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Vade-mecum anti-molasse

 

Chronique parue dans le Nouvelliste - Jeudi 20.11.11



Au milieu d'une Europe qui ne nous veut guère de bien, et se porte elle-même fort mal, au milieu d'une crise financière, monétaire, et sans doute plus globale encore, à qui voulons-nous confier le destin de la Suisse pour les quatre ans qui viennent ? Chaque citoyen, en son âme et conscience, en jugera d'ici dimanche. Pourvu, simplement, qu'il le fasse dans l'urne : le mot « peuple », en démocratie, n'a de sens et d'issue que par la voie électorale, dans le cadre d'institutions. Bref, de gauche ou de droite, allons tous voter ! Plus la participation sera grande, plus sera légitime le Parlement fédéral 2011-2015.

Une légitimité dont il a bien besoin. Il convient de s'interroger sérieusement sur certains aspects vieillots de cette institution, qui à certains égards fonctionne encore comme au temps des diligences. A l'heure d'internet, des réseaux sociaux, qui permettent d'incroyables simultanéités à distance, d'un bout à l'autre de la planète, à quoi rime encore cette convergence physique, quatre fois par an, selon un calendrier totalement figé plusieurs années à l'avance, de 246 élus dans un même lieu, la ville de Berne ? Bon an, mal an, qu'il pleuve ou qu'il vente, il est acquis que les parlementaires siègent en mars, en juin, en septembre, en décembre. Un décalage total, en termes d'efficacité, par rapport au monde de l'économie.

Et puis, lâchons le mot : et si la Suisse était un régime parlementaire hypertrophié ? Savez-vous qui est, statutairement,  le premier citoyen du pays ? Réponse : le président du Parlement. Sans vouloir froisser mon ami Jean-René Germanier, qui accomplit d'ailleurs sa fonction à merveille, je ne trouve pas ce statut normal. Le premier, dans une démocratie, doit être le chef de l'exécutif. Qu'il ne le soit pas, en dit long sur la castration, dans la mentalité politique suisse, de tout ce qui peut incarner une fonction de décision, de prise de risque. Tout ce qui dépasse : on choisit Johann Schneider-Ammann à la place de Karin Keller-Sutter, décision catastrophique non seulement pour le PLR, mais pour le pays. On trouve ça très bien, on a mis un type qui nous dérangera moins que la redoutable Saint-Galloise, on a nivelé par le plancher. Et on s'en lave les mains. Et on s'en va boire un verre au Café fédéral.

Oui, la politique fédérale déifie l'institution législative, jusqu'à cette carte de visite, ahurissante, de « correspondant parlementaire », alors que les équipes journalistiques à Berne traitent aussi du Conseil fédéral, de l'administration, de la vie syndicale, patronale, et des partis politiques. Glorifier le cénacle des faiseurs de lois (hélas aussi faiseurs de rois, mais peut-être plus pour longtemps), au détriment du gouvernement, c'est l'un des paradoxes de notre système où la molasse est reine, et la pierre précieuse, appelée à demeurer dans l'ombre.



Pascal Décaillet


 

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