Que les Parlements, totalement dépassés par les événements, incapables d'avoir prévu des scénarios de réunion en ligne, soient aux fraises, nettement moins d'accord.
Que les exécutifs prennent leurs aises comme jamais depuis 1848, se fassent paternalistes, moralistes, gendarmes, seuls à se mettre en scène dans la majesté sans partage de leur pouvoir, encore moins d'accord.
Que des parlementaires trouvent normale cette vacance de leur propre institution, premier pouvoir dans le système suisse, autorité de contrôle des gouvernements, plus d'accord du tout.
Que des dizaines de milliers de petits cafards, utilisant les réseaux dans ce qu'ils ont de pire, passent leur "confinement" à faire la morale à tous ceux qui osent mettre le nez dehors, puis à dénoncer et photographier telle grappe humaine, surprise de leur balcon, où il n'y aurait pas 2 mètres, mais seulement 1,83m, selon les estimations trigonométriques du délateur, entre les gens, plus d'accord du tout.
Que des esprits libres, ou plutôt des esprits qui par beau temps se targuaient d'être libres, transmués soudain en valets du pouvoir, passent leur temps à nous faire la morale sur "la confiance à faire aux autorités", plus d'accord du tout.
Ces doctes confondent deux choses : appliquer les consignes des autorités, oui, comme tout citoyen qui respecte toute loi ; mais garder son esprit critique, y compris pour émettre des doutes sur les décisions prises, je peux vous dire que nous n'avons pas l'intention d'y renoncer !
Un exemple : la fermeture des PME. Celles où le respect des distances n'est pas possible, comme un salon de coiffure, pas de problème, tout le monde le comprend bien. Mais, bordel, des dizaines de milliers d'entreprises suisses, où les distances sont parfaitement possibles, ont dû fermer, à cause de l'aspect linéaire, uniforme, aveugle, de la décision de Berne !
Alors maintenant, ça suffit. Il faut commencer le redémarrage de notre économie suisse. Pour les intérêts supérieurs de notre pays, au premier plan desquels j'ai toujours placé la cohésion sociale, c'est essentiel. On ne peut pas laisser mourir d'inanition l'une des économies les plus vivaces de la planète. Elle fait partie d'un tout, et permet de nourrir, par la redistribution, un système social dont nous avons, en tout cas depuis 1947, tout lieu d'être fiers.
Alors maintenant, ça suffit. Les moralistes à la petite semaine, ça suffit. Les délateurs de balcons, ça suffit. Les confinés salariés qui se permettent de faire la leçon aux indépendants et aux PME, ça suffit. La rugosité prétorienne des exécutifs, ça suffit, et M. Berset vient de déraper en évoquant l'hypothèse d'un couvre-feu. L'inexistence parlementaire, ça suffit. Nous avons mieux à construire que cette Ligne Maginot de l'extase défensive. Le salut n'est pas dans la forteresse, mais dans le mouvement. Il est dans l'offensive, pas dans la léthargie.
Pascal Décaillet