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  • Le Diable de Moscou

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    Commentaire publié dans GHI - 21.02.18

     

    « Le Président de la Douma (Parlement russe) est persona non grata dans l’Union européenne. Alors, que vient-il faire en Suisse ? ». Cette phrase hallucinante, notamment ce « alors », a été prononcée ce lundi 19 février dans les titres du Journal de 12.30h, sur la Première.

     

    Hallucinant, oui. D’abord, la Suisse, à notre connaissance, n’est pas membre de l’Union européenne, et nous doutons qu’elle soit amenée à y adhérer dans les dix ou quinze années qui viennent. Donc, au nom de quoi Berne devrait-elle se sentir liée par une fatwa de Bruxelles frappant l’un des personnages les plus importants de Russie ? Soyons clairs : la Suisse est un pays souverain, elle reçoit qui elle veut, quand elle veut.

     

    Et puis, il y a cette perpétuelle diabolisation, dans les milieux bien-pensants de l’Union européenne, de tout ce qui touche, peu ou prou, à la Russie. Parce que le Président de la Douma serait « un proche de Poutine », il incarnerait le camp du Mal. Il ne faudrait surtout pas le recevoir, avoir le moindre contact avec lui, le toucher.

     

    Candide vision. Qui rappelle les heures les plus blêmes de la Guerre froide. Propagande orchestrée non seulement par l’UE, mais par l’OTAN. Comme sur les Serbes pendant les années 1990, on jette l’anathème sur un camp, toujours le même. Là, c’est la Russie. Que les propagandistes professionnels agissent ainsi, c’est ma foi leur métier. Mais peut-être, de la part de journalistes suisses, pourrait-on espérer un peu de nuances, de clairvoyance, et d’arrière-pays historique.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Et ça surgit au moins du ventre !

     

    Sur le vif - Samedi 24.02.18 - 17.08h

     

    La radio est un métier. Il faut y faire ses gammes de longues années, pour apprendre tous les registres de la voix. Le rythme. Les césures. Les silences. Les ruptures de ton. Les éclats. La sourdine. La plénitude. Le murmure.

     

    Apprendre tout cela, comme il en va d'un solfège, les premières années de l'apprentissage musical. Travailler avec le ventre, le diaphragme, le souffle, les tripes parfois.

     

    Faire des centaines d'émissions. Des milliers, plutôt. Des flashes, des journaux, des revues de presse, des directs sur le terrain, des manifs de paysans sur la Place fédérale, de longues soirées électorales, des élections du Conseil fédéral, en décembre à Berne. Des directs à l'étranger, aux quatre coins du monde, au milieu des foules, sur la chaleur d'un événement.

     

    Faire des centaines d'émissions en direct dehors, oui. Et pas en studio. Greffés sur l'événement. Comme le reporter sportif, sur son match.

     

    Apprendre à improviser, tout en gardant la rigueur, l'exactitude, la densité de l'information. Mais sans texte pré-écrit. Juste un ou deux mots-clefs. Ou rien. Tout cela, dans un timing donné, à la seconde.

     

    Si l'on tient à avoir un texte, alors apprendre à lui donner volume, intensité, souffle et vie. Chaque syllabe, chaque virgule, est un empire, un univers. S'exercer sur les Fables de La Fontaine. Le Héron, par exemple, avec ses "h" aspirés, sa versification virevoltante, suffocante de surprises.

     

    Aujourd'hui, sur les ondes radiophoniques publiques, dans certaines chroniques, on balance le premier venu à l'antenne. On croit lui rendre service, en lui épargnant le parcours initiatique de l'apprentissage de l'oralité, comme si l'on pouvait accélérer la fermentation naturelle d'un vin. Hélas, on le tue.

     

    Envoyer sur le front des jouvenceaux non-préparés, c'est les flinguer. Il ne s'agit pas d'en vouloir à ces victimes expiatoires, mais bien à l'irresponsabilité de ceux qui leur offrent cet aller-simple vers le casse-pipe.

     

    Le jouvenceau, vous l'aurez compris, peut être sexagénaire. Il est, simplement, celui qui ne s'est jamais rompu à l'ascèse radiophonique. Ou qui s'imagine pouvoir échapper à cette dernière. Ainsi, dans les ineffables cénacles de bavards qu'on appelle aujourd'hui "chroniqueurs" (ce qui est un dévoiement du sens de ce mot), la glaçante solitude de celui qui, interrompant la palabre générale, a une minute pour nous lire, les autres soudain tus, son papier d'humeur. C'est ce moment-là le verdict, celui qui fait la différence. Tel roitelet de la presse écrite, qui règne par le syllogisme, soudain se perd et s'évapore, se meurt et balbutie.

     

    Parce que pérorer en rond, tout le monde peut. Mais habiter cette minute-là, seul, c'est un peu plus difficile.

     

    Mais d'où peut donc venir cette illusion que le premier venu puisse, comme ça, se saisir d'un micro et tenir une émission, ou une chronique, sans la lente, la patiente maturation d'un chemin personnel vers l'oralité ? Les cadres, mexicains dans le fatras de leurs armadas, qui affichent cette insoutenable légèreté en matière de formation, doivent être appelés à en répondre. Quand une bataille est perdue, on limoge le général, pas la soldatesque.

     

    Parce qu'une émission (ou, plus difficile, une irruption, c'est cela la vraie chronique) ne se fait pas en se contentant de remuer les lèvres. Mais par un don de soi, généreux et puissant, qui passe par toutes les fibres du corps, tout ce qui génère et produit la voix, et ça surgit au moins du ventre. Une émission, ce sont des fragments d'âme, jetés là.

    Ou alors, autant faire autre chose. Tiens, surintendant d'une usine à gaz, par exemple.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Frères de la Côte

     

    Sur le vif - Vendredi 23.02.18 - 11.57h

     

    Il existe manifestement, autour de l'aéroport de Genève, une clique d'intérêts qui amène pas mal de monde à se tenir par la barbichette. Pas besoin de vous faire un dessin : on les reconnaît au parfum.

     

    Affaire de gros sous, en priorité. Mais pas seulement. Fraternité occulte dans l'ordre de la mégalomanie. Idéologie du Grand Genève, capitale du monde, qui aurait besoin d'une plateforme aéroportuaire en forme de blason de ses voracités planétaires.

     

    Dans cette chapelle, ils ne sont pas beaucoup. Mais puissants. Organisés. Disposant des leviers.

     

    Dénoncer la démesure de l'expansion de l'aéroport, souligner les nuisances pour la population, c'est immédiatement s'attirer les foudres de ces Frères de la Côte.

     

    C'est pourtant faire œuvre citoyenne. Je félicite ceux qui osent s'engager dans cette entreprise. Ils servent le bien commun. Le développement durable et maîtrisé. Je leur apporte ici mon soutien.

     

    Pascal Décaillet