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  • Les vitrines de Cologne, juste après la guerre

     
    Sur le vif - Jeudi 09.12.21 -10.15h
     
    Je préfère mille fois les votations aux élections. Parce qu'on y parle des thèmes, et non des personnes. Notre magnifique démocratie suisse, où le suffrage universel a le dernier mot, permet de brasser, toute l'année, des sujets communaux, cantonaux ou fédéraux sur lesquels, quatre dimanches par an, les citoyennes et citoyens se prononcent. Nous parlons des thèmes, nous faisons la politique, nous tous. Nous aimons notre pays, nous sommes les acteurs de son destin. En vérité je vous le dis : en matière de démocratie, nous avons des années-lumière d'avance sur nos voisins, à commencer par la France.
     
    La France ! Ce pays que j'aime tant, dont je parcours l'Histoire avec passion depuis l'enfance (comme celles de l'Allemagne, de la Suisse, des Balkans, du Proche-Orient, de l'Afrique du Nord). Ce pays dont la littérature, et d'ailleurs aussi la musique, me captivent. Ce pays ami n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut. En juin 1940, il a tout perdu, on sous-estime totalement cette défaite, la plus grande de son Histoire, absolument pas rachetée (méfiez-vous de la geste gaullienne) par la participation de façade de la France à la victoire de 1945. Oui, de Gaulle, génie du verbe, a brandi le cadavre comme on avait, au soir de la bataille, exhibé celui du Cid. Oui, par deux fois, en 44-46, puis en 58-69, il a raconté l'Histoire de la résurrection. Par deux fois, c'était un leurre. Et ça n'est pas, je pense, un anti-gaulliste primaire qui signe le présent billet.
     
    La France est dans un état moral hallucinant. Le cirque médiatique des chaînes en continu passe son temps à nous distraire avec le casino boursier des candidats à la Présidence. Sur ces chaînes, on bavarde. On s'étripe. On s'agrippe. On s'interrompt. De la vie quotidienne des Français, pouvoir d'achat, misère des retraites, chômage des jeunes, on ne parle jamais. On vient juste pour le spectacle. On fait briller les feux de vitrines luxuriantes, mais derrière, le magasin est vide. Comme dans Cologne, visitée un soir par mes parents juste après la guerre. Le lendemain, ils sont montés sur le dôme, ils ont découvert à leurs pieds la ville en cendres. Les vitrines, c'était juste pour maintenir le moral de la population.
     
    Nous les Suisses, restons concrets. Soyons démocrates, plus que jamais. Renforçons la démocratie directe. Lançons des initiatives. Nous les citoyennes et les citoyens, faisons la politique. Aimons notre pays. Parlons des idées, des projets. Pas des personnes.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'extase de la structure

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.12.21

     

    De quoi l’école a-t-elle besoin ? La réponse est simple : elle a besoin de passion. C’est la seule chose qui compte. C’est le fondement de l’édifice. Les élèves doivent avoir face à eux (oui, en face, dans un rapport frontal) des hommes et des femmes passionnés. Des humains, qui leur parlent, au fond des yeux. Et qui leur transmettent leur passion à eux, celle qui les anime, celle qui du dedans les incendie.

     

    Aujourd’hui comme hier, les profs passionnés existent. Hommage à eux. Ce sont eux qui sauveront l’institution, et non les tristes missionnaires de la structure. Ces derniers, hélas, sont omniprésents. Pas trop dans les salles de classes, mais dans l’Appareil. De l’intérieur, ils le nourrissent. Ils croient, sincèrement, que l’enseignement est une science, alors ils re recroquevillent sur le mesurable. Ils édictent et imposent des règles, comme si l’art de transmettre une passion devait relever d’une grammaire supérieure, donnée une fois pour toutes, sous la bénédiction de Piaget et ses épigones. Ils sont les gardiens du Temple. Les archanges du Paradis.

     

    L’école genevoise a d’excellents professeurs. D’excellents doyens. D’excellents directeurs, directrices. Des gens de qualité, cultivés, soucieux du bien public. Mais il règne, dans le Département, un climat de noyautage par ceux qui, moins habités que d’autres par la grâce de la transmission, l’art du verbe, la passion de l’oralité, se réfugient dans l’extase de la structure. Ces gens-là, sans tarder, doivent être dessaisis du pouvoir triste et malsain qu’ils exercent sur leurs pairs.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le DIP socialiste : pour l'éternité ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.12.21

     

    Nous avons, à Genève, cinq partis gouvernementaux. Nous en avons cinq, en moyenne, depuis 1961.

    Le DIP a été, depuis 1961, aux mains des socialistes pendant 42 ans : 24 ans sous André Chavanne (1961-1985), dix ans sous Charles Beer (2003-2013), huit ans sous Anne Emery-Torracinta.

    Dans deux ans, à la fin de la législature, le DIP aura été socialiste pendant 44 ans, sur 62.

    44 ans sur 62 ans, cela signifie le DIP socialiste pendant 71% du temps, depuis 1961. L'année de la construction du Mur de Berlin. Alors que nous avons à Genève, depuis cette période, où l’Algérie était encore française, une moyenne de cinq partis gouvernementaux.

    Pendant toutes ces années, de bonnes choses ont été accomplies, et puis d'autres, beaucoup moins bonnes. Dans cette seconde catégorie, il y a le poids croissant de l'Appareil, les affinités électives dans le choix des personnes, une passion démesurée pour la structure. Un pouvoir exorbitant donné aux pédagogues, aux théoriciens. L’idée excessive de faire de l’enseignement une « science », au détriment de toute la part d’instinct, de charisme personnel, qui fait la sève, le crédit, la grandeur du magistère. La confiance aveugle accordée à un institut de recherches interne, qui nous balance des chiffres comme un grimoire nous brandit des formules. Plus récemment, la peur de l’opinion publique. La crainte pour l’image. La loi du silence, dès qu’une affaire éclate. Une trouille verte face à d’éventuelles actions juridiques. Un conformisme hallucinant aux modes de pensée du moment : climatisme, féminisme. Une génuflexion permanente devant tout ce qui ressemble à une doxa de la gauche morale, bienpensante, celle qui édicte le Bien et le Mal, règle l’orthodoxie, instruit le procès des hérétiques.

    Je n’ai donné ici que quelques exemples. Il y en a tant d’autres. L’école est pourtant une invention merveilleuse. La transmission du savoir, entre le maître et l’élève, est un parcours initiatique bouleversant, fondateur. Ceux qui règnent sur le DIP sont donc investis du pouvoir sur un univers fascinant, où doivent régner la joie d’enseigner, celle d’apprendre, la liberté des âmes, la créativité, l’invention, l’innovation. La prise de risque, aussi, d’une parole solitaire face à la puissance d’une majorité. L’école doit être tout, sauf une citadelle de la peur. Hélas, trop souvent, elle l’est devenue. Non à cause des profs ! Non à cause des élèves ! Non à cause des parents ! Mais à cause de la structure ! Sa pesanteur. Son immobilisme. Son conformisme. Sa servilité face aux modes. Son usage de la peur, comme moyen de pouvoir. Sa langue de bois, face au constat du moindre dysfonctionnement.

    44 ans sur 62, soit 71% du temps, aux mains du même parti depuis 1961 : il y a là l’une des clefs d’explication de cet esprit de forteresse, où seule règne la stratégie défensive. L’attaque, la surprise, le mouvement, tout cela dort au fond des innombrables tiroirs de la bureaucratie au pouvoir. On ne règne pas par la peur. Ni par la contrainte. Ni par l’immobilisme. On règne par l’exemple. Par le charisme, Par l’enthousiasme. Désolé, mais aujourd’hui, on en est très loin.

     

    Pascal Décaillet