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  • La presse doit être sève et sang, vie et pulsion

     
    Sur le vif - Samedi 03.12.22 - 10.36h
     
     
    La presse romande se meurt. Doucement, mais sûrement. C'est inéluctable.
     
    A noter, au passage, qu'il n'y a là rien d'anormal. La mort fait partie de la vie. Nous mourons tous. Nos héros sont morts, nos amours sont mortes. Les journaux, eux aussi, naissent, vivent, et meurent. La mort, c'est la vie.
     
    Mais je ne parle pas de cette mort-là. Non, la presse romande se meurt, alors qu'elle pourrait vivre. Elle se meurt sans combattre, sans se réveiller. Elle se laisse mourir, résignée. Pire : elle fait tout pour ça.
     
    Nous avons besoin, dans l'espace éditorial (celui où s'exprime un choix, une vision, un engagement de plume et d'esprit), d'une presse qui soit sève et sang, vie et pulsion, et non de sages et fades "analyses", où s'équilibrent laborieusement le pour et le contre, surtout ne rien dire de clair, surtout ne pas s'exposer, surtout ne pas déplaire à ses pairs, surtout pas les foudres des collègues dans cet ineffable ring de règlements de comptes entre médiocres appelé "débriefing".
     
    Sève et sang, vie et pulsion. Nous avons besoin de révolte et de passion. Nous avons besoin de mémoire, de nostalgie, de lettres et d'esprit. Nous avons besoin de culture, d'ampleur, de lectures dans le temps, comme les dessinateurs ont besoin de lire dans l'espace. Nous avons besoin de musique, avec son souffle et ses silences, son rythme, jusqu'à l'intérieur de chaque syllabe.
     
     
    Nous avons besoin de plumes courageuses. Pas des têtes brûlées. Le lieu de l'ardeur, c'est le coeur. Le lieu de la chaleur, ce sont nos veines, nos artères.
     
    Mourir n'a rien de grave. Mais, si possible, en attendant le lieu et l'heure, on pourrait s'arranger pour être un peu vivants, non ?
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le Cervin, les aspirines, le Masque de fer

     
    Sur le vif - Vendredi 02.12.22 - 15.52h
     
     
    Résumons. Le secrétaire communal de Zermatt, ancien commandant de la Garde suisse du Pape, a disparu. Mais en fait, il n'a pas disparu. Sa disparition (qui n'en est pas une) serait due à une arrestation (qui ne s'est pas produite) dans un train (en panne), revenant de Zurich (ville qui n'existe pas plus que la Pologne chez Alfred Jarry), suite à une altercation avec un rival, au sujet d'une femme qui pourrait bien être un homme.
     
    L'affaire est claire. L'homme est un bon catholique (donc un espion protestant). Sa vie privée (qui est publique) est parfaite (donc vermoulue par le péché). L'homme fut un bon commandant (à vrai dire, exécrable) de la Garde suisse (où sommeille l'étranger).
     
    Quant au Cervin, il n'a rien vu, rien entendu. L'homme a disparu, mais il est parmi nous. Il est parti, mais il est là. Il est saint, mais torréfié par la chair. Et ce feuilleton journalistique, autour de cette affaire d'une clarté plus cristalline que l'eau du glacier, relègue le Masque de fer au rang de péripétie rouillée.
     
    Distribution d'aspirines à l’entracte. Avec les glaces, les esquimaux et les popcorns.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • L'eau et le vin

     
    Sur le vif - Vendredi 02.12.22 - 14.00h
     
     
    Quand un commentateur, ou un éditorialiste, n'a pas le courage d'aller jusqu'au bout, ni de prendre des risques, ni de s'engueuler avec ses pairs, ni de se mouiller, ni de faire parler les armes, quand il craint l'odeur de la poudre, quand il s'effraye de sa propre solitude, quand il veut demeurer copain avec ses ennemis, au lieu de les combattre frontalement, quand il préfère le marécage de la négociation à la clarté de la guerre, alors, ayant passé sa vie à doser l'eau et le vin, l'huile et le pastel, le dièse et le bémol, d'un geste désespéré qu'il sait lâche et qu'il croit salutaire, alors qu'il est mortel pour l'esprit, il intitule son texte "ANALYSE".
     
     
    Pascal Décaillet