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  • La bonne question - La bonne réponse

     

    Sur le vif - Dimanche 23.12.18 - 15.24h

     

    "Les populistes posent les bonnes questions. Mais donnent les mauvaises réponses". Depuis un quart de siècle, on nous sert cette phrase, qu'il faudrait accepter comme formule de grimoire.

     

    Sur les flux migratoires, en Suisse, il y a eu deux phases. Celle où les libéraux, associés à la gauche immigrationniste, traitaient de xénophobes, voire de racistes, ceux qui se permettaient de prôner une régulation. Alors que ces derniers, en tout cas l'écrasante majorité d'entre eux, n'étaient ni xénophobes, ni racistes.

     

    Deuxième phase : après le 9 février 2014, les libéraux, libre-échangistes, toujours associés à une gauche internationaliste, ont à peu près compris que traiter les partisans de la régulation, à longueur de journées, de noms d'oiseaux, liés au rejet de l'Autre, ne servait pas à grand chose. Alors, ils nous ont déterré ce vieux slogan : "Ils posent les bonnes questions, mais donnent les mauvaises réponses". Comme si eux, dans leur coin, détenaient la clef de la bonne réponse, à donner à la bonne question. Ils en ont profité pour ne strictement rien faire, et laisser Berne, Conseil fédéral et Parlement, dévoyer la volonté de contingents, clairement exprimée le 9 février 2014.

     

    Je vous propose, pour changer un peu, d'entrer joyeusement dans la troisième phase : établir, par l'argument, en toute fraternité citoyenne, sans la moindre haine ni le moindre rejet, que ces gens, qui sur l'immigration posent de bonnes questions, eh bien donnent AUSSI parfois de bonnes réponses.

     

    Pas toujours. Nul, en politique, n'a toujours raison. Mais souvent, oui, ayant posé la bonne question, ils donnent AUSSI la bonne réponse. A vrai dire, beaucoup souvent qu'on ne l'imagine.

     

    Pour être un peu plus clair, je propose d'entrer dans une phase (la troisième, oui !) où on ne lâche plus rien. On ne se laisse pas impressionner par les courbes de croissance de la droite libre-échangiste, ni par les leçons de morale de la gauche internationaliste. On formule une pensée, en fonction de notre vision historique, de la présence vivante de nos lectures, et de notre conception de l'intérêt supérieur de la nation. On assume ses choix. Et, dans le champ éditorial, on fait la seule chose digne d'un homme d'honneur, qui croit en ses idées : on se bat.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Duhamel Brothers

     

    Sur le vif - Dimanche 23.12.18 - 11.11h

     

    Vous ne les compterez plus, dans les semaines et les mois qui viennent, les interventions, dans vos journaux, du ban et de l'arrière-ban des puissants penseurs français - ceux qui se succèdent depuis plus de quarante ans sur les plateaux TV - pour vous affirmer que l'aspiration des gilets jaunes à une forme de démocratie directe est une "fausse bonne idée".

     

    Elle pourrait être bonne pour la Suisse, allez reconnaissons qu'elle l'est. Mais en tout cas pas pour la France : vous pensez, le référendum s'associe immédiatement à un plébiscite, l'image de Louis-Napoléon, alias "Le Petit", surgit dans les mémoires. On nous parle même, ce matin, dans la presse dominicale orangée, avec une nuance à toute épreuve, des fantômes d'Hitler et Mussolini.

     

    Eh bien, ma foi, voilà des plumes et des voix qui semblent avoir une profonde estime pour le peuple de France ! A les lire, à les entendre, ce peuple ne constituerait rien d'autre qu'une masse manipulable : vous lui confiez un référendum, c'est en fait un sénatus-consulte du Prince, un plébiscite pour lui dire, par thème interposé, qu'on l'aime ou qu'on le déteste. Le peuple, étant par nature aveugle et stupide, sera dupe de la supercherie, se laissera embarquer, la démocratie thématique passera à la poubelle, on aura juste activé la démarche plébiscitaire, celle qui légitime des régimes forts, confirme le caractère allemand de la Sarre, par exemple.

     

    On peut en discuter, sur le fond. Et en effet, la France devra se montrer très inventive pour mettre au point des mécanismes de démocratie directe qui répondent à son génie propre, à son Histoire, radicalement différente du fédéralisme suisse. Mais la manière dont ces têtes pensantes, Frères Duhamel et Compagnie, éradiquent d'emblée toute chance de réussite pour un essai de démocratie directe thématique en France (voter sur des sujets, et pas seulement pour élire des personnes), en dit infiniment long sur la mentalité d'élite de ces stars de plateaux TV, profondément acoquinées avec tout ce que la vie parisienne compte de pouvoirs, de gauche comme de droite.

     

    La vérité, c'est eux. La connaissance, c'est eux. La vision sur les nécessités du peuple, c'est eux. Le peuple, à leurs yeux, n'est qu'une bête à cornes, une brute pompière, tout juste bonne à payer ses taxes et ses impôts, s'abrutir le soir devant des émissions faciles, mettre deux heures pour aller au travail et en revenir, en voulant bien payer sans rechigner la surtaxe pour faire bien, à Paris, dans l'image mondiale qu'on donne dans la lutte pour le climat.

     

    Eh bien, les Frères Duhamel & Co se trompent lourdement. Le peuple de France n'est en rien constitué d'imbéciles. C'est un grand peuple, patriote, attaché à une nation deux fois séculaire, celle-là même qui, proclamée République en 1792 au moment de Valmy, a osé défier, avec ses Soldats de l'An II, l'Europe entière des têtes couronnées. Le peuple des combats, dans toutes les guerres. Le peuple des souffrances. Mais muni d'une conscience nationale qui, aujourd'hui, a immensément faim et soif d'une démocratie nouvelle, élargie. Pouvoir voter directement sur des sujets ! Qui seront, je suis prêt à le parier, principalement des sujets régionaux et locaux. Mais aussi, sur la continuation de l'appartenance à l'Union européenne. Mais encore, sur l'Euro. Ou encore, sur la régulation des flux migratoires.

     

    C'est précisément cela que nos chères élites cosmopolites, les BHL et les Cohn-Bendit, et tous les penseurs mondialistes des salons parisiens, et les Duhamel Brothers, ne veulent à aucun prix. Parce que la vérité, c'est eux qui la détiennent, dans leur Temple. Pourquoi, mais pourquoi diable, iraient-ils la partager avec les Gueux ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Non, Sire, c'est une naissance !

     

    Sur le vif - Samedi 22.12.18 - 18.16h

     

    Ce qui se passe en France, avec les gilets jaunes, en Italie, en Autriche, en Hongrie, en Pologne, n'a rien d'une parenthèse. Les équipes au pouvoir dans les autres pays, à commencer par Macron, adoreraient que tout cela ne soit qu'un interlude, fugace. Une percée lumineuse du cauchemar, juste avant le réveil.

     

    Non. Ce qui se produit en France, en Italie, dans beaucoup de Länder allemands, est un commencement. Il se passe, en Europe, quelque chose de l'ordre d'une naissance. Celle, comparable au printemps des peuples en 1848, d'un nouveau rapport à la démocratie.

     

    Nous ne sommes pas dans des révolutions fascistes, comme voudraient tant nous le faire croire les tenants de l'Ancien Régime, doucement en train de s'effondrer. Nous sommes dans des révolutions démocratiques.

     

    Nous avons affaire à des peuples qui aspirent à prendre davantage en mains le destin de leurs pays. Davantage de démocratie directe, à inventer nation par nation, selon le génie de chacune. N'ayons pas, nous Suisses, l'arrogance ni la prétention d'exporter notre système : il est idiomatique à notre Histoire, et d'ailleurs rien ne s'exporte, c'est justement cela, croire en l'âme de chaque nation. Et croire au droit de chaque peuple à disposer de lui-même.

     

    Davantage de démocratie directe, non pour écraser la démocratie représentative, mais pour entrer avec elle dans l'étincelante dialectique de la concurrence. En Suisse, nous connaissons cela. En quoi faudrait-il craindre la force des idées ?

     

    Les citoyennes, les citoyens d'Europe, aspirent à aller davantage aux urnes sur des thèmes, un peu moins pour élire des "représentants", qu'ils ne voient que tous les quatre ou cinq ans, et qui, entre-temps, vivent dans la consanguinité parlementaire.

     

    Le peuples d'Europe veulent en découdre directement avec les thèmes. En Suisse, nous connaissons cela. Eh bien, que chacun de ces peuples, s'il le veut, invente le chemin qui lui permettra de conquérir ce pouvoir extraordinaire.

     

    Nous avons, autour de nous, à commencer par notre grand voisin la France, des peuples qui rêvent d'une démocratie plus vivante, plus juste, plus efficace qu'aujourd'hui. Nous n'avons, me semble-t-il, qu'à nous en féliciter !

     

    Quant aux petits marquis de l'Ancien Régime finissant, les BHL et les Cohn-Bendit, laissons-les vomir sur ce printemps des peuples. Vomir : ils ne savent faire que cela, dès que le bruissement des consciences vient déranger la parfaite ordonnance cosmopolite de leurs géométries mentales.

     

    Nous avons, nous tous, beaucoup mieux à faire : passionnons-nous pour ce réveil démocratique. En respectant chaque nation, dans sa nature et sa différence. Et en offrant notre amitié à tout ce qui peut augmenter le pouvoir des peuples sur la destinée des pays.

     

    Pascal Décaillet