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  • Pour la primauté du droit national

     

    Sur le vif - Samedi 25.10.14 - 17.42h

     

    J’ai toujours été favorable à la primauté du droit national. Comme je suis Suisse, je parle ici de la primauté du droit suisse. Si j’étais Français ou Grec, je parlerais de la primauté du droit français, du droit grec, etc. Parce que pour moi, l’idée de souveraineté nationale n’est pas un vain mot. A l’heure des empires, des conglomérats multilatéraux, des juristes internationaux, de la mondialisation du Capital, l’idée de nation, loin d’être archaïque, m’apparaît plus moderne que jamais. Par « nation », n’entendez chez moi ni violence, ni conquête. Juste le droit de chacun à disposer de lui-même. Sans remonter à la saisissante Histoire de la Révolution française de Jules Michelet, permettez-moi juste de vous renvoyer à l’un des plus éblouissants discours de Charles de Gaulle (avec celui de Bayeux) : le discours de Brazzaville. Le 30 janvier 1944, en pleine guerre, quinze ans avant la décolonisation, le chef de la France libre y proclame, avec une rare puissance de prophétie, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

     

    Ce droit, pour toutes les nations de la terre, j’y crois intensément. Entre autres, pour la Suisse. Elle n’est, sur la surface du globe, qu’une péripétie de surface. Mais il se trouve que ce petit pays occupe dans mon cœur une place de choix, pour la simple raison, certes plus viscérale qu'intellectuelle, qu'il est le mien. Hasard de la naissance, certes : je n’ai jamais prétendu au mondial, ni à l’universel. Je crois beaucoup plus à l’attachement tellurique, sentimental, à un coin de paysage qu’aux grands concepts planétaires. Je préfère trois pages de Barrès à n’importe quel rapport de l’ONU. Donc, il se trouve que je suis Suisse, et que c’est dans le périmètre de ce pays que s’exerce ma citoyenneté. Je vote en Ville de Genève, dans le Canton de Genève, et à l’échelon de la Confédération. Ce sont bien là les trois seules instances qui, quatre fois par an, me demandent mon avis. Comme je suis un type réglo et que je m’acquitte toujours de mes devoirs, je le donne, mon avis. Sous la forme d’un vote.

     

    L’UDC aujourd’hui, à Rothenthurm (je doute que ce haut lieu d’une initiative de gauche, dans le canton de Schwytz, approuvée par le peuple et les cantons le 6 décembre 1987, ait été choisi au hasard), a voté à l’unanimité de ses 401 délégués le lancement d’une initiative « pour la primauté du droit suisse sur le droit international ». Je vous le dis tout de go, j’approuve cette initiative. Je suis persuadé qu’elle récoltera les signatures nécessaires, et qu’un beau jour, le peuple et les cantons se prononceront sur elle. D’ici là, inutile de dire qu’elle va devoir passer par les lazzis et les quolibets des grands docteurs apôtres du « droit supérieur », ils vont tout faire pour tenter de l’invalider, la plupart des partis, l’Assemblée fédérale, le Conseil fédéral recommanderont son rejet. Tout cela, il faudra comme d’habitude le supporter. En ne gardant en tête que l’objectif final : le passage devant le seul souverain qui vaille, le suffrage universel.

     

    La question est simple : voulons-nous exister, face au concert des nations, comme un pays souverain ? Pour ma part, vous ne m’en voudrez pas trop, je réponds oui. Faisons-nous confiance à notre peuple pour décider de nos lois ? Je réponds oui. Devons-nous accepter que puissent exister, au-dessus des lois que, souverainement, nous nous donnons, des lois, qui auraient force supérieure ? A cette question majeure, à laquelle d’aucuns (et je les respecte) répondent oui en fonction de la dimension multilatérale du monde, pour ma part je réponds non. Parce qu’il devient de plus en plus insupportable d’entendre d’éminents juristes vouloir invalider des initiatives dûment munies des signatures requises, sous le prétexte qu’elles contrediraient le « droit supérieur ». Eh bien, qu’elles le contredisent !

     

    La volonté souveraine exprimée en votation par le peuple de mon pays m’importe autrement davantage que les accords passés par des juristes, sans la moindre onction de légitimité, au-dessus de la tête de notre souverain. J’exprime là un point de vue assez radical, j’en conviens, je sais que l’opinion contraire existe, et n’est pas avare de bons arguments. Eh bien, lançons le débat. Parce que la citoyenneté, ça n’est pas se taire. Ni raser les murs. Ni se courber devant la doxa dominante d’un moment. Non, être citoyen, c’est oser. Donner son avis. Participer. Et puis, un beau jour, le peuple tranche. Et son verdict, il nous faut l’accepter. Pour la seule raison qu’il est ultime. Pour ma part, j’entends qu’il le reste. Je retourne à Barrès. Les rapports de l’ONU, je le les lirai dans une autre vie. Ou à la Trinité.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Ecopop : mon débat face à Sylvain Besson

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    Vendredi 24.10.14 - 15.43h

     

    Ce vendredi 24 octobre, 12.45h, ma consœur de la RTS Jennifer Covo m'a invité, dans son "Rendez-vous de la presse", à débattre d'Ecopop face à mon confrère Sylvain Besson, rédacteur en chef adjoint du Temps. Voici le lien permettant de visionner ce débat.


    http://www.rts.ch/video/info/journal-12h45/6248534-le-rendez-vous-de-la-presse-pascal-decaillet-journaliste-independant-et-sylvain-besson-le-temps-debattent-de-l-initiative-ecopop.html



    Pascal Décaillet


  • L'émotion du pays, ça existe

     

     Sur le vif - Jeudi 23.10.14 - 17.46h

     

    « Le pays s’est laissé entraîner dans une campagne émotionnelle » : la phrase-type, bateau, des perdants d’une campagne, le dimanche après-midi de leur défaite, dès 12.30h, en boucle jusqu’à 20h, tous médias confondus. L’éternel aveu de la défaite du rationnel face à l’image, par nature plus sentimentale : « Je déteste l’image », reconnaissait ce matin Suzette Sandoz, au demeurant délicieuse au sein d’un débat sur le sexe, à la RSR. En l’écoutant, j’ai immédiatement pensé à ces églises luthériennes que je visitais lors de mes séjours en Allemagne du nord, celles de Lunebourg, Hambourg et Lübeck, par exemple. Moi, catholique, j’avais passionnément aimé ces parois de briques rouges, nues et immenses, avec encore des marques d’obus de la guerre. Chaque fois que je lis Thomas Mann, c’est ce Lübeck-là que je vois, celui aussi où le jeune Bach, en 1705, était allé à pied se former chez Buxtehude.

     

    En Suisse donc, les perdants d’un dimanche rejettent la faute sur l’émotion. Ils ont tort. Car elle fait partie, comme aussi la raison, de la totalité politique. Bien sûr, il a fallu la puissance de la Raison triomphante, celle des Lumières et du radicalisme naissant, la « Vernunft » de la philosophie politique allemande, pour nous amener, nous les Suisses, à codifier ensemble, avec un même langage, au-delà justement de nos essences disparates, de nos parlers multiples, de nos rapports si différents aux liturgies, un savoir-être politique commun. C’est le miracle de notre pays. C’est pourquoi nous devons tant et tant aux radicaux du dix-neuvième : ils nous ont forgé les codes de ce qui nous fédère. Dès le début, ils avaient une vision d’Etat, une pensée d’Etat, une culture d’Etat. La primauté du rationnel, avec ce qu’elle peut avoir d’un peu sec et d’un peu ennuyeux, nous fut indispensable, pendant ces deux siècles, pour parler le même langage. Je n’ai pas dit « la même langue ».

     

    Et c’est de là qu’elle vient, la peur de l’émotion. Trop de tellurisme sentimental tuerait la construction raisonnable de notre pays. C’est un discours que je peux entendre. Mais aujourd’hui, plus de deux siècles après une Révolution helvétique (1798) où les Arbres de liberté, dans nos cantons romands, se réclamaient des valeurs de la Raison, plus d’un siècle et demi après 1848, près d’un siècle après la Grève générale (novembre 1918), notre rapport à l’émotion politique a changé. On a le droit de se réclamer d’elle, sans encourir le grief de nourrir les ferments de dispersion, ceux des Guerres de Religion, de 1847 ou de novembre 1918.

     

    Ce qui a décoincé le droit à l’émotion, depuis disons une vingtaine d’années, c’est la montée en force des initiatives. Elles existent certes depuis plus d’un siècle, mais leur nombre a explosé ces dernières années, et surtout elles commencent sérieusement à être acceptées. Initiatives des Alpes, initiative Weber, 9 février et tant d’autres : des thèmes totalement négligés par les corps intermédiaires, mais voulus puissamment par la base, émergent de plus en plus, et forcent la victoire.

     

    Aujourd’hui dans le champ politique suisse, la force d’innovation, l’initiative, l’offensive des idées, tout cela provient grandement de la démocratie directe, acculant les pouvoirs constitués (ceux-là même qui ont négligé les thèmes) en position défensive. Alors, retranchés dans les murs du Palais fédéral comme dans une sorte de Fort Apache, ils tentent, en guise d’huile bouillante, le discours de la morale et du raisonnable, la défense par le convenable ou l’invalidation. La puissance de succès des initiatives, en Suisse, confine les élus dans une Ligne Maginot, incapables de mouvement, de manœuvre, d’imagination, de contre-attaque. Ils n’ont là que la rançon de leur surdité, de leur insensibilité aux souffrances et aux vraies préoccupations des gens : plus ils s’auto-adouberont, entre eux, en se tutoyant sur les réseaux sociaux, plus ils mépriseront le peuple, plus ils s’enfermeront dans leurs fortins.

     

    De leur Ligne Maginot, ils continueront de regretter le temps de la Raison, la plupart d’entre eux n’ayant d’ailleurs pas la culture politique de savoir ce qu’est la Vernunft : pour cela, il faut lire les pages Inland de la NZZ, ou avoir ouvert des livres d’Histoire allemande ou suisse. Eh oui, chers élus, il ne suffit d’aller à Berne pour sa carrière, certains d’entre vous en commis-voyageurs de la banque privée, des pharmas ou des Caisses maladie. Non. Il faut se présenter pour servir. Ou mieux : ne pas ne présenter du tout, le débat politique n’appartenant absolument pas aux élus, mais à l’ensemble des citoyennes et citoyens de notre pays.

     

    En attendant, pendant qu’ils ronchonnent dans leurs abris en condamnant l’émotion, n’ayons crainte, nous les citoyens, hommes, femmes, de gauche, de droite, peu importe, de faire monter le chant de notre appartenance au pays. Notre joie de faire vivre cette belle démocratie, ce pays de liberté. Et si ça doit passer par l’émotion, eh bien émouvons-nous. Nul pisse-froid cérébral ne pourra longtemps nous en empêcher. Si la jouissance de la vie, du débat, du choc des idées, leur pose tant problème, alors laissons-les, entre eux, dans l'immensité glacée de leurs fortins.

     

    Pascal Décaillet