Sur le vif - Samedi 05.12.20 - 10.38h
Personne n'a jamais obligé un gouvernement à prendre la parole.
S'il la prend, il doit endosser toute la responsabilité de son acte de pouvoir consistant à se montrer au peuple, et lui parler. Ce qu'il dit. La manière dont il le dit. Ses tonalités. Ses gestes. Les sentiments qu'il dégage, auprès du public. Quand on monte sur une scène, il y a des acteurs, un décor, une mise en scène, des lumières, des choix.
Personne n'a jamais obligé un gouvernement à prendre la parole.
Le Conseil d'Etat genevois est libre de se taire ou parler. Libre de délivrer des communiqués, ou monter sur les tréteaux télévisuels pour se donner à voir et à entendre.
Mais, s'il monte en scène, il doit assumer.
La théâtralisation du pouvoir est à double tranchant. Elle peut servir le Prince, ou terriblement l'affaiblir. La parole du chef doit être rare : plus il se commet, plus il perd son aura.
Personne n'a jamais obligé un gouvernement à prendre la parole.
Prenez ces trios, ces délégations du mercredi, face aux caméras, sans filtre, sans médiateurs. Le public n'est dupe de rien. Il voit tout. Le vrai chef, il l'identifie tout de suite. Les rapports de forces derrière les rodomontades, "Merci Madame la Présidente", "comme vient de l'indiquer ma préopinante", "comme l'a très bien dit Madame Fontanet", le peuple ne se laisse pas avoir par tout ce cirque, il décèle immédiatement l'hypocrisie, les rivalités internes. Ne sous-estimez pas sa lucidité sur les enjeux réels.
Le peuple n'est pas dupe, non plus, des fausses douceurs, aux attitudes maternantes, voix simulant la neutralité, du type "Je n'ai pas voulu cette situation, je n'y suis pour rien, elle m'ennuie tout autant que vous, mais dans l'épreuve commune, je vais vous accompagner". Le peuple préfère encore la raideur verticale des hiérarques assumés à ces fausses pudeurs, juste pour être dans le ton. Alors qu'on est un être de pouvoir comme un autre, et peut-être pire (sous le vernis) qu'un autre.
Alors, continuez, Mesdames et Messieurs les Conseillers d'Etat, à vous montrer, tous les mercredis, en irrévocable majesté. Tantôt donneuses de leçons, tantôt régents, invoquant la bureaucratie sanitaire pour atténuer une responsabilité qui est foncièrement vôtre. Fausses douceurs, voix câlines, pour être dans le ton d'aujourd'hui, qui n'est plus aux tonnerres masculins. Mais le pouvoir, toujours et partout, demeure le pouvoir. Noir. Immuable. Personne n'est dupe.
Continuez ce petit jeu de la monstration hebdomadaire. Continuez, dans le même temps, à ruiner les classes moyennes en les assommant d'impôts. Continuez à mépriser les petits entrepreneurs, les indépendants, les restaurateurs. Car la réalité de ce Conseil d'Etat 2018-2023, l'un des pires depuis Fazy, oui la réalité, derrière le petit théâtre du mercredi après-midi, c'est celle d'un Triste Sextuor, tout juste bon à nous pomper, endetter l'Etat, endetter nos familles, nos enfants. Un gouvernement qui n'écoute plus les classes moyennes, il ne songe qu'à les plumer.
Continuez, avec vos voix suaves. Vos fausses apparences. Continuez. Et nous verrons le résultat.
Pascal Décaillet