Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Balkans : analyse et lucidité, SVP !

 
Sur le vif - Vendredi 02.06.23 - 09.55h
 
 
J'ai suivi au millimètre les guerres balkaniques il y a trente ans, je me suis rendu dans cette région du monde que je connaissais déjà d'avant, du temps d'un pays qu'on appelait la Yougoslavie, la Fédération des Slaves du Sud. Pendant toute la décennie qui a précédé l'embrasement, entre la mort de Tito (1980) et le retour des guerres (1990) dans cette poudrière millénaire, je voyais bien que l'éclatement allait se produire.
 
Pendant toutes les années 1990 j'ai analysé les guerres balkaniques avec une parfaite froideur, m'immergeant dans les livres d'Histoire, les récits nationaux des uns et des autres, ceux des Serbes comme ceux des Croates, ceux des Albanais, des Macédoniens. L'Histoire, notamment, de la Seconde Guerre mondiale, mais c'est évidemment des siècles en amont qu'il faut remonter.
 
Je n'ai jamais, de toute cette décennie, utilisé les mots de la morale. Mais ceux de l'analyse historique, avec ses chaînes de causes et de conséquences. C'est la méthode à laquelle nous invite l'historien grec Thucydide, qui nous décortique, il y a 25 siècles, une autre guerre, toute proche de ces Balkans en éruption dans les années 1990, celle du Péloponnèse. Il ne dit jamais : "Celui-ci est bon, celui-là est méchant". Il dit : "Voilà les grandes causes, économiques notamment, ou d'impérialisme (celui de Sparte, celui d'Athènes), qui ont provoqué ces guerres, dans les Cités grecques".
 
Alors oui, pendant toutes les années 90, j'ai écrit sur le rôle des Etats-Unis d'Amérique, qu'on appelait pudiquement "Otan" lorsqu'ils bombardaient Belgrade, capitale européenne, au printemps 1999, alors qu'à Hambourg, j'interviewais l'ancien Chancelier allemand Helmut Schmidt, qui condamnait fermement l'alignement du Rhénan Kohl sur l'Oncle Sam. Je me suis renseigné sur le plan, précis et puissant, de Washington pour installer un pied (vieux rêve de Churchill) sur une péninsule balkanique demeurée non-alignée pendant la Guerre froide. Intérêts économiques, gaziers, énergétiques, commerciaux, stratégiques. J'ai exposé cela, non pour défendre un nationalisme serbe qui n'est pas mon propos (je n'ai strictement aucune préférence ethnique personnelle entre les peuplades des Balkans, ni d'ailleurs entre quelconques peuples du monde), mais pour METTRE EN PERSPECTIVE l'embrasement de cette région, que j'étudie depuis bientôt cinq décennies, et qui me passionne.
 
Je me suis rendu au Kosovo. J'ai bien vu que les Serbes allaient perdre, et que les autres, sous parapluie de l'Otan, allaient installer leur pouvoir. Ce parapluie, si cher aujourd'hui à M. Zelensky, en Ukraine. Ou aux Polonais. Parmi les gagnants, sous parapluie, il y avait des gens très bien. Mais il y avait aussi d'ultra-nationalistes, partisans de la Grande Albanie. L'un d'eux a longtemps dirigé le pays. On a vu le résultat. Dire, aujourd'hui, que le traitement des minorités serbes (je suis allé voir ces villages, à l'époque) au Kosovo, est satisfaisant, relève du déni, et de l'alignement le plus béat derrière le narratif atlantiste.
 
Au moment où, hélas, s'embrase de nouveau la vieille poudrière, j'invite chacun d'entre nous à analyser les événements avec les outils de l'Histoire, de la culture, de l'analyse des langues et des actes de langage. Et non avec une morale de presbytérien américain, importée dans le monde pour camoufler l'impérialisme des Etats-Unis, leur insupportable vocation à être le gendarme du monde, leur mélange de langage du Bien et d'extrême violence dominatrice, dans les faits réels.
 
 
Pascal Décaillet
 

Les commentaires sont fermés.