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  • La poésie, à haute voix



    Édito Lausanne FM – Vendredi 23.05.08 – 07.50h



    Hier soir, j’ai invité Richard Vachoux à venir lire en public « Le rêve de Bismarck », cet inédit de Rimbaud publié le 25 novembre 1870 dans le « Progrès des Ardennes », sous le pseudonyme de Jean Baudry. Certains y voient un faux. Mais Jean-Jacques Lefrère, grand spécialiste de Rimbaud, nous affirmait hier sa certitude d’un texte authentique, dont on connaissait d’ailleurs l’existence, mais qui s’était perdu.

    Très rimbaldiens à coup sûr, le style, le rythme, la couleur, le piquant : ce Rimbaud de seize ans, l’année de la guerre franco-prussienne, son génie poétique déjà en marche. Et ce texte, Richard Vachoux est venu le lire, le découvrant d’ailleurs en se l’entendant dire. On aime ou non le style d’interprétation de ce bel acteur qui a tant fait, depuis des décennies, pour la notoriété des poèmes, mais ce fut un moment privilégié.

    « Dire la poésie », insiste Vachoux. À haute voix, face à un public. Il rappelle volontiers l’oralité perdue des grands chants épiques, celle de l’Iliade et de l’Odyssée, colportées par des aèdes qui les connaissaient par cœur, et qui ne furent mises sur papyrus que plusieurs générations plus tard. Dire le poème, le mettre en voix, avec du volume, des intonations, un rythme, des couleurs. Et, bien sûr, le risque de déplaire. De trahir la petite chanson qui trottinait, sur tel texte, en chacune de nos têtes. À coup sûr, l’exercice est périlleux.

    Dire un poème, dès l’école. Amener les enfants à ce moment, jouissif pour les uns, tétanisant pour d’autres, où ils doivent, un peu, beaucoup, se dévoiler devant leurs camarades. Trop monocordes, on rira de leur réserve. Trop expansifs, on en rira encore plus. De l’un à l’autre, pourtant, quelques critères objectifs : parler clair, jusqu’au fond de la classe, dégager les syllabes, mettre en valeur le texte, respecter le rythme, et, pour les plus doués, la prosodie. Pour les uns, oui sans doute une petite torture. Mais pour d’autres, peut-être, le bonheur d’une découverte, un chemin de traverse, un imprévu, la promesse d’en lire d’autres, et d’autres encore. Rien que pour cela, l’exercice vaut la chandelle.


    *** Richard Vachoux anime les «Dimanches poétiques» du Poche, Genève, les 25 mai et 1er juin à 11 h 30.




  • Pharmaciens socialistes, votre avis nous intéresse !

     

     Édito Lausanne FM – Jeudi 22.05.08 – 07.50h



    J’ai déjà dit et souligné les mille bonnes raisons qu’il y avait à combattre l’initiative de l’UDC sur les naturalisations. Non sur le texte lui-même, qui se contente de replacer la commune au centre de gravité de la décision, mais sur ce qui pourrait, in fine, se produire, en cas de oui : des citoyens octroyant à la tête du client, voire à la consonance du nom, la nationalité suisse. Le débat est dans l’arène, le peuple tranchera dans dix jours.

    Et elle semble – soyons prudents – avoir basculé, l’opinion publique, à en croire le dernier sondage GFS-SSR, publié hier soir. Il y aurait une majorité de non. Déterminantes seront, le 1er juin, la majorité des cantons, et surtout la carte électorale des Ja et des Nein, la Suisse alémanique étant appelée à être un théâtre décisif de la votation.

    Un mot sur la propagande : vous avez remarqué ? Pas un jour sans qu’un Grand Conseil de Suisse romande, ou un Conseil d’Etat, ou le gouvernement d’une Ville (Genève détenant la palme d’or de l’exercice) ne vienne, en grand défenseur des droits fondamentaux, appuyer le camp du non. Dernière en date de ces interventions, celle des « Conseillers d’Etat radicaux et libéraux de Suisse romande » ! Annonce payante (par le contribuable ?), en page 8 du Temps de ce matin.

    Diable ! Voilà bien une instance capitale, fondamentale, vous y auriez pensé, vous ? Il y avait déjà les professeurs de droit, à peu près toujours la même liste de signatures, à prétention urbaine, éclairée et moralisante, de scrutin en scrutin, voilà maintenant la modeste relique (Dieu, ce qui frappe, c’est qu’ils sont si peu, désormais !) de grands vieux partis gouvernementaux.

    Demain, peut-être, les pharmaciens socialistes ? Les notaires genevois d’origine jurassienne ? Les partisans de Tornay passés dans le camp de Darbellay ? Les bisexuels protestants ?

    Oh, certes, chacun, ici-bas, a bien le droit de s’exprimer, nous sommes libres de nous associer, de nous assembler, de nous réunir dans des cabines téléphoniques, de nous y embrasser jusqu’aux pâles heures de la nuit. Libres, aussi, d’assumer ce zeste de dérisoire qui rend la vie, décidément, si surprenante et si belle.

  • Moritz et la pâleur de l’éternité



    Edito Lausanne FM – Mercredi 21.05.08 – 07.50h



    Revoilà donc, en direct de la voie lactée, notre Pierrot lunaire. L’homme qui ne gouverne pas, ne décide pas, mais, tel la Pythie de Delphes, se contente de donner des signes. Il s’appelle Moritz Leuenberger, il est là depuis treize ans : de loin le plus ancien de nos conseillers fédéraux. Déjà, l’éternité le guette.

    L’homme des signes. Que, d’ordinaire, nul mortel ne saisit. Ni ses adversaires, ni surtout ce qu’il est convenu d’appeler ses amis politiques, mais ces deux mots sont un oxymore. Ses « amis », les socialistes, à chacune de ses déclarations, s’arrachent ce qu’il leur reste de cheveux, littéralement horripilés, au bord de la crise de nerfs, Almodovar.

    Lui, au-delà des nuées, plane. Le week-end dernier, il « lance l’idée » de privatiser partiellement les CFF. Tabou, tollé, ramdam, patatras. No problem : cette idée, aussitôt, il la retire. C’est vrai quoi, on ne va tout de même pas se battre pour des idées, c’est d’un autre temps, un temps d’avant l’art contemporain et les cuillers de caviar dans les galeries zurichoises, calmez-vous camarades, c’était juste un ballon d’essai.

    Plus céleste, encore : lundi, il lance l’idée de détruire les voitures des chauffards. C’est un peu méchant pour les voitures, qu’il avait si poliment saluées lors d’un Salon de l’Auto, mais enfin pourquoi pas. Il la lance, mais aussitôt ajoute : « Peut-être, c’est juste une idée, je ne sais pas ».

    C’est cela, peut-être, son problème : juste des idées. Qu’il sème, à tous les vents, c’est Larousse et c’est le discobole. C’est Moritz Leuenberger. Que guette l’éternité. Pâle et lunaire, comme un bon mot. Dans une galerie, à Zurich.