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  • A Saxon, la roue a tourné



    Édito Lausanne FM – Vendredi 16.05.08 – 07.50h

    Il faut le dire haut et fort : la victoire de Christophe Darbellay contre Nicolas Voide, il y a un peu plus de 24 heures, la nuit de mercredi à jeudi, à Saxon, pour les primaires PDC du district de Martigny, est éclatante. 605 voix contre 325, bref deux tiers, là où tous les pronostiqueurs, œil en coin et lèvre malicieuse, annonçaient un résultat extraordinairement serré, « peut-être à l’unité près ». Cette Assemblée de Saxon, à coup sûr, restera dans l’Histoire politique du Valais, et peut-être bien au-delà.

    On n’avait jamais vu ça : près d’un millier de personnes qui se déplacent pour siéger jusque tard dans la nuit. Les derniers ont quitté la salle à trois heures du matin, pour se lever à six et partir travailler. Pourquoi, tant d’affluence ? Parce qu’on leur donnait, à chacun, un fragment de pouvoir pour influer sur le destin de l’une des stars du canton, et du pays. Qu’ils le renvoient à la maison, et c’est un coup d’arrêt à sa carrière. Qu’ils le désignent de justesse, c’est un signal de menace pour l’étape suivante, capitale, contre Maurice Tornay, le 6 juin. Qu’ils le plébiscitent, comme ils viennent de le faire, et c’est toute une conception clanique et conservatrice de la politique valaisanne à qui l’on donne un avertissement.

    Oh, certes, le jeu des clans va dans tous les sens. Christophe Darbellay lui-même, hier soir, nous déclarait publiquement avoir fait le forcing jusqu’à la dernière minute : 150 coups de téléphone dans les dernières heures avant la séance ! De l’autre côté, « on » nous a avoué s’y être « pris trop tard » pour convaincre, en les quadrillant à l’unité près, certains caciques de la région de Martigny, disons en terre vinicole.

    Ainsi se fait la politique en Valais. Ainsi se fait-elle partout. Dans le Vieux Pays, on est au moins franc : personne ne se cache de ce genre de pratiques qui doivent plus au corps à corps qu’au romantisme idéalisé des idées. L’assemblée de Saxon, la manière dont elle a été préparée, pendant des semaines, par les deux camps, le rôle capital de la dernière journée, celui du Nouvelliste, celui du deus ex machina Simon Epiney, les pressions que les uns et les autres auront exercées sur certains clans-clefs, les promesses à tous vents distribuées, tout cela, ma foi, ferait bien l’objet d’un mémoire ou d’une thèse de science politique.

    Ou d’un polar. Ou de quelques épigrammes à la mode de Voltaire. Ou d’un roman de gare. Ou d’une grande épopée tragi-comique, avec beaucoup d’ivresse, un mélange de bassesse de caniveau et d’altière solitude. Quelque part, là-haut, à deux pas des nuages, dans le bleu irisé des glaciers.

  • L'autre mois de mai



    Ou : le printemps de Dom Juan et de Monsieur Dimanche

    Édito Lausanne FM – Mercredi 14.05.08 – 07.50h

    Un pouvoir politique en perdition, une République qui se meurt, des paras en treillis qui lancent des ultimatums aux élus légitimes, un homme, à Colombey, qui se mure dans le silence en attendant son heure. C’était il y a juste cinquante ans. C’était Alger, c’était Paris, c’était la France. Quelques jours d’une rare intensité dramatique. C’était mai 1958. Tout un enchaînement d’actions et d’événements qui allait aboutir au retour aux affaires, après douze ans et quatre mois de traversée du désert, du général de Gaulle.

    La Quatrième République, pourtant, n’avait pas manqué d’hommes de valeur, à commencer par le premier de tous, Pierre Mendès France, dont les quelques mois au pouvoir, en 1954-1955, avaient été lumineux. Non, ça n’était pas une question d’hommes, mais de structures : un pouvoir parlementaire beaucoup trop fort par rapport à l’exécutif, à la merci des combinazione et des petits arrangements de partis. À la tête de l’Etat, le désert. L’impuissance impersonnelle, alors que des enjeux aussi vitaux que les guerres coloniales étaient à régler.

    Sachant tout cela, l’ayant génialement diagnostiqué dans son discours de Bayeux, le 16 juin 1946, alors qu’il venait de quitter le pouvoir, de Gaulle avait toujours dit qu’il ne reviendrait que pour donner à la France de nouvelles institutions. Avec, comme clef de voûte, le chef de l’Etat. Il aura fallu ces incroyables événements d’Alger, la grande peur de la guerre civile, pour qu’il parvienne à ses fins.

    A-t-il volontairement laisser pourrir la situation ? Réponse : oui, tous les historiens en tombent d’accord. Etait-il au courant de l’opération « Résurrection » qui prévoyait son retour aux affaires par des moyens plus prétoriens que démocratiques ? Réponse : oui. Mais l’homme a eu le génie de ne donner aucun gage, ni écrit ni définitif, jamais, aux quelques ultras qui s’imaginaient qu’il allait conserver, pour quelques siècles, l’Algérie française. Il faut lire Lacouture, sur ces moments incroyables, notamment lorsqu’il compare la prestation (la seule de sa vie) de De Gaulle devant l’Assemblée nationale, au dialogue de Dom Juan avec Monsieur Dimanche.

    Oui, en termes de légalité, ce fut limite. Mais pour quel résultat ! Douze ans d’une stabilité et d’une prospérité exceptionnelles, un homme d’exception visible du monde entier, de nouvelles institutions qui, aujourd’hui, sont encore là, le règlement dans l’honneur de la question algérienne, la réconciliation franco-allemande. Je ne prétends certes pas que cette décennie-là ait été parfaite, rien dans l’Histoire ne l’est. Mais je serais très heureux qu’on vienne m’en citer une seule, dans l’Histoire de France, de Philippe le Bel à l’actuel orléaniste de l’Elysée, qui puisse prétendre avoir été meilleure.



  • L'affaire sous l'affaire



    Ou : la politique, cornes contre cornes

    Édito LFM – Mardi 13.05.08 – 07.50h

    Il faut vraiment débarquer de la Lune, ou de Patagonie, pour ne pas déceler, en filigrane de l’affaire Bagnoud, une seconde affaire, politique celle-là, dont les échéances sont extraordinairement proches : la première d’entre elles intervient demain déjà. Avec, en éclatante apparition du palimpseste, une fois décollée la fine couche de l’affaire Bagnoud, un personnage principal : Christophe Darbellay. À la vérité, il n’y a pas d’affaire Bagnoud, tout juste bonne pour le vaudeville et le juge d’instruction. Mais il y a, à l’évidence, une affaire Darbellay.

    Président du PDC suisse, candidat au Conseil d’Etat de son canton (mars 2009), Christophe Darbellay doit affronter demain Nicolas Voide, pour la désignation du candidat du district de Martigny au poste de conseiller d’Etat. Autre étape, le 6 juin : le vainqueur du match Darbellay-Voide sera opposé à un poids lourd : Maurice Tornay, d’Orsières.

    Or, le Nouvelliste, dans son édition de samedi, a rendu, à son corps bien défendant, un fier service à Darbellay. À quatre jours de la décision du PDC de Martigny, le quotidien valaisan a décoché les orgues de Staline contre lui, en donnant, sur une page complète, la parole à son très vieil ennemi, le féodal anniviard Simon Epiney. Présenté, en tête de page, comme une « figure tutélaire » du PDC valaisan. Quand on sait que le Nouvelliste roule pour Maurice Tornay, la ficelle apparaît plus épaisse, encore, qu’un câble de téléphérique. Téléveysonnaz, par exemple ?

    Trop énorme, la ficelle, pour échapper à la sagacité du public, même si on sait que le gros des troupes conservatrices, y compris certains UDC reconvertis au PDC, investira Saxon, demain, pour voter contre Darbellay. Mais il y a mieux : on apprend ce matin que Nicolas Voide, rival de Darbellay demain soir, homme politique de valeur, qui n’était autre que l’avocat de Xavier Bagnoud (si !) dans cette affaire de douche et de poudre, renonce à l’être ! Nicolas Voide aura donc commis, en quelques jours, une double erreur : être l’avocat de Bagnoud ; ne plus l’être. Du coup, l’homme apparaît comme instable, et Darbellay regagne du terrain. Vous me suivez, ou vous êtes à nouveau sous la douche ?

    Vous avouerez que jamais désignation d’un candidat par un simple district n’aura, à ce point, dépassé les frontières du Valais. Dans toute cette affaire, la maîtrise de la communication par Christophe Darbellay a été d’une rare orfèvrerie : il reste au-dessus de la mêlée, suppute avec une assassine douceur, samedi soir, que « Simon s’ennuie dans sa retraite », apparaît le lendemain avec sa fiancée à la finale des Reines d’Aproz, rend hommage à Voide, se comporte comme un homme que les missiles n’atteignent pas.

    Bref, plus on l’attaque, plus il adore. C’est la politique cornes contre cornes. Avec tout le poids du corps. Des sabots qui remuent des tonnes de poussière. Et que le meilleur gagne !