Sur le vif - Lundi 26.03.12 - 14.25h
« Pierre Maudet, c'est un peu l'homme du passé » (Le Temps, lundi 26 mars 2012). Comment une femme de l'intelligence et de la culture historique d'Anne Emery-Torracinta, elle qui a sans doute, étant ma contemporaine, assisté en direct, comme moi, aux débats Giscard-Mitterrand de 1974 et 1981, a-t-elle pu tomber dans le piège de cette expression ?
Elle devrait pourtant savoir que, grâce au génie des mots de l'homme de Jarnac, l'éternel écho, désormais, « d'homme du passé », sera « homme du passif ». Savoir, aussi, que l'usage de cette expression, comme un boomerang, se retourne contre son auteur. Passé, passif : au grief du temps, Mitterrand renvoie celui du mode, et,jouant sur les homophonies, balance dans les gencives de son attaquant, sept ans (presque jour pour jour) plus tard, la maigreur de son bilan. Oh, il l'avait préparée ! Mais l'effet, dévastateur.
Au surplus, il n'est pas nécessairement d'une habileté à toute épreuve d'envoyer ces trois mots à un homme de vingt ans de moins que soi. Ni de lui brandir le miroir de l'affaire Mark Muller. Pierre Maudet n'a rien à voir avec le monde libéral, il est un radical canal historique, et cela aussi, l'historienne AET le sait. Les moyens du Maire de Genève pour parvenir à ses fins, à l'intérieur du parti, y compris peut-être contre l'ancien ministre libéral, sont certes sans quartier, et on a bien le droit d'en disserter. Mais sa finalité politique (la seule chose qui compte) est bien de l'ordre d'une rénovation, dans un univers où les fatigues patriciennes n'ont conduit qu'à l'arrogance et à l'immobilisme.
« Pierre Maudet, me lançait un ancien conseiller d'Etat dont je partageais, fin 2002, le compartiment de train pour revenir de l'élection de Micheline Calmy-Rey, à Berne ? - C'est un jeune qui est déjà vieux ». Ce gros jaloux, dont je tairai le nom ainsi que le double prénom, n'avait peut-être pas tort. Mais il avait, comme Mme AET, juste omis une chose : la mode étant ce qui se démode, méfions-nous, pour toujours, des vieux de vingt ans. Ils sont là pour durer. Et pour nous dépasser.
Pascal Décaillet