Publié dans GHI - 04.12.13
L’Instruction publique. Le plus beau Département, le plus noble défi. Querelle centrale, celle qui sur tout devrait primer, puisqu’il s’agit de l’être humain, son accès à la connaissance, l’éveil de sa lucidité. Si un jour j’étais entré en politique, c’est pour ce ministère, et nul autre, que je me serais battu. Dans une autre vie, je le ferai. Et maintenant, je peux vous le dire : il m’est arrivé, ces dernières semaines, d’avoir peur. Oui, j’ai craint que le dicastère qui fut celui de Chavanne ne tombât en d’improbables mains. Au final, avec Mme Emery-Torracinta, ce ne sera pas le cas, et de loin. Il faut s’en féliciter : non seulement le pire est évité, mais nous ne sommes pas loin du meilleur.
Le meilleur ? J’eusse aimé que ce fût un radical, M. Longchamp ou M, Maudet. Mais le choix d’une socialiste, autre parti d’Etat et de mémoire, régalien, structurant, me convient parfaitement. Pour croire en l’Ecole de la République, il faut commencer par croire en l’Etat, non celui de la Providence, des guichets ni des tentacules, mais celui du projet commun que définit une société, dans sa dimension historique et mémorielle. Les radicaux et les socialistes y croient. Je perçois moins cela dans des partis de souche libertaire, de gauche comme de droite d’ailleurs, ou dans d’autres, si extatiques de la famille, ou de la communauté, que leur horizon semble s’y figer.
Nous avons tous, chacun du demi-million de Genevois, chacun des huit millions de Suisses, une idée de l’école idéale. La mienne serait à ce point tissée d’Histoire, de poésie, de littérature et de musique, qu’elle serait adulée par les uns, rejetée pas d’autres, donc illusoire pour n’être pas assez rassembleuse. Laissons donc le détail des programmes, et contemplons l’ensemble. Aspirons, je vous prie, à une école simple et claire. Lisible. Avec des objectifs identifiables. Au primaire, au Cycle, au Post-obligatoire, et dans l’apprentissage. Plaidons, avec Jean Romain et une majorité de la Commission de l’enseignement, pour une Maturité qui soit moins une jungle d’options. Battons-nous pour une absolue priorité des affectations budgétaires au front de l’enseignement, et tant pis s’il faut dégraisser les états-majors.
Respectons, valorisons autour de nous le métier d’enseignant. Donnons à nos jeunes l’envie de l’exercer. Car enfin, point n’est besoin d’avoir lu Péguy, Notre Jeunesse, Cahiers de la Quinzaine, pour se convaincre que ce métier est le plus beau du monde. Finissons-en avec une formation des maîtres qui, sous prétexte de science pédagogique, formate et nivelle plutôt que l’élever. Donnons au Post-obligatoire davantage de moyens, pour affronter la hausse des effectifs. Valorisons enfin les filières d’apprentissage. Replaçons, du moins quelques heures par semaine, les directeurs du primaire face à leurs élèves. En un mot, rétablissons la confiance.
Cela, bien sûr, ne se décrète pas, mais se gagne et se mérite sur le terrain. Ce que doit faire le politique, c’est montrer son soutien. Donner des signaux de très grande attention à la chose scolaire, en prouvant bien qu’il la place au centre de ses attentions. Il s’agit de nos enfants. Et du destin de notre société.
Pascal Décaillet