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  • Le National méprise le peuple

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    Commentaire publié ce matin en première page du Giornale del Popolo - Vendredi 23.09.16.

     

    En français ou en italien, peu importe : aucun mot n’est assez fort pour qualifier ce qui s’est passé ce mercredi 21 septembre au Conseil national, dans le débat de mise en œuvre de l’initiative du 9 février 2014, sur l’immigration de masse. Aucun mot, si ce n’est « hold-up » (mais c’est de l’anglais !), forfaiture, mépris du suffrage universel. Aucune attention n’a été prêtée, comme il l’aurait fallu, aux souffrances des populations de certains cantons frontaliers, on pense en priorité au Tessin et à Genève. Sous prétexte de ménager les « réactions de l’Union européenne » (comme si c’était là l’impératif premier !), on a littéralement vidé de sa substance le texte voté par le peuple et les cantons en 2014. Dans la version finalement adoptée par le National (98 contre 93), on cherche vainement les contingents, pourtant stipulés par le texte constitutionnel de l’initiative. Tout cela, suite à un arrangement entre le PLR et le PS.

     

    L’impression est terrible, et de nature à ruiner le crédit du Parlement lui-même. Lorsque le peuple et les cantons ont accepté une initiative, il appartient aux autorités fédérales, exécutif et législatif, de la mettre en œuvre. Sans jouer au plus fin. Déjà pour l’initiative des Alpes et celle de Franz Weber, cela n’a pas été fait. Mais le peuple n’est pas dupe : il a des antennes, puissantes, instinctives, pour repérer toute tentative de défaire sa volonté, clairement exprimée un dimanche de votations. Or, c’est cela, hélas, qui s’est produit au National : sous prétexte de sauver le principe de libre circulation, en effet contradictoire avec le texte du 9 février 2014, on a purement et simplement jeté aux oubliettes l’essentiel de ce dernier : le principe de contingents. Étrange jugement de Salomon, où on tue un bébé pour sauver l’autre. Hold-up, oui, sur le suffrage universel de ce pays, cette démocratie directe qui est le cœur battant de notre système.

     

    En décembre, le Conseil des Etats se saisira du dossier. Et en février 2017, la Suisse devra avoir trouvé une solution. Dans cette affaire, le Parlement n’est pas seul responsable : où est le Conseil fédéral ? Que fait-il ? Quelle direction politique donne-t-il à l’affaire ? Entre Mme Sommaruga, M. Schneider-Ammann, M. Burkhalter, où est la vision ? Où est la clarté d’ensemble ? Où est l’impulsion ? Craindre les « réactions de Bruxelles », ou de M. Juncker, est-ce là la seule ambition de notre pays ? Bricolage politique ! Règne des partis ! Petits arrangements de Coupole. Le peuple et les cantons, le 9 février 2014, avaient délivré un message clair. Les « institutions » officielles nous l’enfument ! Les autorités fédérales suisses ne sortent vraiment pas grandies de l’exercice.

     

    En attendant, il y a dimanche. Une bonne partie de la Suisse va suivre attentivement le résultat de vos votations cantonales, au Tessin, notamment celui de « Prima i nostri ». Votre canton pourrait bien, après-demain, donner au pays une leçon de démocratie. Quel que soit le résultat des urnes, le Tessin aura au moins fait l’essentiel : donner la parole au peuple. Lorsque les Parlements deviennent des machines à fabriquer des écrans de fumée, le recours au suffrage universel nous amène ce dont notre pays a le plus besoin : clarté, courage, détermination.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Allemagne nous donne une leçon

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    Sur le vif - Samedi 17.09.16 - 18.58h

     

    C'est mal connaître l'Allemagne, très mal connaître l'Histoire allemande, que de croire que ce pays est de tradition libérale. Il ne l'est pas ! Pas plus que la France. Pas plus que l'Italie. On associe Allemagne et libéralisme à cause des immenses succès obtenus par la République fédérale (aidée par le Plan Marshall), dans les vingt années qui ont suivi la guerre, sur le plan économique. Il est vrai que, totalement détruits en mai 1945, ils se sont relevés de leur défaite à une vitesse hallucinante, grâce à leur volonté, leur caractère, leur discipline.

     

    J'ai souvent raconté que, lors de mon deuxième passage à Lübeck, en 1972 (le premier date de 1968), le Monsieur qui nous faisait visiter une église luthérienne de briques rouges, répondant à ma question sur des traces d'obus, m'avait dit "Oh, ce trou doit dater de 1945... Ou peut-être plutôt de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) !". On n'en était plus à trois siècles près, une cicatrice effaçait l'autre, le pays s'était remis à avancer.

     

    Mais aussi, ce prodigieux relèvement économique d'après-guerre - c'est capital - les Allemands l'ont réussi grâce à un sens unique au monde (à part peut-être... en Suisse !) de la cohésion sociale, du partenariat entre employés et employeurs, du rôle de l’État dans les grandes assurances sociales, dans la redistribution des richesses. Tout cela, hérité de la tradition bismarckienne, mais aussi de la mentalité prussienne dans le rapport au travail (discipline, effort, patience).

     

    De très grandes vertus, qui ne relèvent pas du libéralisme, mais plutôt d'une conception où l’État (fédéral, mais surtout Länder) joue un rôle important. Non pour étouffer l'économie, surtout pas ! Mais pour l'inscrire dans le corps social. Hegel, bien sûr, est passé par là. Mais aussi Kant, Fichte, des penseurs de l’État, de la nation, de la cohésion d'ensemble d'un peuple, et surtout de la "Gemeinschaft", communauté de racines, de valeurs. Communauté de langue, malgré les inflexions dialectales. Pour comprendre l'Histoire allemande depuis le 18ème siècle, depuis Frédéric II, il faut passer par une réflexion en profondeur sur ces choses-là. Et aussi, passer par l'Histoire de la langue allemande elle-même, son époustouflant trajet, de Luther à Heiner Müller, en passant par les Frères Grimm, Paul Celan, et bien sûr Bertolt Brecht.

     

    J'écris cela, parce que les grandes manifestations de cet après-midi, dans des villes comme Hambourg, Munich, Leipzig, Francfort, Stuttgart, Cologne, me trottent dans la tête. J'essaye de prendre la mesure de ce qui se passe, et que je tiens pour essentiel. Les foules manifestent contre le libre-échange transatlantique. Pas contre le commerce ! Pas contre les échanges ! Pas contre les États-Unis en tant que tels (du moins pas encore). Mais assurément, contre un système à leur yeux trop ouvert, qui mettrait en péril chez eux, A L’INTÉRIEUR, cette secrète magie, efficace mais si fragile, de leur équilibre social. Il ne veulent pas que le vent du mondialisme vienne mettre en péril les vieilles valeurs allemandes de concertation et de protection.

     

    Du haut de leur superbe, les mondialistes parleront de "sentiment de repli". Ils ne connaissent que ce mot-là, dès qu'un peuple réclame un peu de protectionnisme, de retour de la frontière au service des plus faibles, de la survie du corps social comme absolue priorité. Gemeinschaft, oui, qu'on oppose souvent à Gesellschaft. On tentera de traduire par sentiment commun d'appartenance, communauté de naissance (nation), solidarité dans l'ordre du destin.

     

    Je ne sais ce que vous en pensez, mais moi, ces valeurs-là me parlent. Depuis toujours. Et plus que jamais.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Libre circulation : le piège grossier des libéraux

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    Sur le vif - Dimanche 04.09.16 - 16.52h

     

    Quand le PLR est tout fier de tendre un piège à l'UDC, sa manœuvre est tellement grosse, comme un câble de téléphérique, qu'elle se voit jusqu'à Romanshorn. Ainsi, dès avant-hier (vendredi), à la publication des conclusions de la Commission des institutions politiques du National sur les suites à donner à l'initiative du 9 février 2014 sur l'immigration de masse.

     

    Ces conclusions sont un brouet, aussi insipide qu'illisible, nous l'avons dit vendredi, n'y revenons pas. Mais avez-vous remarqué, dès vendredi après-midi, l'insistance avec laquelle de jeunes hoplites et spadassins du PLR cherchaient à acculer leurs interlocuteurs de l'UDC, en leur répétant à l'envi : "Ayez le courage de dénoncer les Bilatérales, mettons ça devant le peuple, et on verra bien qui gagnera !".

     

    Ils étaient nombreux, vendredi, en plusieurs langues, à tenir exactement ce discours, il y a donc tactique d'ensemble, facile à reconstituer. Faisant, au début des années 2000, accepter par le peuple le principe de libre circulation, les partisans du libéralisme économique et de l'ouverture des frontières avaient gagné la première manche. L'époque s'y prêtait, odieuse de négation de l’État, concupiscente face à un Marché qu'elle déifiait comme un Veau d'Or. Les socialistes ne juraient que par Tony Blair, les banquiers nous soûlaient de leurs "produits dérivés", ou "structurés", diluant dans une mathématique d'ombre toute accroche encore possible de l'économie avec la réalité du travail.

     

    Le 9 février 2014, les souverainistes de ce pays, ceux qui veulent des frontières et entendent maintenir un contrôle sur les flux migratoires, gagnaient la deuxième manche. C'était le oui du peuple et des cantons à l'initiative contre l'immigration de masse.

     

    Alors voilà, une manche chacun. Comme au ping-pong, il faut une belle. Et c'est exactement cela que cherchent à provoquer les milieux libre-échangistes de notre pays. Ils sont persuadés qu'en cas de vote populaire sur les Bilatérales, ils auraient gain de cause. Dans leur esprit, ce dimanche-là effacerait, devant l'Histoire, le 9 février 2014. Ils auraient gagné la première manche, perdu la deuxième, ils gagneraient la belle. Et tout serait réglé. Et tout rentrerait dans l'ordre. Et le cauchemar de l'UDC, enfin, se dissiperait.

     

    Cette manœuvre est d'une grossièreté inouïe. Sur un point pourtant, les libéraux ont raison : la mère de toutes les batailles, c'est la libre circulation. Ce dont les libéraux-libertaires ont fait le plus grand dogme depuis vingt ans, c'est la libre circulation. Ce qu'ils ne cessent de nous brandir comme non-négociable, comme inspiré par l'Esprit en quelque Concile, c'est la libre circulation. Là où les souverainistes doivent porter la bataille, c'est en effet sur la libre circulation. Dont je ne suis pas sûr du tout qu'elle profite aux plus démunis de ce pays, aux précarisés, aux plus faibles, aux plus fragiles. Oui, lançons ce débat ! Mais pas tout de suite, comme dirait Juliette Gréco. Pas comme ça. Pas si vite. Et surtout pas pour céder à la vulgaire insistance du PLR.

     

    De quoi s'agit-il ? D'entamer en profondeur, dans ce pays, avec des arguments fondés, vérifiables et rationnels, le procès de mise en cause du dogme de libre circulation. On ne cesse de nous répéter qu'elle est porteuse de croissance. Demandons, exactement, et avec d'autres indicateurs que ceux du patronat, à qui profite cette croissance. A quelques importateurs ou exportateurs ? Ou, par redistribution, à l'ensemble de la population ? A qui profite - ou plutôt à qui nuit en priorité - l'afflux démographique qu'on nous présente comme inéluctable ? Une Suisse de douze millions d'habitants, une Genève d'un million, un Plateau qui étoufferait sous la pression, des infrastructures (logement, transports) qui n'arrivent pas à suivre, ça vous fait à ce point envie, vous ? Ça vous semble conforme à l'impérieux besoin d'équilibre, y compris environnemental, de notre pays ?

     

    Alors, oui, Mesdames et Messieurs les libre-échangistes libéraux, alliés aux libertaires et aux immigrationnistes par idéologie de gauche, la Suisse, vous avez raison, doit avoir ce grand débat populaire sur la libre circulation. Mais pas comme ça. Pas comme vous le voulez. Pas juste pour vous laisser gagner la belle. Ce débat doit prendre son temps, des années s'il le faut. Les esprits, il faut les laisser mûrir. Et puis, un jour, oui, il faudra mettre votre dogme libéral au vote populaire. Ce jour-là sera capital pour le destin de notre pays. En fonction d'un calendrier et d'un agenda dont il n'est pas question de vous laisser le monopole.

     

    Pascal Décaillet