Sur le vif - Samedi 03.12.22 - 10.36h
La presse romande se meurt. Doucement, mais sûrement. C'est inéluctable.
A noter, au passage, qu'il n'y a là rien d'anormal. La mort fait partie de la vie. Nous mourons tous. Nos héros sont morts, nos amours sont mortes. Les journaux, eux aussi, naissent, vivent, et meurent. La mort, c'est la vie.
Mais je ne parle pas de cette mort-là. Non, la presse romande se meurt, alors qu'elle pourrait vivre. Elle se meurt sans combattre, sans se réveiller. Elle se laisse mourir, résignée. Pire : elle fait tout pour ça.
Nous avons besoin, dans l'espace éditorial (celui où s'exprime un choix, une vision, un engagement de plume et d'esprit), d'une presse qui soit sève et sang, vie et pulsion, et non de sages et fades "analyses", où s'équilibrent laborieusement le pour et le contre, surtout ne rien dire de clair, surtout ne pas s'exposer, surtout ne pas déplaire à ses pairs, surtout pas les foudres des collègues dans cet ineffable ring de règlements de comptes entre médiocres appelé "débriefing".
Sève et sang, vie et pulsion. Nous avons besoin de révolte et de passion. Nous avons besoin de mémoire, de nostalgie, de lettres et d'esprit. Nous avons besoin de culture, d'ampleur, de lectures dans le temps, comme les dessinateurs ont besoin de lire dans l'espace. Nous avons besoin de musique, avec son souffle et ses silences, son rythme, jusqu'à l'intérieur de chaque syllabe.
Nous avons besoin de plumes courageuses. Pas des têtes brûlées. Le lieu de l'ardeur, c'est le coeur. Le lieu de la chaleur, ce sont nos veines, nos artères.
Mourir n'a rien de grave. Mais, si possible, en attendant le lieu et l'heure, on pourrait s'arranger pour être un peu vivants, non ?
Pascal Décaillet