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  • Les socialistes suisses et la très grande pauvreté de la presse en Suisse romande

     

    Sur le vif - Lundi 01.11.10 - 11.06h

     

    En inscrivant à son programme l’abolition pure et simple de toute forme de défense nationale, le parti socialiste suisse (cf notre texte d’hier, 15.39h) s’est clairement disqualifié comme parti gouvernemental. Depuis des décennies, le consensus autour de l’existence d’une armée (certes à réformer !) constituait l’un des rares socles communs aux quatre partis représentés au Conseil fédéral (UDC, radicaux, PDC, socialistes).

     

    Ensuite, on pouvait discuter, y compris avec une très grande audace réformatrice : conscription obligatoire ou non, armée professionnelle, réduction des effectifs, fin des chars, armes à l’arsenal, définition moderne du danger, etc. etc.). Mais la nécessité, pour notre pays, d’assumer lui-même sa sécurité était partagée par l’ensemble de la coalition gouvernementale. Aujourd’hui, le PSS casse cela. Il se met lui-même hors-jeu.

     

    J’ai moi-même accompli quelque 500 jours d’armée, n’ai jamais été ni fana du treillis, ni antimilitariste. Comme l’immense majorité de mes concitoyens, j’ai fait mon boulot, regretté les heures perdues, souhaité une modernisation qui n’est intervenue qu’une fois l’âge, pour moi, passé. Pendant toute l’année 1990, j’ai siégé dans la commission Schoch (du nom d’Otto Schoch, ancien conseiller aux Etats, PRD, AR, un homme remarquable), visant à réformer l’armée suisse. Tous ceux avec qui j’ai travaillé, de Martin Kilias à Uli Windisch, de Francine Jeanprêtre à Eugen David, vous confirmeront que nos ambitions réformatrices n’ont, hélas, pas été suivies d’effets. Les esprits n’étaient pas mûrs.

     

    Aujourd’hui, l’armée suisse se porte mal. Parce que nul – en tout cas pas l’actuel ministre de la Défense, complètement dépassé – n’arrive à lui fixer une mission précise, crédible, identifiable par le grand public. On reconnaît que le temps de la guerre frontale est révolu, mais on maintient les chars, on demande de nouveaux avions de combat sans expliquer à quoi ils servent, on envoie les soldats damer les pistes de ski, ce qui est un pur scandale, la conciergerie de la neige n’étant pas le rôle d’une armée. Au parlement fédéral, d’étranges alliances, entre la gauche et l’UDC, font capoter les projets. Au final, plus personne n’y comprend rien, ce qui doit être totalement démoralisant pour les jeunes gens qui, à 20 ans, arrivent sous les drapeaux.

     

    Malgré tout cela, l’abolition pure et simple serait folie. Pourquoi ? Mais parce que l’Histoire est tragique, parce que nul ne sait ce que demain nous réserve, parce que nulle paix, nulle prospérité, nulle quiétude, ne sont éternelles. Parce que le retour de la barbarie, du langage de la force, est toujours possible. Surtout, parce que nulle communauté humaine, si elle souhaite demeurer debout, ne peut renoncer à assumer elle-même sa sécurité. Si elle la délègue à un autre, elle lui en sera redevable. Cela, même les sociaux-démocrates l’ont compris. Il n’y a eu que l’ahurissant Congrès de Lausanne pour le briser. Les socialistes, de facto, ne sont plus un parti gouvernemental.

     

    Un dernier point concerne la presse en Suisse romande. Ce matin, dans vos éditoriaux (en tout cas ceux de l’arc lémanique), on découvrira, au mieux, de prudentes analyses, bien gentilles, bien douces, bien timorées, pour nous expliquer le « repositionnement » des socialistes. On trouve même ça plutôt bien, en vue des élections d’octobre 2011. Mais ces mêmes éditorialistes, qui n’ont cessé de fustiger le « double langage », gouvernement-opposition, de l’UDC, là, face au PSS, perdent soudain tout ce qu’ils avaient de voix, de verve, de sens critique, de venin. Décidément, l’univers éditorial romand est bien sage et bien fade. Il demeure écrasé par un gentil consensus de centre-gauche. La vision conservatrice du monde, pourtant de plus en plus portée par l’opinion publique, n’y a pas sa place. Mais c’est une autre affaire. Sur laquelle nous aurons, dans ces colonnes, l’occasion de revenir.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tous les saints

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 01.11.10

    Catholique, j’ai toujours cru à la communion des saints. A celle des morts, aussi, avec les vivants. C’est une folie, je sais. Le christianisme est une folie. Révolutionnaire, dévastatrice. Détestable, quand elle fraye avec le pouvoir. Sublime, quand elle résiste.

    De la foi à l’athéisme, de la présence à l’absence, de la parole au silence, de la vie à la mort, la seule certitude est celle du fragile. Le seul fidèle, celui qui peut renier. Le seul vivant, celui qui va vers la mort. Le vrai croyant, celui que dévaste le doute. La seule Eglise qui vaille n’est pas faite de murs, mais de l’invisible communion. Ecclésia, l’assemblée. Rien d’autre.

    1er novembre, le jour de tous les saints. Lisez Simone Weil, voyez comme il est ténu, le chemin de la Grâce à la Pesanteur. De l’ange à la bête. De l’empire à la chute. De la lumière à la nuit. J’ignore si le saint porte en lui le salut. Mais les ténèbres, oui, qui l’éblouissent.

    La Toussaint est une très grande fête. Elle n’est pas affaire de superstition, ni de commerce, ni même au fond de ce qu’on appelle la foi. Non. Elle met en jeu les forces de l’esprit. Elle les ravive un instant, au milieu des feuilles mortes. Elle n’offre ni salut, ni certitude. Elle passe. Et nous aussi, au milieu de cela, nous passons.

    Pascal Décaillet