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  • L'inconnu de Lübeck

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    En ce jour de centième anniversaire de la naissance de Willy Brandt (1913 - 1992), je republie ici ma chronique parue le 6 mai 2004 dans la Revue Choisir, de mes amis Jésuites. Je n'ai jamais eu l'occasion, hélas, de rencontrer Willy Brandt, mais je me souviens de très beaux échanges sur lui avec son successeur Helmut Schmidt, que j'étais allé interviewer à Hambourg en avril 1999.

     

     

    L’inconnu de Lübeck

     

     

    Il y a juste trente ans, le 6 mai 1974, Willy Brandt, le plus énigmatique, mais aussi à coup sûr le plus grand chancelier allemand du vingtième siècle, envoyait au président de la République une lettre de démission de treize lignes, écrite à la main : « J’assume la responsabilité politique de l’affaire Guillaume ». Brandt quittait la chancellerie, laissant la place à un autre grand homme, Helmut Schmidt. Il allait encore vivre dix-huit ans, présider son parti, et même l’Internationale socialiste, vivre deux décennies en vieux sage ayant tutoyé l’Histoire, cerné d’honneurs et de louanges, mais Brandt au pouvoir, cette aventure allemande de l’après-guerre, se terminait ainsi d’un coup, bêtement, suite à une histoire d’espionnage entre Allemands que plus personne, de nos jours, ne pourrait imaginer.

     

    Willy Brandt, homme du nord né à Lübeck, le 18 décembre 1913, d’une mère de dix-neuf ans qui ne lui révèlera qu’en 1947 la véritable identité de son père, et mort le 8 octobre 1992, aura donc connu l’Allemagne impériale, traversé la Grande Guerre, la République de Weimar, le Troisième Reich (en exil en Scandinavie), les années de désolation et de reconstruction, la scission en deux de sa patrie, avant de connaître enfin, peu avant sa mort, plus heureux que Moïse, la chute d’un Mur qu’il avait toujours haï, les yeux embués en cette ville de Berlin dont il avait été, de 1957 à 1966, le maire éblouissant. Avant d’être un grand homme d’Etat, celui de l’Ostpolitik et de la génuflexion de Varsovie, avant d’être ce vieillard fatigué et sublime regardant d’écrouler le Mur aux côtés de Kohl et Genscher, en cette nuit du 9 novembre 1989, avant tout cela, Willy Brandt c’est d’abord, comme Mitterrand, le charme étrange et romanesque d’un destin.

     

    La politique, aujourd’hui, n’aime plus guère les aventuriers. Elle préfère les technocrates. C’est dommage. Que serait l’Italie sans Garibaldi et le tumulte de son parcours ? Il faut lire la vie des grands hommes, à la Plutarque, si on veut saisir les véritables enjeux de leurs paris politiques. L’enfant Louis XIV traumatisé par la Fronde, le jeune Léon Blum et l’affaire Dreyfus, les rapports terribles de Frédéric II avec son père. Pour cela, il faut accepter de lire des biographies, ce genre passionnant, longtemps et scandaleusement méprisé par les historiens de la mouvance de Mai 68, ceux qui préfèrent les structures aux hommes, la matière à l’esprit, la coupe synchronique, désincarnée, au fil magique d’une vie.

     

    Il faut aussi regarder les albums de photos. Le collégien Willy Brandt, 1930, debout en pantalon de golf, posant devant un plan d’eau, sans doute un canal de sa ville natale de Lübeck. La beauté de son visage, la retenue de sa posture, le brin de mélancolie de l’ensemble, la force de solitude intérieure d’un regard pourtant porté vers le lointain. Est-ce déjà Willy Brandt, au destin scandinave et futur prix Nobel de la Paix ? Ou n’est-ce, encore, que Herbert Ernst Karl Frahm, son premier nom, celui de son enfance hanséatique, lui qui allait, d’exil en exil, en porter plusieurs, remplaçant une énigme par une autre. Tout est là, oui déjà, dans cette tristesse semi-éclairée, immensément séduisante, de l’inconnu de Lübeck. Enfin, coïncidence ou non, 1930, l’année de cette photographie si troublante, est celle de son adhésion au SPD, le parti social-démocrate : rien, jusqu’à la mort, ne l’en séparera.

     

    Willy Brandt : un destin allemand. Il aurait pu être raconté par une nouvelle d’Heinrich Mann, ou incarné dans l’un des innombrables personnages de Günter Grass, son ami. J’irais plus loin : j’irais chercher dans Schiller, celui des jeunes années, le Schiller de Don Carlos et du Sturm und Drang, le ressort exceptionnel de Brandt. Une vie nécessairement en mouvement, mais d’un chemin non-tracé, où l’invisible surpasse le prévisible, le rend futile, dérisoire. Les plans de carrière volontaristes sont pour les personnages de deuxième choix, les grands commis, les grands exécutants. L’homme de caractère, lui, accepte les chemins de traverse, la surprise du vent.

     

    Brandt, un destin. Mais aussi un certain sens de la formule, du symbole. A genoux devant le monument aux morts de Varsovie, recueilli au Mémorial de Yad Vashem, ou hagard devant les burins de fortune qui détruisent le Mur, c’est toujours le même homme, le même sens du destin et de l’Histoire. « Jetzt wächst zusammen, was zusammengehört », s’était-il contenté de déclarer en cette nuit allemande du 9 novembre 1989 (Maintenant va pouvoir croître ensemble, ce qui est du même terroir). Et si le combat social-démocrate, tout en étant parfaitement sincère, n’avait été, toute une vie, que le paravent d’un autre enjeu, plus fondamental, plus inavouable : le combat national pour enfin donner un champ d’éclosion à une patrie ravagée, et au fond tant aimée, comme une mère qu’on retrouverait, intacte et prometteuse, au soir de sa propre vie ? La force des grands hommes, Brandt, de Gaulle et les autres, c’est qu’ils nous donnent l’impression, à chaque fois, de recommencer l’Histoire.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les arcanes parfumées du pouvoir

     

    Sur le vif - Mercredi 18.12.13 - 10.48h

     

    Tribune de Genève: toujours, toujours, toujours la même manière de procéder. Métronomique. Prévisible. Une initiative (avec laquelle je ne suis pas du tout sûr d'être d'accord) est annoncée, concernant l'éducation sexuelle à l'école. Immédiatement, dans l'édito, on la démolit.



    La TG pulvérise d'office à peu près TOUTES les initiatives. Ce qui vient d'en bas la gêne, la dérange. Par cette systématique, elle se positionne comme journal de pouvoir, au service des institutions en place. Si le peuple lance des initiatives, c'est justement, pourtant, pour corriger ce qui, de son point de vue, n'a pas été réglé par les élus en place. Lancer une initiative n'a rien d'un comportement d'intrus, ni d'une humeur de rue: c'est un acte parfaitement légitime, un ORGANE de notre démocratie suisse.



    Le Temps et la RSR usent de la même pratique, tout aussi systématique. Il manque, en Suisse romande, un quotidien capable de relayer, avec un haut niveau de plume et d'engagement, une authentique puissance de solitude des auteurs, les sentiments profonds de la population, leurs colères parfois, leurs insatisfactions, leurs aspirations à de vrais changements dans notre organisation sociale. Avec un ton beaucoup plus direct, un style aussi, qui ne suinte pas immédiatement le besoin de se faire reconnaître dans les arcanes parfumées du pouvoir.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le PDC laisse filer Kilchenmann à l'UDC !

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    Sur le vif - Mardi 17.12.13 - 16.45h

     

    Emmanuel Kilchenmann rejoint l'UDC, nous annonce à l'instant le site de la Liberté. C'est une perte importante pour le PDC, non seulement fribourgeois mais suisse: Kilchenmann, que nous fûmes parmi les premiers à reconnaître et à inviter sur nos plateaux TV (Grand Oral, Genève à chaud), était l'une des personnalités les plus solides, les plus brillantes et les plus prometteuses de la démocratie chrétienne suisse.



    Il a eu, lors de la campagne Siggen-Steiert, un problème avec son parti, sur lequel nous ne reviendrons pas ici. Disons simplement, pour nous être un peu renseignés, que les siens auraient pu le soutenir un peu mieux. Notamment l'un d'entre eux. On ne lâche pas ceux qui s'engagent, ceux qui se battent.



    Pour l'heure, une chose est sûre: la démocratie chrétienne suisse perd l'un des meilleurs des siens, et l'UDC gagne un homme loyal, ancré, courageux, combatif, nourri de la profondeur des valeurs conservatrices - au meilleur sens du terme - de notre pays. Puissions-nous sans tarder retrouver cet avocat, commandant d'une compagnie de grenadiers, magnifique connaisseur de Léon XIII et de la Doctrine sociale de l'Eglise, aux Chambres fédérales.



    Et ma foi, si le PDC suisse n'est plus capable de retenir son aile conservatrice, tant pis pour lui. Et tant mieux pour l'UDC.

     

    Pascal Décaillet