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  • L'allemand, l'italien, pas l'anglais !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.10.22

     

    D’abord, tordons le cou à la langue anglaise : elle ne mérite que cela. En quel honneur nous, à Genève, Canton membre de la Suisse, pays où l’on parle quatre merveilleuses langues (l’allemand, le français, l’italien, le romanche), aurions-nous à nous plier à l’usage de mots anglophones ? On parle anglais en Angleterre, aux Etats-Unis, dans pas mal de pays certes, mais enfin nous sommes ici au cœur d’une Europe continentale dont nous ont façonnés deux mille ans d’Histoire. Nous sommes au carrefour des mondes latins et germaniques. Chaque Suisse romand devrait, en plus du français, parler couramment l’allemand et l’italien. Pourquoi ce culte de l’anglais ? Pourquoi, sinon par génuflexion, depuis 1945, face à la toute-puissance des Etats-Unis d’Amérique, son impérialisme ? Les réseaux de domination, de colonisation des esprits, ça passe par la langue. Que le dominant essaye, c’est ma foi son rôle. Qu’un petit pays neutre, libre et souverain, comme la Suisse, se prête au rôle du dominé, n’est pas digne de notre ambition nationale.

     

    Tenez, il suffit qu’un type me parle de « start-up » pour que je voie rouge. D’abord, sur le fond : à quoi rime cette valorisation de la seule naissance, alors qu’une entreprise doit justement être jugée sur sa capacité à durer, de longues années, ayant conquis les cœurs et les confiances, l’estime de ses partenaires. C’est le fruit d’un long travail, recommencé, sacrificiel, à des années-lumière des éphémères de cocktails. Et puis, pourquoi l’anglais ? On pourrait, que sais-je, parler de « jeune pousse », ça passe bien, c’est court, imagé, facile à dire. Mais non, dans ces ineffables années 90 où régnaient le prétendu triomphe définitif du capitalisme (après la chute du Mur), des sottises comme « la fin de l’Histoire », l’argent facile, les flux spéculatifs mondialisés, la religion du boursicotage, il a fallu gonfler la cuistrerie ambiante jusqu’à désigner d’un mot anglais une entreprise n’ayant pour seule vertu que d’être à peine née. La plupart étant d’ailleurs, on l’a vu, mort-nées avant que d’être, mais c’est sans doute un détail.

     

    Car la plupart ne survivent pas. On en aura juste parlé au début, pour faire mode, réunir des capitaux, éblouir la galerie, échanger des mots anglais devant une coupe de champagne. Moi, je condamne le mot « start-up », je condamne la vanité prématurée de ce qu’il désigne, je condamne la soumission colonisée de ceux qui nous imposent la langue anglaise, avec leurs costards-cravates, leur code de dressage vestimentaire, leurs fantasmes de l’Ouest, sans avoir le centième du génie d’un Kafka, au début de « L’Amérique », ou d’un Cassavetes, en amorce du films « Gloria », lorsqu’ils nous décrivent les splendeurs d’une entrée dans la Jérusalem Céleste appelée New York. L’Ouest oui, mais transfiguré.

     

    Je nous invite tous à parler allemand (vous connaissez mon tropisme pour cette langue), mais aussi italien. Lire Thomas Mann, Hölderlin, ou les saisissants poèmes du cinéaste Pasolini. Je nous invite tous à aimer notre Europe continentale, lire le grec, ancien et moderne. Ne pas craindre l’archaïsme. Fuir la langue des dominants. Et de leurs complices.

     

    Pascal Décaillet

  • Esclaves du fait accompli

     
    Sur le vif - Mardi 11.10.22 - 16.14h
     
     
     
    La presse n'ose plus rien contredire. Elle se contente de prendre acte. Esclave du fait accompli.
     
    Fonction publique en grève. Hurluberlus qui se collent au bitume. Ceux qui dégrafent. Ceux qui dégrapent. Ceux qui dérapent. Ceux qui dépradent. Ceux qui dégradent. On laisse faire, on invente des verbes. On invite des sociologues. Des chercheurs en sciences sociales de l'Université de Lausanne. Nulle condamnation. Nulle indignation. Ils ont leurs raisons, ceux qui font ça. La religion supérieure, celle du Climat. Ultérieure à notre ordre légal. Céleste.
     
    Deux hallucinées se collent au goudron, à Berne, bloquent tout. On les qualifie "d'expertes du climat". Non, désolé : ce sont des délinquantes, tout simplement. Nous avons un ordre légal, un Etat de droit, il s'agit de les respecter. Celui qui les enfreint n'est pas un "expert du climat", et peu importerait qu'il soit docteur en théologie, ou même Prix Nobel. Si on parle de lui, en l'occurrence, c'est qu'il a transgressé la loi. Il est donc un délinquant. Sa place est devant les juges, en instances qu'on espère les plus rapides possibles.
     
    Mais les juges eux-mêmes n'osent plus ! Ils se dégonflent. Ils acquittent. Il faut les corriger, en instance d'appel. Ils ont la trouille. Tout le monde a peur. De quoi ? De la doxa ambiante. Surtout, ne pas déplaire.
     
    Et la presse, c'est la même chose. Personne pour condamner franchement. Personne pour gueuler un bon coup. Non, juste laisser passer la vague. Raser les murs. Baisser la tête. Est-cela, le courage éditorial ?
     
     
    Pascal Décaillet

  • Ils ne font pas grève, ils triment

     
    Sur le vif - Mardi 11.10.22 - 10.04h
     
     
    Ils ne font pas grève, ceux qui s'apprêtent, dans les années qui viennent, à secouer durablement notre société suisse, et celles de nos pays européens.
     
    Ils ne font pas grève. Vous savez ce qu'ils font ? Ils bossent.
     
    Ils bossent, bossent, et bossent encore. Ils s'intéressent à leur boulot, et non aux rapports contractuels. Au centre, ils placent le fond des choses : la finalité de leur travail. La qualité de finition. C'est l'une de vertus des Suisses, reconnues à la ronde. Nous avons à en être fiers. Être un maniaque du travail bien fait n'a rien de risible : c'est une éminente qualité, une marque de civilisation.
     
    Ils ne font pas grève. Ils triment. Et n'en peuvent plus d'être tondus par les taxes, les impôts, toute cette voracité de l'Etat-Moloch, celui qui ne leur accorde jamais, à eux, la moindre subvention, celui qui ne songe qu'à tout leur prendre. Ce même Etat qui laisse tomber nos personnes âgées, préfère l'altérité aux nôtres, ne songe qu'à entretenir sa propre machine, sous prétexte de "moyens pour subvenir aux besoins de la population".
     
    Il ne subvient pas aux "besoins de la population" ! Mais aux siens propres. Il engraisse son propre fonctionnement. Il veut engager, et engager encore. Que la fonction publique fasse grève, et immédiatement, en période électorale, elle aura gain de cause, aucun souci, c'est joué, plié, la classe politique n'osera pas s'opposer à elle. C'est mécanique.
     
    Ils ne font pas grève, ceux qui ne tarderont pas, dans les années qui viennent, à secouer notre système, et ça pourrait être assez violent, à la manière d'un Novembre 1918. Pas celui du Grand Soir, cette fois ! Non, celui des classes moyennes. Celui des petits indépendants. Celui des trimeurs de l'ombre. Celui des doués de leur boulot. Ceux qui soignent le détail. Ceux qui, jour après jour, font vivre la Suisse. Pas derrière des pancartes. Mais dans l'inquiétude créatrice de leur atelier.
     
     
    Pascal Décaillet