Sur le vif - Dimanche 02.06.19 - 13.34h
Dans la droite libérale, ils sont tous à cirer les pompes aux multinationales. Mannes divines, générant du profit qui, par le miracle du "ruissellement", nous inonderait tous de prospérité. C'est leur discours, leur mantra. Pendant toute l'interminable campagne sur la fiscalité des entreprises, il nous ont produit cet argument-là, associé au danger biblique de l'Exode, et pas grand-chose d'autre.
Je vais tenir ici un discours un peu plus radical. Depuis toujours, je m'interroge sur l'existence même de ces monstres sans frontières, allant quérir tel siège social, quelque part dans le monde, là où on serait moins fiscalisé qu'ailleurs. En Afrique, en Amérique latine, on se sert à bon prix, en Europe on revend à prix d'or. On délocalise, on licencie, sans états d'âme. On ne se sent nulle appartenance géographique, historique, nul ancrage, nulle communauté d'âmes.
Cela n'est pas exactement ma conception de l'économie. Je crois profondément à la notion d'économie nationale. Cela ne veut pas dire "nationalisée". Non, simplement, un tissu local, ardent, inventif, imaginatif, concurrentiel, mais placé au service prioritaire de l'immédiate communauté humaine qui entoure le lieu de production. C'est valable pour l'agriculture, pour l'industrie, pour les services. Pour la Suisse, pays dynamique dans son économie, je demande depuis toujours une absolue priorité de la production pour élever le niveau de vie des habitants du pays, en commençant par les plus défavorisés : les chômeurs, les travailleurs pauvres, les personnes âgées aux ressources limitées, les jeunes à la recherche d'un emploi, etc.
Pour vous dire le fond de ma pensée, je suis contre les multinationales, contre le principe même ! A terme, il faut impérativement, dans les décennies qui viennent, que notre économie se recentre sur les entreprises d'intérêt national. Au service des hommes et des femmes de ce pays. Au service de l'humain ! A terme, car cela prend du temps, la Suisse a tout intérêt à se dégager progressivement de cette humiliante dépendance (par la manne fiscale représentée), de notre communauté nationale face à des monstres générateurs de profit planétaire, dans des conditions qui parfois déshonorent l'humain, regardez l'Afrique et vous comprendrez mon propos.
J'aimerais tant que la Suisse puisse avoir, dans quelques décennies, des débats sur la fiscalité (il y en aura toujours, et c'est très bien), sans que pèse sur les âmes cette épée de Damoclès : garder le monstre, parce qu'il nous nourrit. On pourrait dire aussi, hélas, qu'en nous nourrissant nous, il en affame d'autres, ailleurs. Mais comme nous sommes ici entre gens convenables, nous ne le dirons pas. Du moins, par pour l'heure.
Pascal Décaillet