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Populistes ! Et alors ?

 

Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 27.09.13


 
« Populisme » : le mot magique. Le mot qui rassure le notable, dans la quiétude de ses certitudes. Le mot qui donne bonne conscience. Celui qui permet de jeter dans la marge les individus, les écoles de pensée, les partis qui vous gênent. Vous demeurez présentable, eux ce sont les Gueux. Vous restez « parti républicain », eux pas. Vous seriez, vous, « gouvernemental » pour l’éternité, eux jamais. Au fond, aujourd’hui, dès qu’un mouvement surgit, sachant parler aux gens le langage qui est le leur, ne censurant ni leurs vrais problèmes ni leurs souffrances, au lieu de tenter de comprendre le succès de ce parti, on se rétracte, on plisse le front, on fronce le sourcil, on prend de grands airs, graves et pénétrés, et on déclare : « Je ne discute pas avec ces gens-là, ce sont des populistes ».


 
Eh bien je dis qu’on a tort. On ne résoudra jamais rien avec des étiquettes, celle-là n’ayant au demeurant rien d’offensant : ce mot-là, étymologiquement, vient du peuple, il indique une proximité, une clarté, parfois en effet un langage un peu cru, mais enfin il n’est écrit nulle part que la politique ne doive être qu’une affaire de clercs ou de notables, de mandarins pérorant dans un salon, à l’heure du thé et des petits biscuits. Prenez le parti radical : il fut un temps où il avait ce délicieux parfum de cassoulet, d’ail et de vin blanc, quelque chose de mijoté et de fraternel, je crains qu’avec ses nouveaux amis libéraux il ne se soit un peu perdu dans les salons, il le paiera un jour.


 
Alors, il se défend, le bourgeois raisonnable. Il nous fait toute une leçon sur la différence entre populaire et populiste, une autre sur les vertus cardinales de la démocratie représentative, une troisième sur le droit supérieur, et plus il parle, plus il donne l’impression, non de défendre une vérité, mais un pré-carré, le sien, celui de ses semblables, l’univers des convenables, surtout pas les Gueux. Là aussi, ils ont tort. Parce que le peuple n’est pas dupe. Il est largement assez mûr pour juger si tel parti lui convient ou non, dépasse ou non les bornes, s’inscrit ou non dans un dialogue républicain, mérite ou non de siéger dans un Parlement ou dans un gouvernement. Il n’a pas besoin, le peuple, que les partis concurrents s’époumonent en publicités négatives, diabolisations, ostracisme de tel ou tel mouvement, candidat comme eux aux suffrages des électeurs, nous rabâchant à longueur de journées qu’il s’agit de populistes.


 
Au fond, ce mot, populiste, est régulièrement sécrété comme une incantation par ceux qui, ayant mal géré la Cité, ayant perdu le pouls de la population, sentent poindre la défaite. Alors, au lieu de se battre dans la campagne, nous parler d’eux-mêmes, de leurs valeurs, ils ne parlent plus que de leurs adversaires. Les noircissant, pourtant, ils les propulsent. Rien ne vaut un mauvais garçon pour distraire le bourgeois. Ne parlons pas de la bourgeoise, les enfants ici nous lisent.


 
Pascal Décaillet

 

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