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Sur le vif - Dimanche 27.10.24 - 16.37hRéuni en Congrès à Davos, le parti socialiste suisse lance l'idée de nationaliser Sandoz ! Il estime à environ 15 milliards le coût du géant suisse de la pharma. Il considère un achat de l'entreprise par la Confédération comme la garantie d'un intérêt supérieur : celui de l'approvisionnement du pays en médicaments.Eh bien je considère, pour ma part, que cette idée, lancée comme une grenade dégoupillée dans un pays à économie libérale, n'a strictement rien de saugrenu. Et mérite d'être étudiée. Oh, les libéraux riront, aveuglés pas l'arrogante illusion de leur éternité au pouvoir. Laissons-les rire. Nous sommes en démocratie. On a le droit le rire.Laissons-les rire, mais considérons le fond. Le pénurie de médicaments, récurrente, est l'un des grands problèmes de la politique de santé en Suisse. Or, notre pays est producteur, c'est quand même assez rare pour être souligné ! Et il faudrait, pour des raisons de valses financières, que le peuple suisse ne soit pas le premier servi ! C'est révoltant, contraire aux nécessités élémentaires de notre cohésion sociale. L'idée, dans ces conditions, d'un rachat de l'entreprise par la Confédération, est pertinente. Elle a toute sa place dans un débat politique où le peuple suisse, de plus en plus, réclame pour la Santé publique des solutions collectives, et non fondées sur la seule course privée au profit.Et puis, il y a autre chose. Après s'être vautré dans les sujets de société, le wokisme, et autres occasions d'aimable distraction pour bourgeois bobos, voilà que le parti socialiste suisse, membre du gouvernement fédéral depuis 1943, première force de gauche dans notre pays, le parti de Tschudi et de ses trois réformes complètes de l'AVS entre 1959 et 1973, revient à ses fondamentaux : le social, le contrôle des forces de production. Dire que je ne m'en plains pas est un faible mot.Alors oui, l'idée doit être débattue. C'est une idée claire, qui rappelle les grands transferts de pouvoir à l'Etat dans la France de la Libération, grâce à l'exceptionnelle vison politique de Charles de Gaulle, entre août 44 et janvier 46.On me dira que la Suisse n'est pas la France. Que nous ne sommes pas dans la pénurie d'une sortie de guerre. Ou même, peut-être, que...... Sandoz n'est pas à vendre ! On aura raison ou tort de me répondre ainsi. Mais un débat démocratique aura au moins été lancé, sur le contrôle, par le peuple et ses élus, du système suisse de production des médicaments. Si vous êtes libéral, riez. Je ne le suis pas, je ne ris pas : je pense à l'intérêt supérieur du peuple suisse. Et, au milieu de ce peuple, à l'intérêt supérieur des plus précaires.Pascal Décaillet
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EFAS : je rumine un OUI
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.10.24
La réforme du financement des soins, résumée dans l’acronyme « EFAS », sera soumise au peuple suisse le 24 novembre. C’est un paquet complexe, fruit de quatorze années de travail parlementaire. Ses chances de passer sont tout, sauf garanties : lorsque le peuple ne comprend pas, ou se trouve placé face à un objet touffu, il vote NON. Et il a bien raison.
Mais les lois de la communication ne doivent pas nous dissuader d’entrer intellectuellement dans le projet. J’ai pris le temps de me livrer à cet exercice, en profondeur, et j’ai trouvé à EFAS quelques vertus. En uniformisant le financement des soins (hospitaliers, ambulatoires, longue durée), il peut permettre des économies. Ça n’est pas le Pérou. Ça n’est pas le projet du siècle. Mais ça n’est pas rien, pour autant. Bref, je rumine un OUI.
Surtout, je m’étonne : en vertu de quels critères le Conseil d’Etat genevois, à majorité de droite, recommande-t-il le NON ? On sait que le ministre de la Santé lance le grand chantier d’une Caisse publique, et il a raison. Mais dire OUI à EFAS n’est nullement antinomique d’un OUI, plus tard, à un système où l’Etat retrouve enfin son rôle.
Bazarder EFAS, qui a des qualités modestes mais réelles, dans l’idée de ne pas griller, pour plus tard, la Caisse publique, est une erreur. Dans le domaine de la santé publique, toute bonne idée doit être saisie.
Pascal Décaillet
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Industrie allemande : un long suicide, depuis 35 ans
Sur le vif - Dimanche 27.10.24 - 10.30hL'industrie allemande a nourri, sur place, mes rêves d'enfant. De mes visite d'usines, notamment dans la métallurgie, en ces années aujourd'hui si lointaines, sont nés les torrents de désir qui furent mythes fondateurs d'une partie de ma vie. Jusqu'à l'âge de 14 ans, je voulais devenir ingénieur en mécanique, et travailler dans une usine en Allemagne. Ce ne fut, au final, pas exactement mon trajet, mais la puissance des rêves demeure. Dans l'archaïsme des mes désirs.Aujourd'hui, en automne 2024, l'industrie allemande se porte mal. Oh, elle n'est pas à terre, loin de là, l'Allemagne demeure la quatrième puissance économique du monde, et la première d'Europe. Mais les carnets de commandes, notamment dans la métallurgie, dans les moteurs, dans l'automobile, dans la machine-outil, sont à la baisse. Les matières premières importées de l'étranger peinent à arriver en Allemagne. Aujourd'hui, octobre 2024, le mot "essoufflement" n'est plus assez fort. Il faut parler de récession.J'inscris le présent texte, ainsi que de nombreux qui vont suivre, d'ici au 9 novembre, dans mes réflexions, de plus en plus obsédantes, sur le 35ème anniversaire de la chute du Mur. Alors, pour aujourd'hui, ne prenons que cet exemple, celui de l'industrie, celle qui fut si puissante, si enviée, en Europe. Enviée par les Français. Enviée, beaucoup plus encore, par les Britanniques, que la Révolution industrielle allemande, dès le milieu du 19ème siècle, inquiétait de plus en plus, jusqu'à la fin des années trente. Et cela, tous régimes confondus.Ce qui terrorisait les Britanniques, Churchill (deux fois Premier Lord de l'Amirauté, les deux fois ce fut catastrophique) au premier rang d'entre eux, c'était la création, dès les années 1880, d'une puissance navale allemande, civile comme militaire, capable un jour de rivaliser avec eux sur la Baltique et en mer du Nord. La Seconde Guerre mondiale a donné aux Anglais l'occasion de régler quelques vieux comptes économiques avec la puissance industrielle allemande. Peut-être le bombardement britannique de Hambourg, juillet 1943, vous dit-il quelque chose.Revenons à ces 35 dernières années. Le déclin de l'industrie allemande provient des choix stratégiques des Allemands eux-mêmes, dès la chute du Mur. Les Allemands ont poussé à l'expansion de l'Union européenne vers l'Est, pour y implanter des site de production industrielle, et les contrôler. Soyons clairs : en Pologne, en Hongrie, d'innombrables usines sont dirigées par des Polonais, des Hongrois, mais le capital est, en majorité, en mains allemandes. Les dizaines de milliers de camions polonais que vous voyez sur les autoroutes allemandes, notamment en ex-DDR, sont des camions allemands. A plaques polonaises.Et l'Allemagne, depuis 35 ans, s'est habituée au petit jeu de cet impérialisme économique : entre Allemands, on se salit moins les mains, on laisse ce job aux gens de l'Est (tout heureux d'avoir du boulot), et progressivement on tourne l'économie allemande vers les services, la finance. Et, tout en maintenant sur sol allemand des sites aussi prestigieux que les usines principales de Volkswagen, ou Mercedes, on la grande chimie rhénane, on laisse délocaliser une quantité de PME moins connues, mais tellement performantes dans leur génie de niche, hyper-spécialisé.Ainsi, depuis 35 ans, au fil des années, l'Allemagne perd non seulement de sa capacité industrielle, mais, infiniment pire : elle perd, dès les rêves d'enfance ou d'adolescence des jeunes Allemands, la capacité à s'imaginer un épanouissement dans l'industrie. Oui, l'Allemagne, le pays du Romantisme, le pays de l'imagination industrielle, le pays qui gardait chez lui les forces de production, s'est laissé allé à l’hubris, la démesure, d'un Mittelland européen poliment germanisé, dont elle ne serait plus que l'état-major.C'est une dérive fatale. Un Allemand, pourtant, au milieu du 19ème siècle, un Rhénan de Trêves, observateur génial de la Révolution industrielle et de ses conséquences sociales, avait averti : "Le pouvoir appartient à celui qui contrôle les forces de production". Celui qui les contrôle, au plus près de la machine ! Pas celui qui, de loin, se ramollit en satrape de la délégation.Ce Rhénan translucide, les Allemands, depuis la chute du Mur, au lieu de le lire, l'ont, par arrogance, jeté à la poubelle. Il s'appelait Karl Marx.Pascal Décaillet