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Avec ma plume, je fais de la radio

 
Sur le vif - Vendredi 25.11.22 - 18.38h
 
 
La plupart des angles de commentaires que vous trouvez dans vos journaux papier, vous les avez la veille, voire plusieurs jours avant, sous ma plume.
 
Non que mes choix de sujets soient meilleurs. Ils ne le sont pas.
 
Non que mes angles d'approche soient meilleurs. Ils ne le sont pas.
 
Simplement, je fais partie des analystes très rapides. Je suis un instinctif.
 
Quand je sens un commentaire surgir en moi, je ne le retiens pas. Je l'écris. Je le publie. Vous aimez ou non, vous partagez ou non mes idées, vous aimez ou vous haïssez ma plume, c'est une autre affaire.
 
Mais moi, je suis fait ainsi. Je ne rumine pas, je rugis. Je ne laisse pas macérer, je fonce. Je ne retiens pas, je laisse sortir.
 
Ce mode d'action, qui me vient de mes très longues années de radio, le média le plus taillé à ma mesure, est assurément à l'antithèse de tout ce que vous racontent les puissants spécialistes du journalisme, la plupart du temps des penseurs non-pratiquants.
 
Il vous disent quoi, ces grands clercs ? Que le journalisme doit avoir absolument besoin de plus de moyens. C'est faux. L'argent ne fait strictement rien à l'affaire.
 
Ils vous disent que le journaliste doit absolument avoir du temps, beaucoup de temps, pour "creuser", "enquêter", procéder à de très longues "investigations", "vérifier les sources", etc. etc. etc. C'est sans doute vrai. Mais moi, je pratique le métier depuis bientôt quarante ans. Et j'affirme, en diamétrale contradiction de ces éternelles pleureuses, que le temps, l'argent, ne font rien à l'affaire.
 
Quand on se passionne pour un domaine (la politique, par exemple), on est saisi dès la fin de l'enfance, en tout cas dès l'adolescence. Toutes ses lectures, on les dirige dans ce sens. Les livres qu'il faudrait lire, on ne les lit pas. En lieu en place, on en lit d'autres.
 
Mme Bovary à quinze ans, chez un garçon, ça ne passe pas. L'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, ça passe ! Dès l'âge de onze ans. Alors oui, on passe sa jeunesse à fuir les lectures obligatoires, et on se crée un monde à part. Le sien. Celui de ses passions.
 
Et puis, toute la vie, comme ça. Toujours en décalage. Sauf avec le chemin profond de sa propre passion. Le sillon.
 
Bien sûr que je respecte mes confrères qui préfèrent la lenteur de "l'investigation". Et qui ruminent des semaines, parfois des mois, avant de dégoupiller leur petite bombe. Pleine de révélations.
 
Mais leur chemin, par les grands clercs non-pratiquants, est exagérément présenté comme le seul possible. Accompagné des traditionnelles jérémiades sur le "manque de moyens". Il faut voir leurs grands airs, pénétrés d'importance : "Sans les médias, pas de démocratie". Et puis quoi, encore ?
 
Il existe une autre approche du métier. Tout aussi sérieuse que la leur, sur le fond, et l'absolue nécessité de maîtriser la matière. Mais plus instinctive. Plus réactive. Plus immédiate. Plus passionnée.
 
Cette autre approche, c'est la mienne.
 
Les instruments, les supports dont j'ai besoin, sont ceux qui me permettent, comme ici, de réagir immédiatement. De commenter instantanément. De mettre en perspective (historique, notamment) sans attendre.
 
L'évolution des supports, depuis quinze ans, va donc totalement dans mon sens. Rapidité. Instantanéité. Jeu de cache-cache avec le temps qui passe.
 
Avec ma plume, je fais de la radio.
 
La plume, la voix. L'une, pour remplacer l'autre. L'une, pour tenter de faire oublier l'autre. L'une, pour se consoler d'être orphelin de l'autre. L'une, pour tenter, avec ses moyens périssables, de restituer l'incomparable pulsion de vie de l'autre.
 
Sans l'immensité d'une nostalgie, pas d'accès à ce qui reste de la vie.
 
 
Pascal Décaillet

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