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Le démon politique ne meurt jamais

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Sur le vif - Jeudi 07.04.11 - 16.45h

 

Le vendredi 11 décembre 1992, veille de l’Escalade, j’avais apporté une immense marmite en chocolat dans les studios SSR du Palais fédéral, où j’étais correspondant parlementaire, et, selon la coutume, le plus jeune et le plus âgé des présents avaient brisé l’objet en souhaitant que « périssent les ennemis de la République ». Le plus jeune, je dois avouer que je l’ai oublié. Le plus ancien, un certain Christoph Blocher ! Il était de passage dans nos studios pour tirer les leçons du 6 décembre, le « nein » à l’Espace économique européen, cinq jours plus tôt.

 

A l’époque, j’étais proche de Jean-Pascal Delamuraz (et le demeure, pour toujours), l’avais suivi dans nombre de ses déplacements en Suisse, dans le cadre de cette campagne historique, mais aussi dans des voyages à l’étranger, et j’étais très déçu du vote du peuple et des cantons, en ce « dimanche noir ». Au milieu des débris de chocolat, j’avais demandé à Blocher si le Conseil des Etats, où il avait échoué en 1987 face au caïd radical Carlo Jagmetti et à l’Indépendante Monika Weber, l’intéressait toujours. Il m’avait répondu que c’était une Chambre « un peu trop tranquille pour lui ».

 

Près de vingt ans ont passé. Une ascension vertigineuse de l’UDC, devenu premier parti de Suisse. Un enracinement impressionnant dans les élections locales, et notamment en Suisse romande. Une marginalisation sans appel de l’aile agrarienne, encore très puissante en ce début des années nonante, avec un Ogi aux affaires et venant de faire passer ses transversales. Accessoirement, pour Blocher, comme si c’était un détail de son curriculum, quatre ans au Conseil fédéral.

 

Et voilà qu’aujourd’hui, à 70 ans, il se relance dans ce combat-là. Beaucoup plus risqué, pour lui, que celui du National. Au Stöckli, le sortant radical, Felix Gutzwiler, est un poids-lourd, et Verena Diener, des Verts libéraux, n’est pas la première venue. Blocher, qui sera élu sans problème au National, pourrait s’en contenter. Si son parti fait un bon résultat au soir du 23 octobre (disons encore mieux qu’il y a quatre ans), l’homme ne manquera pas de jouer un rôle signalé sous la Coupole.

 

Mais cela ne lui suffit pas. Et le démon politique est là, qui le pousse à tenter plus loin encore : la Chambre des Cantons. Ce Stöckli, si difficile d’accès pour les partis frontaux, à cause des modes électoraux, des alliances, ce Conseil des Etats, le septuagénaire va tenter (comme Rime à Fribourg, Brunner à Saint-Gall) de l'arracher. Oui, c’est très risqué. Oui, il y a la possibilité, au bout du chemin, des lazzis et des quolibets des partis « raisonnables » qui se partagent cette Chambre depuis 1848. Mais le démon est là. Plus fort que la raison. Parce qu’un Blocher, comme un Grobet à Genève, un Pierre-Yves Maillard, comme un Darbellay, ne pourra jamais se passer du combat. Ni de la politique, Ni des défis. C’est plus fort que lui. C’est sa force et sa faiblesse. Toute la puissance, à la fois créatrice et dévastatrice, de sa nature.

 

Pascal Décaillet

 

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