Sur le vif - Lundi 06.06.11 - 12.39h
Bizarrement noyé dans les pages économiques du Temps, celles sur lesquelles le grand public a généralement tendance à s'assoupir, un papier dévastateur de Christophe Rasch, directeur de « La Télé », Vaud Fribourg TV SA, s'en est pris, mercredi dernier (1er juin), à la SSR. Dommage, oui, que cette contribution essentielle au débat sur les médias n'ait pas eu droit à la page « Débats », où s'expriment - ou sont censés s'exprimer - les courants de pensée dissidents à celle de la mélasse uniformisée, entendez le Cartel, de l'écrit ou de l'image, de ceux qui ne s'attaquent jamais.
Que reproche Rasch au Mammouth ? D'avoir mis à disposition de TF1 (l'ennemi légendairement juré de la SSR, laquelle ne cesse de demander des moyens pour le combattre) l'outil de planification publicitaire Publiplan. Dit comme ça, j'en conviens, ça suinte un peu l'ennui. Mais si je vous disais qu'une armée nationale fournissait aimablement à l'armée ennemie les outils logistiques lui permettant de progresser sur le terrain qu'elle doit défendre ? La métaphore serait plus claire ?
Dans un débat de l'excellente émission Médialogues (assurément la meilleure de la RSR), ce matin, l'apparatchik en second de la RTS, disons le chef d'état-major général de l'Appareil, homme naguère de culture et de désir, aujourd'hui avalé par le système, essayait à tout prix, face à Christophe Rasch et deux autre invités, de justifier la volte-face de la SSR. Laissant entendre - éternel sophisme - que les intérêts du Mammouth et ceux de l'audiovisuel privé étaient au fond les mêmes. La récurrente, l'insupportable tentative de récupération paternaliste. A laquelle, hélas, d'aucuns, chez les privés, ménageant sans doute quelque ouverture de leur destin, ne manquent pas de céder.
Ce qui écœure Christophe Rasch, et avec lui tous ceux qui se battent pour les radios et TV privées, c'est qu'une bonne partie des recettes publicitaires suisses, donc des investissements de notre économie nationale, vont finir dans la poche d'un média français qui est déjà un géant, se contentera de faire du fric en Suisse, et ne fournira en contrepartie strictement aucune valeur ajoutée ! Alors que les TV régionales, elles, ont des mandats d'intérêt public : organiser des débats politiques, faire valoir la vie culturelle et sportive, de leurs régions.
Bien sûr, la SSR se défendra d'avoir trahi. Le fait que Gilles Marchand, directeur de la RTS, soit aussi président du conseil d'administration de Publisuisse, est évidemment un hasard et ne relève pas, nous dira-t-on, de la moindre collusion. Reste que le camouflet est là, l'entente avec l'ennemi, aussi. Reste, aussi, aux TV locales à se prendre un peu mieux en mains, communément, que jusqu'à maintenant. Le temps du sommeil est révolu. Celui d'un combat sans merci ne fait que commencer.
Pascal Décaillet