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Sur le vif - Page 1020

  • Teresa et ses disciples

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    Lundi 28.03.11 - 16.17h

     

    La chaîne s’appelle « Mezzo », et c’est justement la tessiture de Teresa Berganza. Elle fut l’une des plus grandes. Et là, elle transmet aux plus jeunes. C’était en 2008, à la Villa Viardot. Et c’était, samedi, de 23h à minuit, un inoubliable documentaire musical de 57 minutes, signé Dominique Brard.

     

    La chaîne « Mezzo », d’un bout à l’autre de ses programmes, est un enchantement. Avec « Une leçon de chant de Teresa Berganza », c’est une petite heure d’intense bonheur, d’infinie précision sur l’art du chant, sa composante physique, anatomique, ce qui vient du ventre et court se caler jusque sous les résonances voutées du crâne. Le chant, musique issue du corps, destinée aux corps des autres. Il n’y a plus ni chair ni esprit, plus de démarcation, il n’y a plus que l’extase matérielle, sa durée, son rythme, ses coupures. La musique.

     

    Il faut voir la fusion de cette immense cantatrice avec ses quelques élèves venus des horizons du monde. Note après note. Syllabe après syllabe. Le sens d’une attitude, dans « Carmen » : fierté d’une cambrure, possibilité d’un sourire, fureur d’un regard. Triés sur le volet, ces disciples d’un jour sont déjà des surdoués de la musique. Auprès de Teresa, que viennent-ils chercher de plus ? L’élévation. La rigueur. La précision. La folie du personnage.

     

    Folie qui se crée. Se compose. Se restitue. S’extrapole. Au prix de milliers d’heures de travail. Toute la vie des élèves. Toute celle du maître. Pour un jour, sur une scène, oser prétendre, quelque part à Séville, que l’amour n’a jamais connu de loi.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Salika Wenger

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    Lundi 28.03.11 - 10.15h

     

    Salika Wenger ne pleurniche jamais. Les soirs de votations, qui sont souvent des soirs d’échec, elle ne vient jamais se lamenter, accuser le peuple d’avoir mal voté, la partie adverse d’avoir eu trop d’argent, le monde d’être méchant. Salika Wenger est une combattante. Elle se bat.

     

    Salika Wenger ne sombre jamais dans la scélérate, la mortifère confusion entre le grave et l’aigu, infantile maladie d’une certaine gauche genevoise. Elle ne dit jamais « dèbat », ni « compètente », ni « dèfavorisè », n’utilise d’ailleurs aucun de ces trois mots, et quand bien même elle faiblirait à en user, elle placerait l’aigu là où il faut. Avec la précision d’une broche, sur un tailleur.

     

    Salika Wenger est l’une des rarissimes personnes de la classe politique genevoise à parler juste et bien, un français clair en simple, sonore. Rien de précieux pourtant : le subjonctif imparfait, style ancien bâtonnier, n’est pas pour elle. Elle a mieux à faire.

     

    Salika Wenger écoute l’adversaire, ne l’attaque jamais personnellement, se délecte simplement à en démantibuler l’argumentaire, un peu comme un enfant cruel qui arracherait, une à une, les ailes des guêpes, en sifflotant. Ses phrases ont un début, un développement et surtout une fin, cette fameuse chute qui manque tant chez les leaders politiques.

     

    Chez Salika Wenger, chaque syllabe est posée. Dans son phrasé, il y a des notes et il y a des silences, la consonne est mise en valeur, la voyelle, en couleur. Une virgule est une virgule, la respiration l’accompagne. Un point est un point. La joie, la colère, l’indignation, n’existent que redoutablement théâtralisées.

     

    Il y a quelques milliards d’années-lumière entre l’efficacité rhétorique d’une Salika Wenger et l’aphasie de certains politiques genevois, jusqu’au plus haut niveau. Elle n’a pas besoin, elle, d’engager des boîtes de communication, ni dans le privé, ni dans le public.

     

    Salika Wenger ne nous emmerde pas avec l’épicène, elle est de cette génération où on étudiait encore la grammaire, le masculin tient du neutre, et on n’en fait pas une maladie. Féministe, elle déteste les jérémiades. Femme de gauche, elle abhorre le relâchement vestimentaire. Elle a juste envie, très fort, de vivre et de se battre. Et cela se sent. Et cela se voit. Dans la chambrée des torpeurs, elle sonne le réveil. Le tocsin. Et cela s’entend. Très fort. Et très loin.

     

    Pascal Décaillet

     

  • A Anières, le 22 ne répond plus

     

    Sur le vif - Et sans plomb - Vendredi 25.03.11 - 16.42h

     

    Chez les braqueurs, l’existence précède l’essence. On se pointe dans une station-service, on brandit une arme de poing, on file au turbo avec la caisse. Scénario huilé, vidangé, répétitif comme dans Bonnie and Clyde, la magie des visages de Faye Dunaway et Warren Beatty en moins. Hier, nous révèle la Tribune de Genève, c’était Anières. Dix-huitième brigandage de l’année sur Genève. En général, les commerces attaqués se trouvent à proximité de la frontière.

     

    A ce rythme, le job de pompiste confine à l’apostolat. Et l’augmentation des effectifs des gardes-frontière, une impérieuse nécessité. Bien sûr, nulle douane ne sera jamais étanche. Bien sûr, il y aura toujours des braquages. L’urgence, c’est qu’il y en ait sensiblement moins. Tant que cet objectif n’aura pas été atteint, les documents Power Point des conférences annuelles sur les chiffres de la criminalité, les mots savants soufflés par des experts, tout cela restera lettre morte. Et le crédit de l’autorité politique élue, dévasté.

     

    Pascal Décaillet