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  • Saint-Pierre : un discours pour rien

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.06.18

     

    Le discours triste et sec d’un homme qui pense à autre chose. Le catalogue, impeccable et ennuyeux, de sept intentions gouvernementales juxtaposées, sans beaucoup de lien entre elles. Un homme en chaire, sans le moindre sourire, qui procède à une énumération, entendez la part la plus fastidieuse de la rhétorique, celle où les mots défilent au pas. Je pensais Pierre Maudet meilleur dans l’ordre de l’oralité, capable de surprises, de ruptures de rythme, de pointes d’humour (il l’est, dans la vie), de variations dans les tonalités. Là, nous eûmes une sorte de lecteur contre son gré, juste l’officiant d’une parole qui ne serait pas sienne, mais collective. Comme si le verbe, âme et principe du monde, pouvait surgir d’autres entrailles que de l’individu.

     

    Alors, quoi ? Que s’est-il passé ? L’homme, attaqué politiquement, le jour même, par quatre partis du Grand Conseil sur sa petite virée en jet privé, avait-il l’esprit ailleurs ? C’est fort possible. Mais en rhétorique, peu importent les causes, seul compte l’effet. Celui qui prétend, de la chaire d’une Cathédrale où prêcha Calvin, s’adresser au public, n’a pas droit à l’erreur. Chaque faille l’expose au Jugement dernier. C’est comme l’art du micro, qui amplifie la faiblesse autant que la vertu des voix. Après tout, nul d’entre nous n’est obligé de se mettre en situation de devoir prendre la parole dans ce lieu où, pendant des siècles, l’austérité fut sanctifiée, la démesure prohibée, le péché vilipendé. Nul d’entre nous, jamais, n’est obligé de s’approcher d’un micro.

     

    Je n’analyse pas ici le fond du discours, qui définit fidèlement les ambitions du collège pour cinq ans. Avec une telle égalité des parts laissée à chacun qu’il y manque juste l’essentiel : le souffle d’un style. Ce dernier, n’en déplaise aux pédagogues du collectif, ne peut surgir que de l’univers intérieur d’un individu : on n’écrit jamais rien de bon à quatre mains, encore moins à quatorze. Et celui qui parle, toujours, s’approprie. Le rhétoricien est capteur, pirate, il saisit au vol, ramène à lui : l’oralité est, par essence, le domaine où rien ne se partage, si ce n’est justement la parole libérée du locuteur.

     

    Alors certes, il y eut tout ce qu’il fallait, un peu de Léman Express, un zeste de formation obligatoire jusqu’à 18 ans, quelques miettes sur l’excellence hospitalière : les six collègues ont dû être contents, nul ne fut oublié, sauf que le résultat rhétorique fut un échec. D’autant plus étonnant que Pierre Maudet est, d’ordinaire, plutôt bon à l’oral, mais il faut que ça vienne de lui, de sa révolte, de ses entrailles, comme à la magnifique époque de la rue du Stand, et non de l’ennui mortel d’un exercice imposé.

     

    Cet échec, dans l’ordre du discours, ne préjuge de rien. Pierre Maudet peut devenir un très bon Président. Il pourra, en d’autres circonstances, retrouver sa verve. Il aura son nom dans l’Histoire, dans les dictionnaires, sans doute sa rue. Il aura juste peiné, en ce lieu et en ce moment-là, à réveiller Calvin et les grands prédicateurs. On y survit, assurément. On survit à tout. Ou presque.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Commis-voyageur de la guerre

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    Sur le vif - Mardi 05.06.18 - 15.15h
     
     
    Et pendant ce temps, M. Netanyahou, Premier ministre israélien, poursuit sa tournée des popotes, pour convaincre les dirigeants européens de sortir de l'Accord nucléaire avec l'Iran. Après Mme Merkel à Berlin, c'est aujourd'hui M. Macron à Paris, et demain ce sera Londres.
     
    La tournée du Premier ministre israélien va bien au-delà de l'Accord nucléaire, signé sous Obama, puis dénoncé par Trump. Il s'agit, doucement mais fermement, de préparer les puissants, en Europe, à une guerre des Etats-Unis et d'Israël contre l'Iran.
     
    Une guerre qui se prépare depuis des années au Pentagone (le scénario date de bien avant l'arrivée de Donald Trump). Regardez la carte des puissances stratégiques au Proche-Orient et au Moyen-Orient : l'Iran est littéralement cerné, aujourd'hui, par les bases militaires américaines. Elles ne sont pas là pour rien.
     
    Il existe, aux États-Unis, des forces très puissantes, et très influentes, en faveur d'un conflit armé direct avec l'Iran. Il y a tous ceux qui n'ont pas digéré l'humiliation subie par les Américains à la fin de l'ère Carter, lors de la désastreuse tentative de libération des otages. Il y a les milieux évangéliques, dont on sous-estime ici la capacité de leviers idéologiques. Et puis, il y a les traditionnels soutiens d'Israël. Mis ensemble, cela commence à faire du monde. Et constitue, pour Trump, une clientèle non-négligeable pour sa réélection, en 2020.
     
    Oui, les Etats-Unis et Israël préparent, ensemble, la guerre contre l'Iran. Oui, tous les prétextes leur seront utiles, comparables à la petite fiole, naguère, de Colin Powell. Oui, ils utilisent l'Accord nucléaire, et son prétendu non-respect par Téhéran, comme cause directe pour intervenir.
     
     
    C'est dans cette optique, bien précise, que s'opère la tournée européenne de M. Netanyahou. Il n'est pas venu sur le Vieux Continent comme messager de la paix. Mais comme commis-voyageur de la guerre.
     
     
     
    Pascal Décaillet