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Jean-Noël Rey : l'intelligence et le coeur

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Sur le vif - Dimanche 17.01.16 - 17.24h

 

Un grand commis de l’Etat, un politicien d’une redoutable habileté, une intelligence sur les choses de la Cité, mais aussi un homme de cœur, qui n’a jamais oublié les fondamentaux de son parti, tel était Jean-Noël Rey (1949-2016), sauvagement assassiné à Ouagadougou, ce samedi 16 janvier, lors des attaques terroristes sur le Burkina. Il était en compagnie d’un autre homme de cœur et d’engagement, son camarade de parti Georgie Lamon, 81 ans, ancien député : les deux hommes ont perdu la vie alors qu’ils étaient venus soutenir, en Afrique, un projet humanitaire.

 

Jean-Noël Rey était, dans l’espace politique suisse, un personnage hors normes. Tant d’anecdotes, vécues avec lui, à l’époque de la RSR, mais aussi à celle de GAC, puisqu’il était venu sur notre plateau en novembre 2006, alors qu’il sortait un livre. Nous avions passé un bout de soirée ensemble, et comme toujours je lui avais demandé de nous raconter la mythique « Nuit des longs couteaux » du 6 au 7 décembre 1983, préparant l’élection d’Otto Stich, alors que nous attendions tous, comme première femme au Conseil fédéral, la Zurichoise Lilian Uchtenhagen. L’artisan, en coulisses, de ce coup de théâtre, c’était Jean-Noël Rey, secrétaire du Groupe socialiste aux Chambres fédérales. L’habileté, en politique, est une vertu.

 

La suite, ce sont les années comme conseiller personnel d’Otto Stich, ministre des Finances, puis la succession de Jean Clivaz aux PTT, et bien sûr son travail comme réformateur de la Poste, qu’il fait entrer dans le monde du marché libéralisé. Il sera plus tard conseiller national, de 2003 à 2007. Il était, depuis quelques années, le président de la Chambre de Commerce franco-suisse. Un socialiste pragmatique. Peut-être un social-démocrate. Assurément un gestionnaire. Mais qui est toujours resté un homme de cœur, attaché à la solidarité sociale, et aux grands principes de mutualité, de redistribution, qui font de notre pays une petite fleur fragile, où les équilibres sont rois.

 

En apprenant hier la tragique nouvelle, j’ai été comme envahi d’anecdotes, vécues avec ce remarquable tacticien, jamais plus séduisant qu’autour d’un verre, lorsqu’il voulait bien, entre deux sourires de silence, évoquer les coulisses de la chose politique. En 2000, avec mes confrères de la RSR, Simon Matthey-Doret et Fabrice Junod, lors d’une autre « Nuit des longs couteaux », celle de la succession Ogi, la nuit du 5 au 6 décembre, soit juste dix-sept ans après l’affaire Stich / Uchtenhagen, nous vivons en direct à l’antenne, dans la soirée, au premier étage du Café fédéral, la narration du coup de l’époque, par son auteur. Inoubliable moment, dans cette verve qui ne peut être que valaisanne, où les choses les plus précises sont signifiées sans être dites, où le silence est roi, où la complicité furtive d’un regard remplace toutes les démonstrations.

 

Peu après, grand débat de Forum, en direct de Sierre, pour les élections cantonales valaisannes du 4 mars 2001. Nous faisons l’émission, puis… nous allons prendre un peu la température, dans les bistrots. Un Monsieur vient vers moi, air de mystère, œil pétillant, il me dit : « Accepteriez-vous de me suivre, pas loin d’ici, quelqu’un désire vous parler ». On se déplace, avec l’équipe, enivrés par le parfum d’aventure, on nous fait descendre dans une cave privée, absolument somptueuse. Attablé devant son verre de blanc, un certain… Jean-Noël Rey ! Fabuleux moment partagé, jusqu’à des heures plutôt pâles, il y avait de la chaleur, de la malice, de l’allusion : la politique comme seul le Valais nous la concocte. Le retour au bercail fut d’une facilité moyenne.

 

Chez Jean-Noël Rey, le démon politique était toujours en éveil. Un rien l’aiguisait. Mais aussi, la conviction. Les valeurs. Celles, par exemple, qui l’ont amené à Ouagadougou, à la rencontre de l’insupportable. A la famille de cet homme précieux, comme à celle de M. Lamon, j’adresse ma profonde sympathie. Respect à leur mémoire, à la trace qu’ils laisseront. Bien au-delà du Valais, ils ont déjà valeur d’exemple.

 


Pascal Décaillet

 

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