Sur le vif - Samedi 06.10.18 - 06.49h
Il n'existe pas d'Union européenne. Politiquement, ce conglomérat est nul et non avenu. Mais il existe, sur le continent européen, une réalité parfaitement lisible et perceptible, depuis trente ans : la renaissance politique de l'Allemagne.
Pendant les trois premières décennies de son existence, de 1957 (Traité de Rome) à 1989 (chute du Mur), la Communauté européenne était un organe utile pour la collaboration sur le continent. Elle avait pour vertu l'équilibre entre ses membres fondateurs, principalement entre la France et l'Allemagne, piliers de la Cathédrale européenne.
À partir du 9 novembre 1989, l'équilibre de 1957 a été brutalement rompu. Un géant renaissait en Europe, avec la bénédiction des autres pays, et même sous les vivats. Le capitalisme de l'ouest phagocytait en rotant, tel un Moloch, la DDR, tout le monde applaudissait, sous prétexte que le communisme, "c'était mal". Nos beaux esprits, enivrés de reaganisme et de libéralisme, jugeaient à l'aune des idéologies, là où il fallait juger à l'aune des nations.
Dans la longue, la passionnante, l'époustouflante Histoire de la renaissance allemande depuis le grand Frédéric II de Prusse (1740-1786), le 8 mai 1945 n'a été qu'une défaite d'étape. Le jeune Helmut Schmidt, 27 ans, qui venait de faire toute la guerre comme officier de DCA dans la Wehrmacht, et que j'ai eu l'honneur d'interviewer à Hambourg en 1999, l'avait parfaitement compris.
Depuis la chute du Mur, et la réunification de 1990, l'Allemagne, sous l'impulsion du Rhénan catholique Helmut Kohl, incarnation des valeurs du Saint-Empire, à utilisé le paravent européen, la bannière européenne, pour camoufler la résurrection de ses ambitions stratégiques en Europe. Le comportement de Mme Merkel sur les Marches orientales, et jusqu'en Ukraine, va dans ce sens.
Pourquoi les profs d'Histoire n'étudient-ils pas ces choses-là avec leurs élèves ? Pourquoi ne leur font-ils pas lire les Discours à la Nation allemande (1807) de Fichte ? Pourquoi ne leur parlent-ils pas du travail exceptionnel des Frères Grimm sur l'identité historique et dialectique de la langue allemande ? Pourquoi, en cette approche du centenaire du 9 novembre 1918, ne leur parlent-ils pas, en profondeur, de la Révolution allemande, de la terrible année 1919, des combats entre Spartakistes et Corps-francs nationalistes ? Nous sommes là, avec l'humiliation du Traité de Versailles, dans des causes absolument directes de la naissance et de l'éclosion du nazisme. Pourquoi les profs d'allemand ne font-ils pas lire à leurs élèves le "Novembre 1918" de Döblin, ou les "Réprouvés", d'Ernst von Salomon ?
Il n'existe pas d'Union européenne. Il existe, au sein de cette structure fictive, une lente et inexorable renaissance de l'influence stratégique de l'Allemagne sur le continent européen. Ne pas voir cela, c'est passer à côté de l'essentiel.
Pascal Décaillet