Sur le vif Jeudi 20.02.20 - 22.40h
Je serai franc, ce que j'ai (vous en conviendrez) toujours été ici. La nomination de Robert Cramer à la présidence de la Fondation PAV me reste en travers de la gorge. Et peu m'importe que la classe politique genevoise, cramérisée à l'extrême depuis trois décennies, rivalise en hommages et en courbettes. Moi, pas.
Robert Cramer, d'où sort-il ? Réponse : de deux éternités. Une éternité au Conseil d’État, suivie d'une autre éternité, au Conseil des États. L'éternité c'est long, surtout lorsqu'elle se dédouble. Deux fois l'infini, ça donne toujours l'infini, face à l'éternité de son miroir.
Il m'est parfaitement égal que Robert le Diable soit habile, roué jusqu'à la moelle, connaisse le terroir et les hommes, il n'en demeure pas moins que sa nomination sonne comme un désespérant signal d'incapacité du Conseil d’État à sortir de son chapeau autre chose que l'éternité blanche du même lapin, toujours recommencée. La Mer, de Valéry, où la nouvelle vague ressemble à l'ancienne, à s'y méprendre.
Le Canton de Vaud a eu longtemps son État radical, le Valais son État PDC, voici que Genève entre dans l’État Vert. Où un magistrat Vert délègue sa responsabilité à son prédécesseur, son double, Vert également. On est parti pour des années de petits arrangements entre Verts, sur fond de terrains valant des centaines de millions, avec monnaies d'échange, barbichettes drues, tous poils érigés, par lesquelles on se tient, entre petits hommes Verts, sur la planète Verte.
Cette duplication providentielle ne me dit rien qui vaille. Elle porte en elle les risques de l'entre-soi, déjà si présents dans ces ineffables "Fondations", dépourvues de toute légitimité démocratique, dont Genève a le secret. Je n'intente ici aucun procès à M. Cramer. Mais à la lassitude coupable qui a conduit, de la part du Conseil d’État, à le choisir. Il faudra un jour s'interroger sur le tout petit nombre d'indéracinables qui, dans la sérénité inaltérable de leur carrière, trottinent, tels de joyeux souriceaux, d'une "Fondation" à l'autre. Sautillant dans les recoins douillets de l'éternité.
Pascal Décaillet