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  • Bêlent, bêlent, bêlent...

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.01.21

     

    L'expression "études genres", sans la particule "de", n'est tout simplement pas du français. Elle n'a aucune espèce de justification grammaticale. Si j'avais à l'utiliser (ce qui n'est absolument pas dans mes intentions, pour le temps qu'il me reste à vivre), je refuserais de bêler cet anglicisme.

     

    Car ils bêlent, les blancs moutons, le long des golfes clairs ! Ils bêlent, ceux qui, par peur de la terreur intellectuelle de certains milieux féministes ultras, se contentent de reproduire leur sabir. Le choix d’un langage n’est jamais un acte gratuit. Il détermine une allégeance. Il indique une subordination. Il y a des mots qui ressemblent à des génuflexions devant le suzerain du temps, telle mode intellectuelle par exemple.

     

    De la même manière, vous ne m’entendrez pas vous parler de « transition énergétique », « transfert modal », ou « rupture de charge ». Pas plus que « d’urgence climatique », et autres incantations du Catéchisme Vert. Leur langage n’est pas le mien. Leur vision du monde, non plus. Ils ont leurs mots, j’ai les miens.

     

    J’invite chacun de nous à s’exprimer selon son cœur, selon son style, selon son âme. Mais surtout, que ton verbe soit le tien ! Qu’il surgisse de toi, de tes entrailles, tes joies, tes colères. Que ton langage à toi ne ressemble à aucun autre ! Pour ma part, toute authenticité originale me convient. Et toute duplication, tout plagiat, tout emprunt à des meutes grégaires, me révulsent.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Série Allemagne - No 31/144 - 1918-1919 : la gentille Bavière aux avant-postes de la Révolution !

     

    Mardi 05.01.21 - 17.03h

     

    *** L'Histoire allemande en 144 tableaux - No 31 – La Révolution allemande de 1918/19, je vous en parle souvent dans cette Série, et j’y reviendrai largement, tant elle est fondamentale. Mais saviez-vous que la calme Bavière a été le théâtre, dès novembre 1918 et pendant toute l’année 1919, des épisodes les plus radicaux de cette Révolution ? Avec des Soviets locaux, directement inspirés de la Révolution russe, deux ans auparavant ! Au point qu’on nommera la Bavière de ces deux années terribles « la République des Conseils ».

     

    La Bavière ! Que seraient les Allemagnes, sans cet Etat immense, riche d’une Histoire complexe et mal connue, qui s’étend des Alpes, à la frontière autrichienne, jusqu’à la Thuringe protestante, le pays de Luther ? Rien que l’Histoire bavaroise justifierait 144 épisodes, il nous faut choisir, braquer nos projecteurs sur des moments précis, mettre en contexte en tâchant d’être simples. Pour la Bavière, cette tâche de clarification (Aufklärung) vient se heurter à la redoutable puissance d’une imagerie populaire, entretenue par les Bavarois eux-mêmes, principalement ceux du Sud, l’Oberbayern, dans la région – en effet féérique – des lacs et des Alpes. Le blason touristique est une chose. La démarche historique en est une autre. Elle exige d’aller quérir le réel, derrière l’image.

     

    En première lecture, la mythologie bavaroise nous brandit un paravent : les montagnes, les lacs sublimes de l’extrême-sud, les églises baroques, où la Contre-Réforme fit merveille (ne manquez en aucun cas la Basilique d’Ottobeuren, où j’ai passé l’été 1973, et où j’ai vu Eugen Jochum diriger Bruckner), l’Oktoberfest de Munich, les Châteaux de Louis II, la bière, la mousse, les chapeaux à plumes, les culottes de cuir. Tout cela existe, j’y ai passé tant de temps moi-même, encore cet été 2020, au retour de l’ex-DDR. Tout cela existe, mais n’est qu’une partie de la vérité bavaroise. La plongée dans les livres d’Histoire nous invite à lire au-delà du mythe. Et à découvrir une Histoire – sociale, notamment – d’une singulière complexité. Sans doute l’immense majorité de nos profs d’Histoire n’en ont-ils qu’une vision approximative. Voire pas de vision du tout.

     

    Dans cette Série, j’ai souvent abordé le thème de la Révolution de novembre 1919 dans les Allemagnes, c’est un sujet immense, l’un de ceux qui m’occupent le plus, lui aussi totalement sous-estimé dans nos écoles. Officiellement, la Révolution allemande commence le 9 novembre 1918, avant-veille de l’Armistice, lorsque l’Empereur Guillaume II est déposé. En Allemagne, la Grande Guerre ne passe plus, l’opinion publique n’en peut plus, le Kaiser d’ailleurs ne décide plus rien depuis deux ans : c’est un duo de militaires, Hindenburg et Ludendorff, qui mènent le bal. Le territoire du Reich n’est pas touché, mais plus grand monde, en Allemagne, ne veut de cette guerre, et la grande offensive victorieuse des Alliés, menée par Foch, en automne 18, dans l’Est de la France, décide les politiciens, notamment sociaux-démocrates, à faire le coup de force contre l’Empereur. Ils le renversent, il part en exil en Hollande, où il mourra en 1941, dans des Pays-Bas occupés par les… Allemands !

     

    Ça, c’est le début de la Révolution allemande, enchaînement très complexe d’événements, partout dans les Allemagnes, entre 1919 et 1923. On en retient, pour faire très court, les affrontements très violents entre communistes et Corps-francs (lire, dans cette Série, mon épisode sur les Geächeten, les Réprouvés, d’Ernst von Salomon, No 25/144, 12.07.20). On en retient l’émergence, en 1919, de la République de Weimar, et ses débuts terriblement difficiles au milieu du tumulte généralisé. Je reviendrai sur tout cela, dans les mois et les années qui viennent, en détail.

     

    Mais il est une chose que le grand public ignore. L’avant-garde de la Révolution allemande de 1918, c’est la Bavière ! C’est le 7 novembre, à Munich (deux jours avant le début officiel de la Révolution allemande, quatre avant l’Armistice), que le SPD (social-démocrate) Kurt Eisner, incite la population à occuper les casernes, et prendre le pouvoir. Le roi Louis III et sa famille prennent la fuite. C’est la fin de la dynastie des Wittelsbach, qui tenait la Bavière depuis 738 ans. La fin de la monarchie à Munich. 48 heures avant la chute, à Berlin, du Kaiser ! La gentille Bavière, paradis des lacs et des châteaux, est aux avant-postes d’une Révolution nationale qui, jusqu’aux marins de la Baltique, touche toutes les Allemagnes ! Et cela, très peu de gens, chez nous, le savent. Ils se figurent principalement la Révolution allemande à Berlin. Ils ont tort.

     

    Le 8 novembre (nous sommes encore en guerre, pour trois jours !), Eisner proclame la « République socialiste de Bavière ». Il a contre lui la droite nationale, qui le hait, et qui jouera un rôle fondamental, par le bais des Corps-francs, dans la Bavière des années 1919-1923, l’un des orateurs de brasserie de cette mouvance ayant pour nom Adolf Hitler.  Mais Eisner a aussi contre lui les plus modérés des sociaux-démocrates, qui, partout dans les Allemagnes, fin 18, début 19, jouent la carte gouvernementale leur permettant de devenir un pilier de la République de Weimar. A cela s’ajoute le désordre total – le mot « bordel » serait plus indiqué ! – des fractions de Bavière aux mains d’Eisner. Nous avons affaire à une République révolutionnaire qui n’a rien de républicain, et, en matière de Révolution, n’a pas le dixième du potentiel d’organisation de Lénine et Trotski, deux ans plus tôt. Le 12 janvier 1919, Eisner est battu par les sociaux-démocrates modérés aux législatives. Le 21 février, il est assassiné.

     

    C’est dans la foulée de cet événement que les gauches bavaroises, un moment fédérées, proclameront, les 7 et 8 avril, la Räterrepublik, la République des Conseils de Bavière. La plupart des grandes villes bavaroises y adhèrent, notamment en région danubienne, que l’imaginaire populaire se figure si calmes. C’est mal connaître le tempérament souabe, celui des années de formation d’un Bertolt Brecht, par exemple. C’est à ce moment qu’interviennent deux communistes, Eugen Léviné et Max Levien, pour prendre le pouvoir en Bavière. Le pays iconique de Sissi et de Louis II, de Linderhof et de Neuschwanstein, aux mains des Soviets ! Pourquoi personne ne nous parle-t-il jamais de cet épisode ? La Bavière, pays limitrophe de la Suisse par le lac de Constance, serait-elle moins importante que la lointaine Russie ?

     

    Bien sûr, il ne faut pas s’imaginer la République des Conseils régnant uniformément sur la Bavière. Nous sommes dans un phénomène avant tout urbain, dont la vieille paysannerie bavaroise, catholique et conservatrice, est infiniment éloignée. La Räterrepublik, qui commençait à installer la dictature rouge sur le pays et à proclamer la Déesse Raison dans la très catholique Munich, finit écrasée par les Corps-francs, nous y reviendrons largement. Mais il faut imaginer le traumatisme que ces événements de 1918/19 laisseront sur une opinion publique bavaroise foncièrement conservatrice. Après la République des Conseils, c’est l’idéologie des Corps-francs qui s’installe, que viennent grossir les rangs des millions de démobilisés. Parmi eux, un ancien combattant de juste trente ans, nommé Adolf Hitler. A Munich, jusqu’à son putsch raté de novembre 1923, il fera beaucoup parler de lui. Mais c’est une autre histoire.

     

    Pascal Décaillet

     

     

    *** L'Histoire allemande en 144 tableaux – Une Série racontant le destin allemand, de 1522 (traduction de la Bible par Luther) jusqu’à nos jours. Les 24 premiers épisodes ont été publiés en 2015, et peuvent être lus directement en consultant ma chronique parue le 11 juillet 2020, ici :

    https://pascaldecaillet.blog.tdg.ch/archive/2020/07/11/serie-allemagne-c-est-reparti-307498.html .

    La Série n’est pas chronologique, elle suit mes coups de cœur, mes envies, mes lectures. Lorsqu’elle sera achevée, une version rétablissant la chronologie vous sera proposée.

     

     

     

     

     

     

  • L'Allemagne ? Non, les Allemagnes !

     
    *** Dissertation intermédiaire sur la complexité des réalités allemandes - Lundi 04.01.21 - 16.35h ***
     
     
    L'Allemagne, au singulier, ça ne veut pas dire grand-chose, même aujourd'hui. Il n'y a, certes, qu'une seule Allemagne depuis 1866, consacrée par la proclamation de l'Empire dans la Galerie des Glaces de Versailles en 1871, mais la diversité politique, dialectale, culturelle, et longtemps confessionnelle du monde germanique m'amène, vous l'avez remarqué, à utiliser très fréquemment le pluriel : "Les Allemagnes".
     
    Il n'y a, certes, qu'une seule Allemagne depuis 1866. Encore faut-il rappeler qu'entre 1949 et 1989, il y en eut deux : celle de l'Est et celle de l'Ouest, nomenclatures qui pour moi (même dans ma jeunesse) n'ont jamais eu le moindre sens : pour la seule DDR, il faut parler de la Prusse, de la Saxe, et de la Thuringe. Oui, les réalités allemandes, c'est complexe ! Et puis, à l'Ouest, quels points communs entre un catholique conservateur bavarois, et un social-démocrate protestant de Basse-Saxe ou des villes hanséatiques ? Entre un Franz Josef Strauss et un Willy Brandt, ou un Helmut Schmidt ?
     
    On pourrait, tel François Mauriac, se réjouir, juste au lendemain de la guerre, qu'il y ait deux Allemagnes : plus il y en a, plus elles sont divisées, mieux la France se porterait. La logique de Mazarin, au fond, lors des Traités de Westphalie (1648), alors que les Allemagnes, dévastées pas la Guerre de Trente Ans, ne sont plus que cendre et poudre, trois siècles avant l'autre ruine immense, celle de 1945.
     
    Mais il faut aller plus loin. Considérer la diversité ontologique d'un monde germanique, qui alla jusqu'à regrouper plus de 300 Etats. Reconnaître les différences. Aller goûter la bière munichoise, le massepain de Lübeck, la salade sucrée de Lüneburg, les Knödel de Franconie, le requin de la Baltique, vendu dans mon enfance sur les devantures des kiosques, en pleine campagne du Schleswig-Holstein. Nous nous arrêtions pour en acheter, comme pour les fraises ou les abricots, dans l'été valaisan.
     
    Reconnaître la diversité. Mais passer une vie, par la lecture, à tenter de comprendre ce que ces peuples peuvent avoir en commun. La langue, bien sûr, malgré le foisonnement dialectal. L'idée de nation allemande, celle de Fichte (cf. mon épisode de 2015 sur le sujet). La Bible de Luther. L’œuvre de Jean-Sébastien Bach, celle de Beethoven, celle de Wagner, celle de Richard Strauss. La poésie de Friedrich Hölderlin. Les romans de Thomas Mann. Le théâtre de Brecht. Les films de Fassbinder. Les gravures de Dürer, que j'ai eu la chance immense de découvrir à Nuremberg, en 1971, l'année du 500ème.
     
    Une seule Allemagne, capable de singulariser toutes les autres. Oui, mais laquelle ? Toute tentative unitaire, dans l'ordre politique comme dans celui de la culture, se heurte au réveil des différences, c'est le charme et l'impossibilité de l'équation germanique. Quelque part, l'Allemagne du Saint-Empire, défait en 1806 par la victoire de Napoléon à Iéna. C'est celle des liens avec le Sud, l'Autriche, la Bohême. Ailleurs, l'Allemagne de l'Ostpolitik, celle des Saxons, des Prussiens, de la Hanse : celle de Frédéric II et de Willy Brandt.
     
    Le destin allemand, entre ces tropismes contradictoires, a quelque chose d'un attelage écartelé, plusieurs chevaux forçant la course dans des directions différentes. Et aussitôt, une Cantate de Bach, quelques mots de Luther, un dialogue final entre la Walkyrie et son père, un passage de Heiner Müller ou Christa Wolf, quelques vers de Paul Celan, comme la Niemandsrose, la Rose de Personne, sur la frontière invisible entre l'être et le néant, et c'est la vision unitaire qui reprend le dessus.
     
    Dès la fin de mon enfance, et très puissamment déjà dans l'adolescence, j'ai senti ce Noeud Gordien entre diversité et unité. C'était encore à l'époque du Mur. Sur lequel j'avais le déroutant privilège de me promener. Quelque part, sur la frontière historique entre la Saxe et la Prusse.
     
     
    Pascal Décaillet