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Liberté - Page 1358

  • L’esprit d’Eloi

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 04.11.10

     

    Férus de Lumières, dont ils ne cessent de se réclamer, François Longchamp et ses puissants conseillers de l’ombre ont-ils ouvert un jour « L’Esprit des Lois » ? Montesquieu, comme on sait, y prône, quarante ans avant la Révolution française, la séparation des pouvoirs. Exécutif, législatif, judiciaire.

     

    Ce principe, le Conseil d’Etat genevois le foule allégrement de ses pieds les plus crottés : dans un communiqué publié hier 16h, où il déplore l’interruption du procès BCGe, le gouvernement cantonal « entend que le pouvoir judiciaire agisse avec détermination afin que le procès des anciens dirigeants et des réviseurs se tienne ».

     

    « Le Conseil d’Etat entend… » ! Un exécutif, Monsieur Longchamp, n’a strictement rien à « entendre » du pouvoir judiciaire. Il n’a aucune instruction à lui donner. Hélas, le communiqué d’hier vient confirmer votre théâtrale déposition, où vous sembliez prendre, déjà, bien des libertés avec le principe de séparation.

     

    Le pouvoir, tel un élixir, monterait-il à la tête ? Inciterait-il à tout voir à l’envers ? A l’instar du bon Saint-Eloi, garde noire du roi Dagobert, un conseiller charmant et cultivé. Qui voyait juste. Même pour le pantalon royal. De l’envers à l’endroit, il n’y a que le charme – passager mais si jouissif – d’une chanson.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le Conseil d’Etat bafoue la séparation des pouvoirs

     

    Sur le vif - Mercredi 03.11.10 - 16.42h

     

    Suite à la récusation du juge Delieutraz, le Conseil d’Etat genevois vient de publier, sous la signature de François Longchamp, un communiqué déplorant l’interruption du procès. Déjà, ce titre « Le Conseil d’Etat déplore », où un exécutif vient fourrer son nez dans une décision de justice, est pour le moins étonnant.

     

    Mais le cinquième paragraphe de ce communiqué, lui, constitue clairement une atteinte au principe fondamental de séparation des pouvoirs : « Le Conseil d’Etat entend que le pouvoir judiciaire agisse avec détermination afin que le procès des anciens dirigeants de la BCGe et des réviseurs se tienne ».

     

    A François Longchamp, toujours fier de se réclamer des Lumières, on se réjouira d’offrir sans tarder un exemplaire de « L’Esprit des lois ». Et un rappel des trois grands ordres, bien distincts, qui fondent une démocratie.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Doris et les écuries d’Augias

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 03.11.10


    L’excellent Philippe Nantermod a eu le courage de le clamer tout haut : parmi les nombreuses tâches qui attendent Doris Leuthard dans ses nouvelles fonctions, il y aura un incroyable ménage à faire dans les médias dits de service public, ceux que Pascal Couchepin appelle « radio d’Etat » ou « TV d’Etat ». Ceux, en tout cas, qu’engraisse un mode de financement (et de perception !) directement hérité de la régale ou de la gabelle d’Ancien Régime. Pudiquement, cela s’appelle « redevance ». En fait, rien d’autre qu’un impôt déguisé.

    Nous avons, en Suisse romande, d’excellentes radios ou TV privées, prenez Canal 9, La Télé ou Léman Bleu, cent fois moins dotées que le Mammouth, et qui font pourtant, jour après jour, de petits miracles. Débats citoyens, reportages, vie culturelle et sportive, petites équipes, guidées par l’enthousiasme, orientées sur le produit, loin de l’esprit d’Appareil qui paralyse la SSR. Par leurs résultats quotidiens, ces chaînes prouvent qu’on peut faire aussi bien, voire mieux, avec beaucoup moins de moyens. Il suffit d’avoir en soi la puissance de travail et d’invention, l’esprit d’entreprise, la fureur d’arracher des émissions. Et il faut, évidemment, renoncer une fois pour toutes, dans sa vie, à compter ses heures.

    Le discours que nous tient la SSR, ce chantage à une diminution des prestations si on ne leur donne pas encore plus d’argent, ne doit pas nous impressionner. Il faut simplement leur répondre : « Mais allez-y, diminuez-les, vos prestations, faites-les fondre, vos chaînes inutiles, virez vos apparatchiks, faites le ménage dans vos placards dorés, commencez par produire des programmes qui nous fassent un peu rêver, après on discutera ».

    Quant aux chaînes privées, celles que j’ai citées et d’autres, il est temps qu’elles lèvent un peu le nez de leurs fiefs respectifs, qu’elles jettent des passerelles entre elles. Cela passe par des émissions communes, supracantonales, de nature à fédérer l’intérêt de tous. Il est temps, aussi, de songer à une offre audiovisuelle romande privée. Qui ne sera ni une radio FM, ni une TV au sens classique, mais évidemment une plateforme multimédia. Ce jour-là, qui est à notre portée, les placardés et les apparatchiks du Mammouth pourront commencer à trembler.

    Pascal Décaillet