Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Une Genève à un million d'habitants, non merci !

    584e9dc3b1c6e.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.04.18

     

    Une campagne sans thèmes de fond ? Mensonge ! Si certains confrères, et surtout certaines consœurs, n’ont voulu voir la joute électorale 2018 que sous le prisme de certaines « affaires », c’est leur problème. Rien ne les obligeait à nous apprêter servilement des fabulettes que les états-majors politiques voulaient absolument propager, pour affaiblir un candidat, ou surtout une candidate, adverse. Une histoire que l’on raconte, qui implique-t-elle en priorité, si ce n’est le narrateur ? Et le plus fou, c’est que les mêmes sont venus soupirer que la campagne avait été ennuyeuse, alors qu’ils en avaient, les premiers, occulté les grands thèmes, pour nous balancer de la démolition personnalisée à la petite semaine.

     

    Les grands thèmes ? S’il en est un, à part évidemment les primes d’assurance maladie, le logement, la fiscalité et la mobilité, c’est bien le modèle de croissance économique de notre canton. A part le remarquable candidat indépendant Willy Cretegny, viticulteur à très forte conscience environnementale, doté d’un bon sens humaniste que d’autres pourraient lui envier, qui a franchement mis sur la table ces enjeux-là ? Ces yeux de Chimène, sans cesse braqués par les élus sortants sur le Graal 2030, ces scénarios de croissance qui nous promettent une Genève à un million d’habitants, sans la moindre réflexion sur la régulation des flux migratoires, qui (à part Willy Cretegny) a osé mettre en cause l’étendue chimérique de ce champ d’illusions ?

     

    C’est dommage. Parce que, dans la population, et même dans les candidats au Grand Conseil (pour peu qu’on prît la peine de leur donner la parole), on a senti poindre une sourde inquiétude face au grand mirage libéral de la croissance sans entraves. Il ne s’agit pas ici de prôner la décroissance, je suis moi-même un petit entrepreneur, je sais à quel point tout est fragile. Mais les scénarios démesurés d’extension de l’aéroport, le bétonnage de nos campagnes, l’acceptation comme un fait accompli d’un flux transfrontalier qui confine au délire, tout cela travaille les citoyennes et citoyens de ce canton. A cette croissance sans contrôle, d’innombrables personnes, et pas seulement à gauche, veulent opposer un modèle de développement humain, raisonnable, doux et maîtrisé. Parce que les gens de Versoix, du Grand Saconnex de Meyrin ou Vernier (pour ne prendre que quelques exemples) ne bavent pas de jouissance à l’idée d’un décollage ou atterrissage toutes les 90 secondes.

     

    Colère montante, oui. Parce que les Genevois aiment leur canton. Ils aiment son paysage, la belle concentration urbaine autour de la Rade, et en arrière-plan, le poumon demeuré d’une campagne. Avec ses terres agricoles, ses vignes, ses villages, comme autant de lieux de respiration. Quant aux Lyonnais qui se proposent d’aller faire la noce, pour un week-end, à Berlin ou Barcelone, on les priera poliment de le faire au départ de Lyon, et non de Genève. Pour notre part, demeurons ce que nous sommes : ouverts au monde, mais ancrés dans l’amour de notre terroir. Nous en avons la responsabilité.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le vrai révolutionnaire, c'est de Gaulle !

    CharlesdeGaulle.jpg 

    Sur le vif - Mardi 24.04.18 - 08.22h

     

    En tentant de se révolter contre les seuls signaux de l'autorité républicaine, contre tout ce qui ressemblait à cette dernière, à commencer par l'homme qui l'incarnait - et avec quelle classe - au plus haut niveau, Mai 68 a été l'allié objectif des libéraux et du patronat.

     

    Il faut voir l'Histoire politique. Aux législatives de mars 67, la droite ne l'emporte que d'un cheveu sur la gauche, après une nuit d'incertitude. De Gaulle, qui n'a jamais été un homme de la droite économique, encore moins de la droite financière (dont toutes les lectures de sa jeunesse lui avaient appris à se méfier), garde Pompidou, mais relance le grand mouvement du gaullisme social, issu de la Libération, du Sillon, de Mounier, de toute une tradition très française fondée sur l'esprit de participation, notamment dans les entreprises. Des hommes comme Louis Vallon ou René Capitant, hélas aujourd'hui un peu oubliés, incarnent ce remarquable mouvement de pensée, que j'ai eu l'occasion d'étudier de très près.

     

    Le gaullisme social, Pompidou n'en veut pas. L'ancien directeur de la Banque Rothschild n'est pas de ce monde-là. Il le prouvera très clairement, entre 69 et 74, comme Président, allant jusqu'à recadrer sèchement son Premier Ministre, Jacques Chaban-Delmas, après son fameux discours d'investiture sur la Nouvelle Société (1969), un petit bijou rédigé par Simon Nora et un certain... Jacques Delors.

     

    Mai 68, par l'extrême violence de rue, les images, dans toute la France, de voitures brûlées, de guerre civile, n'aura réussi, sur le moment, qu'à provoquer une chose : la peur, dans la France profonde. Cette même France qui, aux élections de juin, par réaction, conduira à la Chambre la plus massive majorité de droite, bleu horizon, depuis 1919.

     

    Cette Chambre 68-73, très conservatrice, sera celle, dès juin 69, du Président Pompidou. Fini, le gaullisme social. Finis, les espoirs d'une refonte du système par lui-même. Le grand patronat triomphe, la grande banque française aussi, sous Pompidou l'ordre règne.

     

    De Gaulle n'était absolument pas un homme de la droite libérale. Il détestait les puissances de l'Argent. En lecteur, dans ses jeunes années, de Barrès et Péguy, et bien sûr aussi de Maurras (tout en gardant ses distances), il avait pour la France une autre ambition que le seul "Enrichissez-vous" de Guizot. La France de Charles de Gaulle, c'est celle de Vézelay autant que celle de Valmy.

     

    Cet homme d'exception avait, en 1945, donné le droit de vote aux femmes, créé la Sécurité sociale, nationalisé le Crédit, la Banque de France, la Régie Renault, les houillères, les charbonnages. De retour aux affaires, il avait donné à la France une nouvelle Constitution, l'indépendance à l'Algérie et aux pays d'Afrique Noire. Il avait engagé la France sur la voie de l'indépendance, et prôné (dès son discours de Brazzaville, en 1944) le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Combattant des deux guerres, il avait réconcilié la France avec l'Allemagne.

     

    Aucun de ses prédécesseurs, ni de ses successeurs, ne peut se prévaloir du dixième de son legs. Face à l'Histoire, le vrai révolutionnaire, c'est lui. Pour n'en avoir rien su, ni voulu savoir, pour n'avoir voulu voir en lui que la part d'autorité qui les empêchait de jouir sans entraves, les petits bourgeois révoltés du Quartier latin n'auront été, au final, que les alliés objectifs d'un capitalisme que Charles de Gaulle, moine-soldat, détestait. Libertaires, ils furent les complices des libéraux.

     

    Libertaires et libéraux ultra ont un point commun : ils détestent l'Etat.

     

    Rejetons toute commémoration hagiographique des événements de Mai, dénuée de distance critique et historique. Nous y sommes hélas en plein, comme un maelström de propagande. A chacun de nous d'y résister, par les outils essentiels que constituent la connaissance historique, l'exercice de la critique, l'immensité solitaire de nos lectures, la liberté de l'esprit.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Déconnexion, non merci !

     

    Sur le vif - Samedi 21.04.18 - 18.07h

     

    "Droit à la déconnexion" : non merci, ça ne m'intéresse pas ! Je puis comprendre que des employés le revendiquent, mais un petit entrepreneur indépendant, qui fait tout lui-même et est toujours en très grande inquiétude que tout se passe bien, n'a strictement aucune envie d'être "déconnecté".

     

    Entrepreneur depuis douze ans, avec des locaux à moi, une comptabilité d'indépendant à tenir avec précision, le souci d'accomplir impeccablement les mandats qu'on veut bien me confier, comment voulez-vous que je "déconnecte" ?

     

    Au contraire : rester connecté, toujours et partout, me convient parfaitement. Être en relation, par mail, avec les futurs invités de mes émissions, à toute heure et tous les jours de la semaine. Avec mes innombrables contacts aussi, qui sont pour moi de précieuses sources de renseignements. Puiser sur la toile dans la documentation pour préparer les interviews. Avoir en permanence un œil sur l'agenda. Lire des centaines d'articles sur internet, visionner tout autant d'émissions ou d'archives historiques. Pouvoir à tout moment décocher, comme avec une sarbacane, un commentaire ou un édito sur l'actu. Vivre intensément en état de journalisme. Tout cela me sied. Je n'ai aucune envie de "déconnecter".

     

    Être indépendant, c'est avoir toujours un peu la trouille au bide. C'est avoir choisi, un jour, une situation sociale, statutaire, professionnelle, et au fond humaine, qui à la fois vous ravit et vous déstabilise. Parce qu'on ne sait absolument pas de quoi l'avenir sera fait. J'aime passionnément ma petite entreprise, mon indépendance, j'aime me faire du souci pour tout cela. Ca ronge, de l'intérieur, c'est le prix à payer. Comment voulez-vous, dans ces conditions de constante inquiétude, impliquant la vivacité demeurée d'un état d'hyper-conscience sur les événements, qu'on accepte le principe de "déconnexion" ?

     

    Des circonstances extérieures se chargeront bien, un jour, de nous "déconnecter". Mais, tant qu'on est vivant, en état (et surtout en désir) de livrer bataille, il faut demeurer sur le terrain. Et combattre.

     

    Pascal Décaillet