Sur le vif - Lundi 30.09.13 - 09.09h
Gros coup de colère, ce matin, en lisant dans un quotidien orangé dont la politique et la citoyenneté sont bien la dernière préoccupation, que Genève viendrait de vivre une campagne sans débats. Parce que, selon le politologue Pascal Sciarini, "les médias ont été fortement occupés par le drame de la mort d'Adeline".
Tout dépend, M. Sciarini, quels médias on veut bien prendre la peine de consulter. Je n'ai, pour ma part, ni dit un seul mot ni écrit une seule ligne pendant les cinq jours émotionnels du drame. Pas un mot d'appel à la vengeance, pas un mot dans ce débat qui s'amorçait sur la peine de mort. Pendant que tous - à commencer justement par le Matin - s'y engouffraient, nous avons multiplié, sur Léman Bleu, les débats thématiques avec les candidats au Conseil d'Etat et des panels de candidats au Grand Conseil. Nous avons présenté aux citoyens électeurs des dizaines de nouveaux visages, et continuerons de le faire jusqu'à jeudi soir. Nous avons découvert en eux des parcours de vie, des approches citoyennes, des visions du monde: ce sont eux, tous partis confondus, qui feront la Genève de demain.
Pendant ce temps, dans le même Matin, des torrents d'émotionnel sur l'affaire, dévorant toutes les paginations, et pas un mot sur la politique. Pas un mot sur les grands clivages d'un canton en campagne: mobilité, logement, finances, dette, chômage, formation, emploi des jeunes. Sur ce dernier thème, et notamment celui des jeunes en rupture, nous avons même mené quatre débats ! Et le même Matin a le culot hallucinant de venir nous dire qu'il n'y a pas eu campagne à cause du drame d'Adeline ! Mais Chers Confrères, assumez au moins vos choix, votre politique rédactionnelle, et ne venez pas parler de ce que vous ne connaissez pas: l'animation du débat citoyen. Avant de décréter qu'il y a eu campagne ou non, encore conviendrait-il d'écouter les candidats, tous bords confondus, leur donner la parole, les présenter au public, analyser leurs préoccupations.
Bien sûr qu'à Genève, il y a eu campagne. Bien sûr que, sur de nombreux sujets, la dialectique politique s'opère avec vivacité: circulation en ville, traversée du lac, traversée de la rade, emplois de solidarité, préférence cantonale, emploi local, encouragement aux PME, fiscalité, formation, valorisation de l'apprentissage, sécurité, polices de proximité, aide aux personnes âgées, etc. Simplement, ces sujets, il faut les ouvrir. En étudiant les dossiers et en laissant parler les candidats. Ce travail, le Matin ne l'a tout simplement pas fait. C'est son droit, chaque journal est libre de ses options. Mais venir dire, ou faire dire, qu'il n'y a pas eu campagne, il y a là un cynisme - ou une inconscience citoyenne - qui dépassent toutes les bornes.
Pascal Décaillet