Sur le vif - Samedi 19.11.22 - 07.37h
Mezzo, hier soir. Mozartwoche Salzburg. Un clavier, deux musiciens. À droite pour les aigus, Daniel Barenboim. À gauche pour les graves, Martha Argerich. Œuvres de Mozart pour quatre mains. En seconde partie, deux pianos, Martha et Daniel face à face.
Mais là, deux géants serrés l’un contre l’autre, qui se touchent. Maintes fois, Daniel pose sa main gauche sur sa poitrine, pour ne pas gêner la droite de Martha, tout se joue au millimètre.
Mais il faut les voir à l’œuvre, ces quatre mains. Elles n’auront fait, depuis l’aube de la vie, que jouer, et jouer encore. L’intimité du clavier, c’est leur vie. La captation du moment par Mezzo est exceptionnelle : les mains, les corps, l’intensité de présence des visages, les partitions.
Car ces deux sommets de mémoire musicale, là, ont pour une fois gardé le support de lecture. Ils doivent non seulement jouer, mais se soucier de l’autre. Être ensemble.
Alors, survient ce moment rare, et c’est là le génie du moment télévisuel, où le spectateur VOIT la musique. Derrière l’impression de simplicité, unique au monde, de Mozart, il VOIT la saisissante complexité de la structure.
Quatre mains sur un clavier, ces thèmes qui se répondent, le frottement de deux styles, la comparaison des touchers, la grâce du mouvement d’ensemble chez Martha, l’incroyable présence percutée de chaque note chez Daniel. Deux styles, un clavier, une œuvre.
Et à la fin, c’est Mozart qui gagne. Une musique facile ? Légère ? Une musique de cour ? D’Ancien Régime ? De mécénat ? Une musique unique, dans l’univers. Le passage d’une comète, inclassable. Encore Haydn, déjà Beethoven ?
Une musique d’une incroyable complexité dans sa structure, pour ne nous donner à entendre que « des notes qui s’aiment ».
Sur le chantier à ciel ouvert de ce clavier à quatre mains, des équations à tant d’inconnues. Deux vies, deux enfants d’Argentine, intégralement dédiées à la musique. Et soudain, dans ce corps à corps avec la complexité, le génie de Mozart qui se révèle, comme un chant de lumière, au premier jour.
Pascal Décaillet