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Liberté - Page 263

  • Ukraine : on travaille avec son cerveau, SVP !

     
    Sur le vif - Dimanche 27.02.22 - 14.09h
     
     
    Les événements d'Ukraine font appel à nos cerveaux, nos capacités d'analyse, nos connaissances historiques. C'est la tonalité qui sera nôtre ici, je l'ai annoncé dès le premier jour.
     
    Dès le premier jour aussi, j'ai rappelé ce que vous savez sans doute déjà : la très vieille ligne de fracture, au sein de l'actuelle Ukraine, entre russophones, tournés vers Moscou, et l'Ouest du pays, partisan de liens forts avec notre Europe. Césure millénaire : parfois les Russes augmentent leur influence, parfois ils refluent. Les deux tropismes ont toujours existé. L'un et l'autre, ils seront toujours là.
     
    C'est un très vieil enjeu entre l'Ukraine et la Russie : pendant des siècles, il s'est joué dans la plus parfaite indifférence de l'Occident, plutôt même dans son ignorance des faits.
     
    Tenez : si les événements de ces jours s'étaient produits pendant l'époque soviétique, nulle compassion n'aurait envahi nos rues, et un écho tout au plus timide nous en serait parvenu. D'aucuns, de Washington aux atlantistes européens, auraient même accueilli comme une bonne nouvelle cet affaiblissement interne de l'Empire du Mal.
     
    Prenez les Balkans : les guerres des années 1990 ont été les premières, de ce théâtre d'opérations, médiatisées dans nos pays. Elle s'étaient pourtant déjà déroulées tant de fois en mille ans, exactement sur les mêmes lignes de fractures, traversant les mêmes villages, les mêmes familles, ici telle relique de l'Empire ottoman, là telle marche méridionale des Habsbourg, puis de l'Empire austro-hongrois, ici telle mosquée, tel couvent catholique, tel monastère orthodoxe. Tout, déjà, s'était produit auparavant, ne serait-ce qu'entre 1941 et 1945.
     
    Je suis allé dans les Balkans, maintes fois, depuis 1966, je suis allé en Ukraine (en 2004). Dans le premier cas en tout cas, j'ai pu mesurer sur place la complexité des choses, le poids de l'Histoire, la nécessité de reconstituer la polyphonie, celle de toutes les voix, pour se rapprocher d'une vérité.
     
    Pour l'Ukraine, l'approche par le cerveau (qui n'exclut évidemment ni la compassion, ni l'aide humanitaire d'urgence) exige de reconstituer ce qui a pu se passer, en termes de blessure, dans l'âme russe, face à l'implacable avancée des pions de l'Otan en Europe centrale et orientale, depuis la chute du Mur. D'un côté, il y avait le Pacte de Varsovie, il s'est auto-dissous. De l'autre, il y avait l'Otan : elle n'a cessé, depuis 1991, de se renforcer. La Pologne, les Pays Baltes, en sont aujourd'hui membres. La poussée américaine en direction de la Russie est constante. Et il était question que l'Ukraine devienne membre du club atlantiste ! Les troupe américaines, aux frontières terrestres de la Russie !
     
    Il ne s'agit pas de justifier. Il s'agit de comprendre des mécanismes. Nous continuerons, ici, de demeurer dans ce registre cérébral et rationnel pour nos prochains commentaires. Nous reviendrons sur l'expansion de l'Otan en Europe centrale et orientale. Nous établirons les têtes de pont de l'économie allemande dans ces pays-là. Nous nous pencherons sur la guerre de la communication, le choc des propagandes.
     
    Plus que tout : nous tenterons de clarifier ce qui, dans notre for, nous travaille de plus en plus : l'idée d'une guerre des Balkans (années 1990) comme prélude aux événements d'aujourd'hui. Le jeu des apparences (droits de l'homme) et des causes réelles (établir une base atlantiste à l'Est de l'Adriatique, vieux rêve churchillien ; contrôler les gazoducs). Le jeu de la vérité et du mensonge. Le jeu des émotions et de l'analyse. Le jeu de la proximité (ah, les reportages embarqués, en 1999-2000 avec les gentils de l'UCK !) et du recul.
     
    Nous serons, ici, dans ce registre-là. Et attendons la même démarche analytique de nos commentateurs. Ils pourront plaider la cause qu'ils voudront. Mais avec le cerveau. Et avec les références historiques. Pour le primat de l'émotion, pour les facilités de l'indignation, pour les vociférations manichéennes, merci d'aller voir ailleurs.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Ostpolitik

     
    Sur le vif - Vendredi 25.02.22 - 07.50h
     
     
    L’Europe politique n’existe pas. L’Allemagne, quatrième puissance économique mondiale, ne tardera pas à jouer sa propre carte face à la Russie. En fonction d’un tropisme fondamental de la nation allemande : l’Ostpolitik.
     
    Depuis Frédéric II de Prusse (1740-1786), le destin allemand est tourné vers l’Est. En Europe centrale et orientale, l’Allemagne a tissé des liens économiques et commerciaux exceptionnels, depuis la chute du Mur. Jusqu’à la Russie, comprise.
     
    L’Allemagne, dans les mois qui viennent, va être amenée à jouer ses propres intérêts nationaux. Et affirmer la spécificité de sa relation avec la Russie. Des intérêts économiques vitaux, pour la nation allemande, sont en jeu.
     
    À cela s’ajoute une chose : l’Ostpolitik, depuis Willy Brandt (1969-1974), c’est une marque de fabrique SPD, la famille politique du nouveau Chancelier, Olaf Scholz.
     
    Mme Merkel, c’est fini. Helmut Kohl, Chancelier rhénan de Saint-Empire, c’est fini. Une autre Allemagne est aux affaires.
     
    Cette immense puissance continentale ne jouera pas la carte européenne, pour la simple raison que l’Europe n’existe pas. Elle jouera la carte nationale allemande. Qui inclut un lien permanent avec les marches de l’Est. Russie comprise.
     
    La grande illusion multilatérale s’est fracassée hier sur le récif du réel. Seuls comptent les intérêts nationaux. Ceux qui refusent, depuis des décennies, de les prendre en considération, sont désormais hors-jeu. Hors-sujet.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Nous, Suisses, occupons-nous de la Suisse !

     
    Sur le vif - Jeudi 24.02.22 - 14.13h
     
     
    Le souci numéro 1 de la Suisse, dès ce jour, ne doit pas être de s'égosiller en grandes déclarations. Encore moins, de "sanctionner". Non, le souci numéro 1, c'est la souveraineté, l'indépendance, la sécurité de notre population, le maintien de la vitalité de notre économie.
     
    La Suisse n'est pas le gendarme du monde. Ni même la petite soeur du gendarme. Elle a tissé des liens historiques avec tous les pays de la planète, elle doit les maintenir. Surtout, ne rien casser. Surtout, demeurer en position de dialogue avec tous. C'est cela, la force de notre tout petit pays, si fragile.
     
    Le souci numéro un, dès aujourd'hui, sur lequel nous attirons les attentions depuis des mois, c'est la maîtrise de l'énergie. Notre pays doit tout entreprendre pour éviter de se retrouver en situation de pénurie, de black-out. Ce serait catastrophique.
     
    Pour garder sa souveraineté énergétique, tous les moyens - je dis tous - doivent être mis en oeuvre. Retour au nucléaire, renforcement de l'hydraulique, énergies renouvelables (photovoltaïque, éoliennes). Tout cela, loin des idéologies, et notamment de celle des Verts, mais avec comme unique souci la survie de la nation, de son indépendance, de sa souveraineté.
     
    Nous, Suisses, ne résoudrons pas la question ukrainienne. Elle se jouera hors de nous, parmi d'autres acteurs. Avec chacun d'entre eux, nous devons garder ouverts le dialogue et les échanges. Exactement ce que nous avons fait en d'autres périodes de notre Histoire.
     
    Nous Suisses, ne changerons pas la face du monde. Nous avons une autre responsabilité, plus modeste, mais ô combien plus tellurique : lutter de toutes nos forces pour la sauvegarde des intérêts supérieurs de notre pays. Pour ceux du monde, laissons faire les gendarmes. Les petites soeurs des gendarmes. Et les gendarmettes.
     
     
    Pascal Décaillet