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  • Les brasseurs

     
    Sur le vif - Mardi 20.06.23 - 16.39h
     
     
    Se farcir des figures de proue de l'UDC, pour bien plaire aux autorités suprêmes de leur groupe de presse à Zurich, qui ont juré il y a trois décennies la mort de ce parti : la puissante stratégie éditoriale d'une rédaction, en Suisse romande. Dès qu'un UDC émerge, se montre populaire, compétent, jovial, proche des gens, souriant, donc éminemment éligible, bref un Lionel Dugerdil, on crée une affaire autour de lui, et on feuilletonne. Balzac, dans les Illusions perdues ! Lucien de Rubempré !
     
    C'est une manière de faire du journalisme. Ca n'est pas la mienne. Pas celle dans laquelle j'ai commencé ce métier, il y a quarante ans, au Journal de Genève. Puis, 17 ans à la RSR, où j'ai créé des émissions qui durent toujours. Puis, 17 autres années comme entrepreneur.
     
    Les méthodes de cette rédaction, je ne les supporte pas. Leur manière de créer un sujet de toutes pièces, puis revenir tous les cinq jours avec des nouveautés bidon, jusqu'à saliver comme des Polonais sur l'absence d'un type sur une photo officielle. Trotski, à l'enterrement de Lénine. On le tient, le polar du siècle. La vérité toujours jaillira de la gomme.
     
    Un véritable roman russe, tous les jours l'incendie de Moscou, la terre brûlée, les Cosaques à l'assaut de l'arrière-garde française. 1812 ! Et Natacha, sous les lambris.
     
    Faire mousser. Faire mousser. Faire mousser. Mais qu'ils lancent donc une brasserie, ces braves gens! Et qu'ils brassent du houblon, ou du blé, ou de l'orge. Plutôt que toujours du vent.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Profiteurs du climat, la voie vous est ouverte !

     
    Sur le vif - Lundi 19.06.23 - 08.26h
     
     
    La "loi climat" (détestable expression : en français, on utilise des prépositions) est donc passée. Dont acte. Vous connaissez mon attachement viscéral à la démocratie directe.
     
    Mais je me pose, ce matin, les mêmes questions que lors de l'acceptation du CEVA, à Genève, en 2009. Tous ces milliards, à qui vont-ils profiter ?
     
    Pour le CEVA, je n'avais cessé d'agiter le sujet pendant la campagne. Une honte, cette campagne de 2009, univoque à vomir, à part l'UDC et le MCG : la Sainte Alliance du Bois, du Bâtiment, du Fric, pour les milieux affairistes, de la Candeur et de la Naïveté, côté gauche. Ca fait du monde. Ils avaient gagné.
     
    Le Bois, le Bâtiment, ça n'est pas moi qui vais combattre ce milieu : j'en suis issu, j'ai grandi dans les récits de chantiers, de délais, de soumissions. J'aimais ça. Mais là, dans la campagne CEVA, c'était la nausée, tellement on voyait le lien entre politiques et appétits financiers de certains milieux. À noter qu'ils ont méchamment déchanté : les nouvelles normes d'adjudications ont fait que nombres de travaux ont été attribués à des entreprises... étrangères.
     
    Pour les milliards du climat, on va droit vers la même saloperie. Ces milliards ne serviront absolument pas à "lutter pour le climat" (encourageons peut-être les Chinois, les Américains, à un petit effort). Non, ils iront droit dans la poche de quelques petits malins qui, sous prétexte de "finance durable" (expression foireuse, répétée à l'envi dans les cocktails, vide de sens), se réjouissent déjà de s'en mettre plein les poches. Avec des panneaux solaires. Avec des chauffages sans fossiles. Avec tous ces nouveaux trucs désormais porteurs, qui vont appauvrir le pauvre et enrichir le riche.
     
    Ne parlons pas des voitures électriques ! Beaucoup de prolétaires possèdent une automobile, ils y sont attachés, c'est leur liberté, leur promesse de dimanches au vert, de vacances familiales à la mer. Ce seront eux, les premières victimes de la mode Verte, profondément anti-sociale, comme le sont les bobos.
     
    Voilà ce qui nous attend, en Suisse, avec cette "loi climat". Le peuple a voté, c'est en ordre. Mais on a encore le droit, dans ce pays, de dire et d'écrire ce qu'on pense. Protéger l'environnement oui, évidemment, mais se laisser berner par les modes et la liturgie des bobos, c'est NON, NON, et NON.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Kiruna, mines de fer, juillet 68

     
    Sur le vif - Dimanche 18.06.23 - 09.52h
     
     
    Vous entrez dans la roche, on vous donne un casque, vous prenez place dans le wagonnet d'un petit train, avec presque un côté Disneyland, et vous vous enfoncez à n'en plus finir dans les entrailles de la montagne.
     
    Kiruna, grand Nord de la Suède, mi-juillet 1968. Les mines de fer. Ce minerai qu'Anglais et Allemands s'étaient si âprement disputé en voulant contrôler Narvik, port norvégien d'où partait le précieux métal, au printemps 1940. Le Premier Lord de l'Amirauté est le même qu'aux Dardanelles en 1915, un certain Winston Churchill. Un quart de siècle après, une fois de plus, ce sera l'échec. Les Allemands tiendront la Norvège jusqu'à la fin de la guerre.
     
    Nous voilà donc, mi-juillet 68, dans le petit train minier de Kiruna, mes parents, ma soeur et moi. Mon père était ingénieur en génie civil. Il avait 48 ans. Les tunnels, dans la montagne, il connaissait : il avait commencé en Valais, en 1942. Fort d'artillerie de Champex, au-dessus d'Orsières.
     
    Nous étions partis fin juin de Genève, quatre heures du matin, Mercedes-Benz blanche, 280 S. Vitesses illimitées sur les autoroutes allemandes, une semaine rien que pour traverser l'Allemagne, deux jours dans le port de Hambourg, puis Kiel-Oslo (les courants marins nous ont secoués comme jamais), puis la lente montée vers le Cap Nord : Norvège, souvenir, inoubliable. Il faisait jour, même la nuit, nous dormions chez l'habitant, les gens étaient extraordinairement accueillants, tablées de poissons au petit-déjeuner. Hareng saur, à la place de la traditionnelle tartine. J'adorais ça.
     
    Retour du Cap Nord par la Suède, puis le Danemark, puis à nouveau plusieurs jours en Allemagne. Voyage unique, il marque une vie.
     
    Les mines de fer de Kiruna, c'était au début de notre descente, depuis le Cap Nord. Mon père voulait absolument nous montrer ça. Spectacle fascinant. La profondeur de la roche, la propreté du chantier, sa modernité, la qualité des cantines, à l'intérieur de la montagne : Suède sociale-démocrate, soucieuse de ses ouvriers, égalitaire, modèle au monde. C'était l'époque où la gauche n'était pas encore bobo.
     
    Je venais d'avoir dix ans. Je voulais, moi aussi, travailler dans ce monde-là. Pour être précis, je voulais - ne me demandez pas pourquoi ! - faire ma vie d'adulte comme ingénieur en mécanique en Allemagne. Je n'avais pas encore découvert (ou juste effleuré) l'autre monde, celui des livres et de la musique. Je rêvais ma vie en me calquant sur celle du seul homme adulte que j'avais à disposition, mon père. On me dira que c'était peut-être déjà pas si mal. Et on aura raison.
     
    Si, par hasard, vous passez un jour en Laponie, allez visiter les mines de fer de Kiruna. Une partie de la vraie vie se trouve dans le ventre de cette montagne : le labeur des hommes pour maîtriser la roche. Lisez Sophocle, Antigone, le choeur, premier vers du premier stasimon, "πολλὰ τὰ δεινὰ κοὐδὲν ἀνθρώπου δεινότερον πέλει" "Polla ta deina", "Nombreuses sont les merveilles". Mais la plus éblouissante de toutes, c'est l'homme.
     
     
    Pascal Décaillet