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  • Notre Lignon, fierté républicaine

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.10.14

     

    Dans un coin perdu des Alpes valaisannes, j’ai écouté avec bonheur, samedi 4 octobre, le reportage « Lignon : touche pas à ma cité ! », signé Francesca Argiroffo et Rino Muccigrosso, sur la Première. Avec justesse et pertinence, ces quinze minutes de radio nous ont rappelé à quel point notre Lignon, à Genève, n’avait rien à voir avec certaines de ces « cités » françaises où l’état de droit a abdiqué face à la violence et au communautarisme.

     

    Notre Lignon – j’utilise à dessein le possessif – se trouve être justement, depuis un demi-siècle, un exemple plutôt réussi de cohabitation. Les habitants y viennent d’un peu partout, les origines et les religions s’entremêlent, mais tout cela s’opère, dans les grandes lignes, sous le sceau du respect mutuel. Et cette attitude porte un nom, qui m’est particulièrement cher : la République.

     

    La République ne se confond ni avec la langue, ni avec l’ethnie, ni avec la classe sociale. Elle est, étymologiquement, l’affaire de tous. Elle promet aux minorités la protection. En contrepartie, elle exige de tous le respect de ses lois. Réduire l’image du Lignon à quelques commentaires stupides sur une vidéo suite à l’incendie de l’église catholique, c’est foutre en l’air des décennies de travail social dans cette cité. C’est un comportement irresponsable. Le Lignon, notre Lignon, mérite mieux.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Des Etats généraux, à en perdre la tête

     

    Sur le vif - Mardi 07.10.14 - 16.38h

     

    A Genève, le dernier must, la mode dernier cri, n’est plus de prendre des décisions, mais de convoquer des états généraux. Ça fait très Versailles, 8 août 1788, où sans doute pour fêter la déferlante de « 8 » dans la date, Louis XVI, cédant aux pressions, avait fini par appeler à siéger une instance qui ne s’était plus réunie depuis… 1615. Eh oui, 173 ans auparavant ! La suite, on la connaît : les Etats se réunissent le 5 mai 1789, le Tiers fait des siennes, le Jeu de Paume défie les baïonnettes, la Révolution française commence.

     

    Nous avons, à Genève, nos petits Louis XVI. Oh, ils ont encore la tête sur les épaules, sont sans doute moins portés sur la serrurerie, n’ont pas à côtoyer l’Autrichienne amatrice de brioche. Mais tout de même. Cette furie des états généraux ! Etats généraux des transports, Rencontres du logement, états généraux de la détention et de la probation (si, vous avez bien lu), tout n’est plus chez nous qu’Assises, échanges, écoute. Les ministres ne gouvernent plus : ils prêtent l’oreille. Avec usure, of course.

     

    Il y a, dans cette mode, une posture. Celle de se prétendre bon prince, en phase avec le terrain, au diapason de la population. Tout, dans l’acte politique, ne serait que procédure de consultation permanente, confession sucrée de l’âme des peuples. On consulte, on fait la synthèse, on brasse, on touille, on assaisonne, et on sert au public à peu près ce qu’il demande.

     

    Telle n’est pas ma conception de l’action publique. La seule « écoute » qui vaille, en démocratie, n’est pas celle de la doxa (l’opinion), mais bien celle du démos : tenir compte du peuple, non lorsqu’il susurre ou murmure, mais lorsqu’il décide. Le peuple en armes, ça n’est pas le peuple qui pérore, mais celui qui vote et qui tranche. Or justement, ce sont souvent les mêmes princes qui, tout appliqués au semblant de l’écoute, sont les premiers à ignorer les décisions du suffrage universel, en freinant au maximum leur application.

     

    Transports, logement, détention : dans les deux premiers ministres concernés, je ne m’étonne pas de la démarche. Elle traduit le populisme sympathique, centriste et attrape-tout (à commencer par l’électeur) du premier, la légèreté du deuxième. Il me plaît moins de découvrir la posture chez le troisième, radical régalien frotté aux dimensions d’exigence de l’ascèse républicaine. Mais sans doute a-t-il cédé là à une mode aussi passagère que l’automne, celle des ultimes et flamboyantes couleurs, pour mieux conjurer l’imminence du frimas. Juste avant les Révolutions, n’est-il pas délicieux de s’imaginer éternel ?

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Aux Etats, le peuple, ça fait sale

     

    Sur le vif - Lundi 06.10.14 - 16.54h

     

    Invalider. Ils n’ont plus que ce mot à la bouche. Invalider les initiatives, même si ces dernières ont dûment obtenu les cent mille signatures nécessaires, souvent beaucoup plus. Les invalider, parce qu’on les juge « dangereuses ». Dangereuses, pour qui ? Pour l’intérêt supérieur du pays, ou pour la tranquillité notariale de la classe politique actuellement au pouvoir ? Tranquillité. Rotondité. Langueurs sénatoriales, dans cette Chambre qui devrait représenter les Cantons, et non censurer la démocratie directe, l’un de nos biens les plus précieux en Suisse : tous nos voisins nous l’envient !

     

    Oui, j’ai vu rouge en lisant hier la « Schweiz an Sonntag ». Non, je n’admets pas qu’une Commission (celle des Institutions politiques, en l’espèce) du Conseil des Etats vienne, du haut de son promontoire bernois, élaborer des règles visant à niveler, dans les textes d’initiatives populaires, tout ce qui gêne et dépasse. Invalider, niveler, tondre : nous les citoyens, hommes ou femmes, Romands, Alémaniques, italophones, de gauche ou de droite, n’avons pas à nous laisser dicter l’ordre du convenable, en matière de démocratie directe, par des parlementaires fédéraux.

     

    Une initiative, je ne cesse de le répéter, c’est une affaire du peuple avec le peuple. Le défi lancé, par quelques citoyens au départ, à l’ensemble du corps électoral de la Confédération, ainsi qu’à nos vingt-six Cantons, la double majorité étant requise. Sur quels sujets ? Mais justement, parbleu, sur ceux que les 246 parlementaires fédéraux n’ont pas jugés bon de humer, peut-être parce que le fumet populaire les incommodait. Initiative des Alpes, lex Weber, renvoi des criminels étrangers, immigration massive (9 février 2014), et demain Ecopop (30 novembre 2014) : autant de sujets ignorés, sous-estimés par nos parlementaires fédéraux, tiens justement par le Conseil des Etats. Autant de sujets méprisés, vilipendés, jugés indignes de parvenir au jugement suprême, celui du suffrage universel : les quelque quatre millions d’électeurs potentiels de notre Confédération, et les vingt-six Cantons.

     

    Insupportable, le signal d’arrogance délivré par cette Commission des Etats. Si une initiative est mal ficelée, le peuple citoyen (ces quatre millions, justement) est largement assez mûr, assez rôdé à l’ascèse de la sagacité démocratique, pour en juger lui-même. Le suffrage universel suisse n'a nul besoin d'un "Comité de Sages", ni parlementaire ni judiciaire, pour dessiner à sa place la géométrie de l'acceptable. Cette proposition scélérate de quelques sénateurs mérite un seul classement : celui, vertical, de la poubelle

     

    Pascal Décaillet