je m'en rends compte depuis quelques années, j'ai été, sur le moment, trop sévère envers cet homme aux éclatantes qualités intellectuelles, qui rappellent celles d'un André Tardieu, dans l’Entre-deux-guerres.Pendant toutes les années 1974-1981, j'étais abonné au Nouvel Observateur, qui accompagnait la montée de la gauche vers le pouvoir, et qui cassait du Giscard à longueur d'année. Nous n'avons pas reconnu la classe de l'homme, son intelligence diplomatique dans la question européenne, son savoir-faire avec l'Allemagne, son ouverture réelle sur les questions de société. Nous avons eu tort. J'ai eu tort.Et même son orléanisme, son libéralisme façon Second-Empire, ses accents d'enrichissement à la Guizot, nous les avons caricaturés, je m'en suis rendu compte en vieillissant. Car entre Giscard et les petites frappes de l'ultralibéralisme financier des années 1990, puis 2000, il y avait un monde, qui s'appelle l'Etat. VGE en était issu. Il a été un homme d'Etat, il a fait ce qu'il a pu, malgré les chocs pétroliers, la montée du chômage.Cet hommage, écrit à vif, arraché à ce début de nuit, est donc aussi l'histoire de ce qui fut, de ma part, et de beaucoup de mes contemporains, une profonde incompréhension face à un homme étiqueté comme un défenseur des seules valeurs pécuniaires, ce que manifestement il n'était pas.La France perd un homme d'Etat. Un fauve politique de première catégorie. Un rêveur mélancolique, bercé dès la naissances de tant de fées. Peut-être trop. Il nous reste une grâce, un style, une intelligence, au service de l'Etat. Au-revoir, Monsieur VGE.Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif -
Qui dirige Genève ?
Sur le vif - Mercredi 02.12.20 - 20.26hComment le Conseil d'Etat ose-t-il nous laisser apparaître comme désormais incertaine la réouverture des restaurants pour le 10 décembre ? Alors qu'il avait lui-même allumé les espoirs, mercredi dernier, sur cette date, par lui-même décidée ?Pourquoi ce retour possible sur une parole donnée, un engagement pris face à un corps de métier en souffrance ? Où est le crédit de l'Etat ? Où est la confiance ?Le gouvernement est-il l'otage de la bureaucratie sanitaire, ou juste son porte-parole ? Qui dirige Genève ?Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif -
L'allume-cigare
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.12.20
Tout le monde le sait, tout le monde le dit : le Conseil d’Etat, depuis les premiers jours de la crise sanitaire, ce printemps, a pris beaucoup trop de pouvoir à Genève. Directives, ukases, puissance d’une bureaucratie sanitaire à laquelle nul ne semble s’opposer, conférences de presse où le pouvoir exécutif, sans appel, a pris l’habitude de délivrer ses décisions, sans le moindre antagonisme en face, Parlement en veilleuse, opinion publique patiente ce printemps, beaucoup moins cet automne.
Cette situation ne peut tout simplement plus durer. Regardez-les, ces conférences de presse, où des Conseillers – et Conseillères – d’Etat nous font la leçon, à nous le peuple souverain, nous parlent comme des régents, ou des maîtresses d’école, nous tapent sur les doigts, nous infantilisent. Et personne, en face, pour les contredire !
Personne, et surtout pas le Parlement ! Il s’est refusé à lui-même les moyens de contrôle que certains de ses membres lui proposaient, notamment des Commissions d’enquête. Nos députés sont bien gentils, mais il faudrait peut-être leur offrir à chacun « L’Esprit des lois », de Montesquieu. Leur rappeler que les pouvoirs sont séparés. Que le contrôle de l’action du gouvernement constitue pour eux une mission obligatoire, au nom du peuple, et non une option, comme un allume-cigare dans une voiture neuve. Trop de députés, sur les cent du Parlement, semblent ignorer l’essence même, depuis la fin du dix-huitième siècle, de leur Chambre. A nous, le peuple souverain, de le leur rappeler. Avec une certaine férocité.
Pascal Décaillet
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