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De 577 points d'appui, le peuple de France impose la proportionnelle

 
Sur le vif - Lundi 20.06.22 - 10.23h
 
 
 
D'abord, la remarque la plus ahurissante de la soirée politique d'hier : un observateur pro-Macron, totalement effaré par le camembert des résultats, s'exclame : "Quelle horreur ! Ce Parlement est ingouvernable !". Comme s'il s'agissait de "gouverner" les représentants élus du peuple, cet autre pouvoir, séparé, ne devant rien à l'exécutif, cette représentation 577 fois recommencée de la France d'en-bas.
 
A quoi bon Mirabeau, le Serment du Jeu de Paume, le 20 juin 1789, à quoi bon la promesse de ne sortir que "par la force des baïonnettes", si c'est pour qu'un inculte affidé au Prince du moment, 233 ans plus tard, vienne sortir une telle énormité : "Ce Parlement est ingouvernable".
 
Constamment rudoyé, le Parlement français, pendant ces 233 ans. L'épisode bonapartiste le met en congé. Le premier homme fort venu (de Gaulle inclus) le réduit au statut de Chambre d'enregistrement. Le 10 juillet 1940, deux semaines après la plus grande défaite de l'Histoire de France, il se met lui-même en congé. Dès qu'il est de la même couleur que le Président, il se réduit à une amicale de godillots tout juste bons à avaler les décrets du pouvoir. Non, décidément, la Cinquième République, malgré toutes ses qualités, n'est pas celle du Parlement. On est très loin de la grande tradition britannique. Ou du Reichstag bismarckien. Sans parler de la Suisse.
 
Hier en France, c'est le peuple qui a écrit une page d'Histoire. Il n'a rien demandé à personne, n'a sollicité nulle permission, il a juste dessiné, dans le génie de son inconscient collectif, une configuration qui va imposer, d'en-bas, des changements majeurs. C'est un très grand moment de l'Histoire politique du peuple français. D'autant plus émouvant qu'il ne procède aucunement d'une volonté centralisée, mais de la juxtaposition de 577 élections, parfaitement indépendante l'une de l'autre, dans 577 circonscriptions. C'est, à la solitude du Prince, la réponse multipliée du terroir, bouillonnante de diversité, et pourtant claire dans l'intention générale du peuple français.
 
Personne n'aura la majorité absolue ? Et alors ! Pour un Parlement, c'est une merveilleuse nouvelle : pour une fois, il va tenir un rôle. Il faudra faire et refaire, coudre et découdre, assembler, bricoler, discuter, convaincre. En Suisse, nous connaissons cela. En France, en tout cas depuis 1958, ce sont des habitudes quelque peu perdues.
 
Oui, c'est une très grande journée que celle d'hier. Depuis au moins trente ans, tout le monde dit qu'il faut installer une dose de proportionnelle, pour une représentation plus juste des forces. Mais personne ne le fait. Macron s'y était engagé il y a cinq ans, il a volontairement laissé tomber, c'est tellement plus commode de régner. Hier soir, le peuple de France lui a présenté l'addition.
 
La proportionnelle n'a pas été imposée par décret. Ni pas décision du Prince. Ni même par le vote des élus. Elle a été, DE FACTO, instaurée d'elle-même, hier, par le génie décentralisé du peuple souverain. Car cette législature sera proportionnaliste, ou ne sera pas. Et c'est le peuple souverain qui, de 577 points d'appui différents, sans rien demander aux légistes ni aux constitutionnalistes, l'aura, face à l'Histoire, imposée d'en-bas. Oui, ce dimanche 19 juin 2022 est une date dans l'Histoire politique de la France.
 
 
Pascal Décaillet
 

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