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  • Hausse des primes : colère et combat !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 28.09.16

     

    Le verdict est tombé à 10h, ce lundi 26 septembre : les primes maladie, en Suisse, augmenteront en 2017 en moyenne de 4,5%. Et, pour Genève, de 5,7% ! C’est une hausse considérable, une de plus en vingt ans. Avant toute chose, ayons une pensée pour nos personnes âgées, je songe aux plus précaires d’entre elles, sur le plan financier : le dimanche 25, en votation fédérale (AVS Plus), elles perdent tout espoir d’une augmentation des rentes. Le lendemain 10h, on leur annonce les 5,7% de plus pour les primes à Genève. De quoi être amer ! Pas seulement pour la baisse de pouvoir d’achat, bien réelle. Mais, bien pire, pour le défaut de considération. Tout juste bons à payer. On est là, on a bossé toute sa vie, on nous pompe, on nous trait, on nous tond. Il est des statuts plus gratifiants.

     

    Pour revenir aux primes de l’assurance-maladie, il est clair que ça ne peut plus durer. On peut nous balancer tous les diagnostics techniques que l’on veut, comme autant d’écrans de fumée, il faut garder la tête au-dessus du brouillard et considérer l’essentiel : la mise en concurrence des caisses privées, inhérente à la Lamal (loi sur l’assurance-maladie, votée dans les années 1990), est une erreur historique. A laquelle s’ajoutent, en vrac, la chasse au bon patient, l’opacité dans la gestion de certaines caisses, l’accumulation de réserves, toutes choses que tout le monde connaît, mais contre lesquelles rien ne semble possible. Comme si l’inéluctable devait l’emporter. Comme si la politique, qui est justement l’affaire des choix volontaristes d’une communauté humaine, devait baisser les bras. A cette tentation de l’impuissance, il faut, violemment, fraternellement, dire non.

     

    Dire non, c’est remettre le citoyen sur le chantier de l’avenir. La Santé publique, en Suisse, appartient à tous, pas seulement aux conseils d’administration des grandes caisses, ni à leurs relais ou lobbyistes sous la Coupole fédérale. Les solutions de réforme, dans un monde où chaque spécialiste s’abrite derrière la prétendue complexité des enjeux, doivent dégager des lignes simples, lisibles par tous. Pour ma part, même si les principes de Caisse unique, puis de Caisse publique, ont été refusés par le peuple, ce qu’il faut bien sûr accepter et respecter, je n’entrevois d’autre avenir à l’assurance maladie que par le grand retour d’un acteur qui n’aurait jamais dû, il y a vingt ans, en être écarté aussi brutalement : l’Etat. N’entendez pas, je vous prie, des cohortes de fonctionnaires, non bien sûr. Mais les collectivités publiques ! Les cantons, ou des groupes de cantons. Ou la Confédération. Dans la Santé publique, on doit remettre au premier plan, non pas la recherche du profit, mais l’intérêt supérieur du plus grand nombre. Pour cela, il faut réformer en profondeur la Lamal. L’expurger du parfum d’ultra-libéralisme des années 1990. Refaire de la Santé publique ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une fonction première, régalienne, de l’Etat. Et non une machine, pour quelques-uns, à faire du fric.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Caisse unique, bordel !

     

    Sur le vif - Lundi 26.09.16 - 13.40h

     

    Caisse unique, bordel ! Même si le peuple a dit non, vote qui doit évidemment être respecté, il faut, dans l'avenir, revenir, et revenir encore, par la démocratie directe, avec des projets où l’État, garant de la Santé publique, puisse assumer son rôle régulateur et redistributeur dans la gestion de l'assurance maladie. L’État, dans un pays fédéraliste, cela peut être un canton, ou un groupe de cantons. Mais cela peut être aussi la Confédération. Tous les modèles, Caisse unique ou Caisse publique, sont à étudier, sans tabou.

     

    Il faut en finir avec la loi de la jungle, la stupidité de cette mise en concurrence des Caisses, qui avait été acceptée dans les années 1990 par une conseillère fédérale... socialiste ! Il faut, dans les années, les décennies qui viennent, remettre l’État, non au sens d'une armée de fonctionnaires bien sûr, mais au sens de l'intérêt supérieur de tous, au centre du débat sur la Santé publique en Suisse.

     

    Regardez l'Histoire de nos grandes assurances sociales : aucune d'entre elles n'a surgi du premier coup. Il a fallu, chaque fois, se battre pendant des générations, saisir le peuple pendant des décennies. Jusqu'au jour où, l'affaire étant mûre, le peuple dit oui.

     

    La politique suisse est un chantier de très longue haleine. Il ne faut jamais se décourager.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Bérénice, l'impossible rupture

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    Sur le vif - Dimanche 25.09.16 - 16.14h

     

    Des corps en fusion. Jusqu’à l’étreinte, la « connaissance ». Au premier acte, la frivolité des caresses, pour donner un rythme visuel à celui, sensuel et métronomique, de l’alexandrin. Mais au fil des scènes, les corps se tétanisent, l’émotion les submerge. Et la scène finale, celle des adieux, les vrais, où nul ne contrôle plus rien. L’émotion de la rupture, inéluctable, emporte tout, les corps prennent le pouvoir, les têtes disent le contraire, sublime paradoxe, entre Titus (Frédéric Landenberg) et Bérénice (Camille Giacobino).

     

    En 1670, à l’âge de trente ans, Racine nous propose le récit de l’impossible rupture. Titus, empereur de Rome, aime Bérénice, reine de Palestine. Il l’aime, et elle aussi, mais la loi est sans appel : pas de reine étrangère comme impératrice. Titus aime, mais résout de se séparer. Sa tête ordonne, son corps ne suit pas. On rompt, on se retrouve, on joue les adieux, jusqu’à la scène finale, où personne ne joue.

     

    Sur l’essentiel, la contradiction du corps avec la volonté mentale, la résurgence des sens, puissante, impérieuse, fusionnelle, la mise en scène de Didier Nkebereza est une réussite. Les corps parlent. L’alexandrin, comme dans les variantes d’un jeu d’orgues, nous livre toute l’infinie richesse de sa sensualité. On chuchote. On murmure, On respire. On élève le ton, juste là où il faut. On laisse le silence faire son œuvre (ainsi, Jacques Maeder, dans le rôle de Paulin, confident de Titus). Le grand vainqueur, c’est le texte. Samedi soir, il y avait des classes. Le metteur en scène, au début, a dit qu’il était important d’écouter en silence. Il n’y a pas eu un seul mot, c’était impressionnant. Racine avait gagné.

     

    A voir, jusqu’au 29 septembre. En plus des comédiens déjà cités, il y a le magnifique David Marchetto, dans le rôle d’Antiochus, amoureux de Bérénice. Il y a son confident à lui, Arsace (Matteo Zimmermann). Et il y a Hélène Hudovernik en Phénice, confidente de Bérénice. A voir, et surtout à écouter, près des palmiers de Phénicie de l’Orangerie, dans un écrin de verdure, hors du monde et pourtant au cœur du monde. Quel monde ? Celui du verbe et de la musique, du silence et de la respiration, de l’impossible rupture entre deux êtres. Bérénice et Titus, c’est toi, c’est moi, c’est tout humain qui a dû vivre un jour une séparation. Longue vie à Jean Racine.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** Bérénice, de Jean Racine (1670) - Mise en scène de Didier Nkebereza - Théâtre de l'Orangerie - Jusqu'au 29 septembre 2016.