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Motion de censure

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Sur le vif - Samedi 19.12.15 - 18.35h

 

D’abord, l’inculture politique de certains commentateurs : il faut vraiment ne rien entendre de l’organisation de la République, n’avoir lu aucun livre d’Histoire, pour venir parler de « crise institutionnelle » à Genève, sous le seul prétexte que le Parlement a refusé l’entrée en matière sur le budget.

 

En quoi y aurait-il une crise des institutions ? Le gouvernement a proposé un projet de budget. Le législatif cantonal, après un débat parfaitement démocratique, où tous ont pu s’exprimer, a choisi de lui renvoyer sa copie, il refuse l’entrée en matière, c’est son droit le plus strict. Si on soumet aux parlementaires la question « Acceptez-vous l’entrée en matière », ces derniers ont parfaitement le droit de répondre « oui », ou de répondre « non ». Ou alors, autant dissoudre le Parlement.

 

Il n’y a eu au Grand Conseil nul Colonel Tejero, nul Lucien Bonaparte pour troubler les débats : nous sommes dans une situation certes inconfortable, difficile, tendue, mais l’ordre institutionnel n’est absolument pas touché. Prétendre qu’il le serait, c’est confondre « les institutions » avec son confort personnel, celui de son parti, de sa majorité. Ou alors, vouloir que le Parlement ne soit qu’une Chambre d’enregistrement.

 

La tension, même très vive, entre un exécutif et un législatif, celui-ci ayant pour mission de contrôler celui-là, n’a rien d’une « crise institutionnelle » : elle serait même, au contraire, un gage de fonctionnement plutôt sain des institutions. En quoi la vivacité dialectique des antagonismes serait-elle néfaste, sauf à vouloir installer un gentil système de type corporatiste où tout serait mis au point, par accord entre élites, hors de tout contrôle de la représentation populaire ?

 

A cela s’ajoute le mépris de la mission même du premier pouvoir, de la part du président du Conseil d’Etat : « Je relève que la fonction existentielle d’un Parlement est de voter un accord budgétaire, et que celui-ci en est visiblement incapable », ose déclarer François Longchamp à la Tribune de Genève. Et personne, tant le canton est habitué à courber l’échine plutôt que lui dire son fait, ne se lève pour lui rappeler que la fonction première d’un Parlement est de faire des lois, en toute indépendance et en toute séparation de l’exécutif, et aussi de contrôler l’activité – ou l’inactivité – du gouvernement. Ministre par ministre, mais aussi en considérant le collège, dans son ensemble .Le Grand Conseil est le premier pouvoir, il n’est pas la Chambre d’enregistrement de M. Longchamp.

 

Alors oui, à Genève il y a tension. Oui, il y aura des douzièmes en 2016. Peut-être même faudra-t-il passer directement au budget 2017, sur des bases politiques à assainir (on peut rêver) dans les mois qui viennent. Mais il n’y a nulle crise des institutions. Tout au plus pourrions-nous regretter l’absence, à Genève, de ce mécanisme qui aurait, face à un tel vote de défiance du Parlement, été enclenché à peu près sous n’importe quelle autre latitude au monde, et qui tient en trois mots : motion de censure.

 

 

Pascal Décaillet

 

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