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Sur le vif - Page 1107

  • Frédéric Mitterrand : l’Ardèche c’est où, dites ?

     

    Sur le vif - Mardi 16.03.10 - 16.35h

     

    André Malraux, Jack Lang : il fut un temps où la France avait de grands ministres de la Culture, qui savaient faire des choix et délivrer des signaux. Aujourd’hui, la France a un ministre doté d’un grand nom, en quête désespérée d’un prénom : Frédéric Mitterrand. Nous avions été quelques-uns, pourtant, à nous réjouir de sa nomination : télévisuellement, l’homme avait du style. Comme ministre, il déçoit.

    Dernier épisode en date : les obsèques de Ferrat. Il n’y a qu’un lieu où le ministre français de la Culture, en ce début d’après-midi, se devait d’apparaître : Antraigues-sur-Volane, Ardèche. Un village au demeurant magnifique, dont je garde un souvenir ému. Depuis Louis XIV, la France, plus que d’autres, est un pays où les politiques ont su donner des signaux de respect aux artistes. Frédéric Mitterrand avait, cet après-midi, l’occasion d’honorer cette tradition trois fois séculaire.

    En lieu et place de cela, le ministre a préféré maintenir un déplacement en Arabie Saoudite, où nul ne doute qu’il ait des choses impérieusement urgentes à faire.

    C’est son droit. Mais ça manque de classe. Tiens, dans l’avion retour, en prenant congé des ultimes rivages du désert, je lui suggère d’écouter la très belle chanson « Ma France ». C’est signé Jean Ferrat. Bonne continuation, Monsieur le Ministre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La mort de Ferrat : tristesse et émotion

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    Sur le vif - Samedi 13.03.10 - 17h

     

    C’est avec une immense émotion – comme sans doute de nombreux lecteurs de ce blog – que j’apprends la mort de Jean Ferrat. L’une des plus belles voix de la chanson française, l’homme sans qui, adolescent, je n’aurais jamais lu Aragon, l’une des portes ouvertes de ma jeunesse à la poésie. Certaines chansons de lui, combien de fois les ai-je écoutées ? Cent mille ? Peut-être, oui.

     

    Avec Ariane Dayer, en avril 1999, il nous avait reçus chez lui, à Antraigues, dans cette Ardèche où il avait élu domicile depuis tant d’années, le pays de la Montagne. Nous avions découvert un homme d’une immense douceur, presque timide. Il avait évoqué ses soirées avec Ferré, Brel, il nous avait offert du Sancerre, c’était un moment magique, hors du temps.

     

    Dans la télévision française de mon enfance, on ne voyait presque jamais Ferrat. Il faudra attendre les années septante, dont un immortel Grand Echiquier de Jacques Chancel, pour tomber sous le charme de ce chanteur un peu gauche sur scène, ne sachant trop que faire de ses bras (il en parle dans l’une de ses chansons), mais à la voix d’or. « Votre voix, c’est un reflet de l’âme ? », m’étais-je risqué à Antraigues : « Non, juste un organe, un instrument », s’était-il contenté de répondre.

     

    On aime on non le style de Ferrat, son néo-classicisme, les violonades de certaines orchestrations, il n’est reste pas moins qu’il a su rendre populaire la poésie. Aragon, il l’a mis au service de tous. Des milliers d’adolescents de mon âge ont d’abord écouté Ferrat, et ensuite seulement acheté, chez NRF, « Le Fou d’Elsa », ou « La Diane française ». Je ne dis pas que cette poésie-là est aujourd’hui celle que je préfère, mais elle fut l’accompagnatrice de tant d’émois, associée à tant de personnes précises, à qui je pense en ce moment même, en écrivant ces lignes.

     

    Fils de déporté (qui n’en est jamais revenu), Jean Ferrat était communiste. Il voulait chanter pour tous, sans distinction de classe sociale ni de niveau culturel. Compagnon de route de ce parti communiste français qui avait été celui de tant de fusillés et dont il est impossible de ne pas admirer le rôle dans la Résistance. En nous quittant, aujourd’hui, à l’âge de 79 ans, il laisse derrière lui une œuvre magnifique, l’une des très belles de la chanson française de l’après-guerre. Longtemps, très longtemps encore, nous aimerons à perdre la raison. Cent mille fois encore, j’écouterai, dans sa voix, l’hommage d’Aragon à Desnos, « Robert le Diable » :

     

    « Tu avais en ces jours ces accents de gageure
    Que j'entends retentir à travers les années
    Poète de vingt ans d'avance assassiné
    Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure ».


    Longtemps, très longtemps encore, nous continuerons d’écouter Jean Ferrat. Avec Brel, avec Ferré, avec Barbara, c’est aujourd’hui, ce samedi 13 mars 2010, comme une part de nous-mêmes qui s’en va.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Mais qui est donc Philippe Souaille?

     

     

    Première question, je la pose sincèrement et me réjouis d’avoir une réponse : mais qui est donc Philippe Souaille ? Un homme politique ? Je m’en réjouirais : j’adore les politiques, de la gauche à la droite, cela m’importe peu, j’aime ceux d’entre eux qui ont du talent. Ou alors, peut-être, Philippe Souaille serait un confrère journaliste. Je m’en féliciterais encore plus : j’aime passionnément ce métier, et ceux qui l’exercent avec fougue et discernement.

     

    Hélas, j’ai beau scruter les organigrammes des partis, je n’y trouve nulle trace de Philippe Souaille. Y compris, du reste, dans celui dont il se réclame. Serait-il en lien avec la Garde Noire, dont il se fait le preux, le prétorien, l’impétueux défenseur à chaque fois que, dans l’intérêt de la transparence républicaine, on ose évoquer l’existence de cette dernière ? A cette question, je n’ai pas de réponse. Bref, pas de trace de Philippe Souaille dans le monde politique.

     

    Ah, mais suis-je bête, notre homme serait journaliste ! Alors, je regarde, j’épluche. Presse écrite : nulle trace de Philippe Souaille. Radio : nada. Télévision : néant. Voilà donc un politicien sans portefeuille, doublé d’un journaliste sans médias. Une sorte de Jean sans Terre. J’admire. L’homme le plus grand, c’est l’homme le plus seul, fait dire Ibsen à l’un de ses plus bouleversants héros, le Docteur Stockmann, dans « Un Ennemi du peuple ». Philippe Souaille est immense.

     

    Vous noterez que, depuis le début de ce papier, je précède son nom, à chaque fois, de son prénom, élémentaire courtoisie dont il ne croit pas bon de me faire bénéficier, lorsqu’il parle de moi. Procédé populiste, aussi, de mise à l’index, oui, ce populisme qu’il condamne à longueur de journée dans ses interminables diatribes contre tout parti qui serait d’autre extraction que celle de l’extrême centre. Car il est central, Philippe Souaille. Ombilical. Equatorial.

     

    Et puis, il connaît très bien l’Amérique latine, Philippe Souaille. C’est sans doute là-bas qu’il a dû commencer à consommer ce genre de produits hallucinogènes qui altère l’esprit et dissipe les sens. Ainsi, lorsque j’interroge le meilleur et le plus doué des jeunes espoirs radicaux, Murat Julian Alder, que je le reprends sur une affaire de centre et d’extrêmes, que ce dernier n’y voit nul inconvénient et me quitte en excellents termes, alors survient, tel Superman, Philippe Souaille. Chercheur de noises. Querelleur. Grand Prêtre dans l’ordre de la morale, de l’index, de l’ostracisme. Distributeur des étiquettes « d’extrême droite » à tous ceux que le système électoral genevois a exclus du gouvernement. Redresseur de torts que personne ne lui demande de redresser. Insultant, et laissant allègrement insulter sous son texte. Procédé précisément populiste, celui qu’il est réputé réprouver.

     

    Voilà quelques éléments d’appréciation. Et je m’empresse d’ajouter que j’aime Philippe Souaille. Et qu’il doit vivre, et vivre encore. Car j’ai toujours été, dès l’aurore de mon âge, viscéralement opposé à la peine de mort.

     

    Pascal Décaillet