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  • Reconnaître la Palestine, ici et maintenant !

     
     
    Sur le vif - Dimanche 21.09.25 - 15.58h
     
     
    A Gaza, c'est l'horreur. Le nombre de dizaines de milliers de morts dépasse sans doute de loin les chiffres qui circulent. Le peuple de Palestine, dont certains partisans extrémistes de l'actuel gouvernement israélien vont jusqu'à nier l'existence, oui nier son statut même de peuple, vit l'enfer. Cela, tout le monde le sait. Ce sont les faits.
     
    A partir de là, vous connaissez mon engagement. Il est celui de toute ma vie, depuis l'adolescence : il faut deux Etats. Un Etat d'Israël, dont il n'est pas question, à mes yeux, de nier la légitimité, depuis 1948. Et un Etat de Palestine.
     
    Du côté des partisans de l'actuel gouvernement d'Israël, on multiplie les précautions oratoires pour nous persuader de l'impossibilité de ce scénario. Cet Etat serait trop "morcelé" : quel infâme culot, cet argument ! Qui, depuis au moins juin 1967, a TOUT ENTREPRIS pour, justement, parvenir à ce "morcèlement" ? Il faut aller sur place pour s'en rendre compte, je m'y suis rendu maintes fois : partout, les "check-point", partout les barbelés, partout les murs.
     
    On nous dit "Reconnaître quelle Autorité ? L'actuelle, issue de l'OLP, mais aujourd'hui totalement inopérante ? Le Hamas, jamais !" Etc. etc. etc. L'argument est spécieux. Reconnaître un Etat, ça n'est pas reconnaître un régime, encore moins une faction. C'est un élan du coeur, de tout un peuple (le peuple suisse, je le souhaite !), pour dire à ceux qui souffrent que nous sommes avec eux. Bien sûr que le principe d'un Etat palestinien, reconnu ces jours par les plus éminentes puissances du monde, dont le Royaume-Uni, anciennement tutélaire, ne va pas se concrétiser demain ! Mais le reconnaître, c'est tendre la main, au niveau politique (et pas seulement humanitaire) à un peuple dont nous reconnaissons l'immense souffrance.
     
    Alors oui, citoyen suisse, citoyen de ce pays que j'aime, que j'ai servi toute ma vie, 500 jours sous les drapeaux, puis des décennies pour en expliquer les enjeux politiques, je demande à mon gouvernement de RECONNAÎTRE L’ÉTAT PALESTINIEN. En aucun cas, notre amitié avec Israël, LE PEUPLE D'ISRAËL, n'en serait entamée. Nous sommes amis du peuple d'Israël. ET nous sommes amis du peuple palestinien.
     
    Une reconnaissance est un acte politique de premier ordre, un élan du coeur au nom du peuple suisse. Jouer la montre, ou camoufler son incompétence (eh oui, M. Cassis !) en s'abritant derrière un "avis de droit international", est une posture d'un singulier manque de courage. Depuis quand des juristes doivent-ils se substituer au politique face aux grands virages de l'Histoire ? Reconnaître la Palestine, ici et maintenant, sans attendre : telle serait, pour la Suisse, la voie de l'honneur. Et celle de la fraternité.
     
     
    Pascal Décaillet

  • La langue allemande : la vie qui danse, autour du néant

     
     
    Sur le vif - Dimanche 21.09.25 - 09.31h
     
     
     
    Si des gens n’ont strictement rien à dire de particulier sur la langue allemande, ce qui est leur droit le plus strict, pourquoi les interviewer sur le sujet ? Quelle valeur ajoutée ?
     
    La langue allemande est l’une des plus belles du monde, l’une des plus passionnantes à étudier, de l’Althochdeutsch carolingien au Mittelhochdeutsch du douzième, celui du Minnesang, et jusqu’à la fusion musique et mots de Brecht et Kurz Weill, ou celle de Hofmannsthal et Richard Strauss, Alban Berg et Wedekind.
     
    La langue allemande est plurielle, évolutive, très souple, puissamment dialectale. Elle est une musique en fusion, comme celle de l’Estonien Arvo Pärt, celui qui nous restitue jusqu’à la liquidité souterraine du minéral, dans son œuvre exceptionnelle.
     
    La langue allemande est musique et poésie. Elle est aussi mystique et théologie : l’homme qui invente la littérature allemande moderne, en 1522, n’est autre que Martin Luther, le plus grand des Allemands, avec Beethoven.
     
    Se lancer dans une Histoire des Allemagnes, de 1522 à nos jours, c’est convoquer avec passion l’Histoire de la langue allemande elle-même. Schiller, Fichte (dans ses Reden an die deutsche Nation, Berlin sous occupation française, 1807), les Frères Grimm, et le bouleversant poète Paul Celan (Allemand de Roumanie, 1920-1970, famille anéantie dans les camps) construisent toute leur œuvre autour de la langue allemande elle-même. Ils l’exhument, ils la ressuscitent parmi les morts, ils réinventent sa vie. Chez Celan, qui a choisi le Pont Mirabeau pour prendre congé de la vie, le 20 avril 1970, la langue danse autour du néant.
     
    La langue allemande n’est pas un simple support, elle est la vie elle-même, ce qui rassemble les Allemands. Les Frères Grimm, puis Brecht, Heiner Müller, Christa Wolf, se mesurent à la langue, sa puissance musicale, sa capacité d’évocation. Ils s’invitent, par immersion, dans ce liquide amniotique, celui de tous les Allemands, leur origine perdue, leur matrice.
     
    La langue allemande, c’est vrai, est d’un apprentissage exigeant. Elle sollicite le cerveau, pour la grammaire et la syntaxe, mais surtout le sens musical, l’acceptation de la souplesse dialectale. Une langue difficile, oui. Mais croyez-moi, chaque obstacle franchi est source d’une vivifiante joie intérieure. Parce qu’il vous ouvre le chemin. Il vous permet, un jour, de lire Hölderlin ou Thomas Mann. D’écouter le Deutsches Requiem en vibrant d’émotion intérieure, la même que celle de Luther, enfermé dans le Château de la Wartburg entre 1520 et 1522, arrachant à chaque mot hébraïque, ou grec, un mot en allemand de son temps. Arrachant la Bible aux clercs, pour la restituer dans l’universel de sa présence, ici et aujourd’hui. Et pour que le moindre paysan, dans la plus reculée des campagnes, puisse la comprendre. Mieux : la chanter.
     
    La langue allemande est un chemin de vie. Elle est la vie elle-même, dérisoire et fragile, parfois sublime. La vie qui danse, autour du néant.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Douceur et respect

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.09.25

     

    Nous, les Suisses, n’avons pas de leçons à donner à la France. Nous nous portons mieux, c’est vrai, mais les Histoires de nos deux pays sont tellement différentes. Celle de la France est à la fois plus glorieuse et plus tragique.

     

    Depuis la Révolution, il y eut les guerres napoléoniennes, la guerre de 1870, avec la perte, pour un demi-siècle, de l’Alsace-Lorraine, puis deux guerres mondiales au vingtième siècle. Il y eut, surtout, la défaite de juin 1940, après une Blitzkrieg de six semaines seulement, la pire déroute de l’Histoire de France. Enfin, il y eut le déchirement des guerres coloniales.

     

    Bref, nos amis Français reviennent de loin. Leur immigration, avec l’arrière-fond colonial, n’a rien à voir avec la nôtre. Ils ne connaissent pas la démocratie directe, qui commence seulement à devenir l’une des revendications majeures d’un peuple floué par ses élites. Enfin, la verticalité parisienne, avec son arrogance, ne laisse pas vivre les régions dans leur plénitude. Tout le contraire de notre fédéralisme. Mais c’est leur tradition, leur Histoire. Nous n’avons pas à les juger.

     

    Pour autant, souhaitons-leur la paix civile. Que la France conserve l’extraordinaire pluralité de ses opinions, c’est la richesse d’une démocratie. Mais de grâce, qu’elle retrouve des tonalités de douceur et de respect. Elles n’enlèvent rien à la richesse de ses idées. Au contraire, elles les rendront plus audibles. Et plus visibles.

     

    Pascal Décaillet