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L'Allemagne nous donne une leçon

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Sur le vif - Samedi 17.09.16 - 18.58h

 

C'est mal connaître l'Allemagne, très mal connaître l'Histoire allemande, que de croire que ce pays est de tradition libérale. Il ne l'est pas ! Pas plus que la France. Pas plus que l'Italie. On associe Allemagne et libéralisme à cause des immenses succès obtenus par la République fédérale (aidée par le Plan Marshall), dans les vingt années qui ont suivi la guerre, sur le plan économique. Il est vrai que, totalement détruits en mai 1945, ils se sont relevés de leur défaite à une vitesse hallucinante, grâce à leur volonté, leur caractère, leur discipline.

 

J'ai souvent raconté que, lors de mon deuxième passage à Lübeck, en 1972 (le premier date de 1968), le Monsieur qui nous faisait visiter une église luthérienne de briques rouges, répondant à ma question sur des traces d'obus, m'avait dit "Oh, ce trou doit dater de 1945... Ou peut-être plutôt de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) !". On n'en était plus à trois siècles près, une cicatrice effaçait l'autre, le pays s'était remis à avancer.

 

Mais aussi, ce prodigieux relèvement économique d'après-guerre - c'est capital - les Allemands l'ont réussi grâce à un sens unique au monde (à part peut-être... en Suisse !) de la cohésion sociale, du partenariat entre employés et employeurs, du rôle de l’État dans les grandes assurances sociales, dans la redistribution des richesses. Tout cela, hérité de la tradition bismarckienne, mais aussi de la mentalité prussienne dans le rapport au travail (discipline, effort, patience).

 

De très grandes vertus, qui ne relèvent pas du libéralisme, mais plutôt d'une conception où l’État (fédéral, mais surtout Länder) joue un rôle important. Non pour étouffer l'économie, surtout pas ! Mais pour l'inscrire dans le corps social. Hegel, bien sûr, est passé par là. Mais aussi Kant, Fichte, des penseurs de l’État, de la nation, de la cohésion d'ensemble d'un peuple, et surtout de la "Gemeinschaft", communauté de racines, de valeurs. Communauté de langue, malgré les inflexions dialectales. Pour comprendre l'Histoire allemande depuis le 18ème siècle, depuis Frédéric II, il faut passer par une réflexion en profondeur sur ces choses-là. Et aussi, passer par l'Histoire de la langue allemande elle-même, son époustouflant trajet, de Luther à Heiner Müller, en passant par les Frères Grimm, Paul Celan, et bien sûr Bertolt Brecht.

 

J'écris cela, parce que les grandes manifestations de cet après-midi, dans des villes comme Hambourg, Munich, Leipzig, Francfort, Stuttgart, Cologne, me trottent dans la tête. J'essaye de prendre la mesure de ce qui se passe, et que je tiens pour essentiel. Les foules manifestent contre le libre-échange transatlantique. Pas contre le commerce ! Pas contre les échanges ! Pas contre les États-Unis en tant que tels (du moins pas encore). Mais assurément, contre un système à leur yeux trop ouvert, qui mettrait en péril chez eux, A L’INTÉRIEUR, cette secrète magie, efficace mais si fragile, de leur équilibre social. Il ne veulent pas que le vent du mondialisme vienne mettre en péril les vieilles valeurs allemandes de concertation et de protection.

 

Du haut de leur superbe, les mondialistes parleront de "sentiment de repli". Ils ne connaissent que ce mot-là, dès qu'un peuple réclame un peu de protectionnisme, de retour de la frontière au service des plus faibles, de la survie du corps social comme absolue priorité. Gemeinschaft, oui, qu'on oppose souvent à Gesellschaft. On tentera de traduire par sentiment commun d'appartenance, communauté de naissance (nation), solidarité dans l'ordre du destin.

 

Je ne sais ce que vous en pensez, mais moi, ces valeurs-là me parlent. Depuis toujours. Et plus que jamais.

 

Pascal Décaillet

 

 

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