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Mes voeux pour la Suisse de 2011: quelques étincelles de synthèse

 

Sur le vif - Vendredi 31 décembre 2010 - 16.59h

 

La Suisse que nous devons construire ensemble, en 2011 et dans les années qui suivent, c’est la synthèse fraternelle de toutes les Suisses qui ont façonné, par strates, par éboulements, par reconstructions, la fragile et subtile épaisseur de notre Histoire. Cette Histoire, il faut avant tout la lire, beaucoup se renseigner, l’envisager sous l’angle des idées, de l’économie, des flux migratoires. L’Histoire de nos techniques, de nos industries, si déterminantes dans notre chemin (fort récent) vers la prospérité.

 

Il faut aussi lire nos écrivains, dévorer les collections de vieux journaux, région par région, langue par langue, canton par canton, et parfois (je pense au Valais) district par district. Histoire délicieusement complexe : nous n’avons pas eu quarante rois, puis la République, mais quelque chose de beaucoup plus disséminé, et pourtant toujours en intime résonance avec ce qui furent les grandes querelles de l’Europe : Réforme, Révolution française, Lumières (Aufklärung) puis romantisme, ne parlons pas du Kulturkampf. Bien sûr que la Suisse est un pays européen, baigné d’Europe, ou plutôt baignant l’Europe.

 

On peut affirmer cela, et en même temps émettre les plus grands doutes sur l’actuelle machinerie appelée « Union européenne », qui est une tentative d’Empire comme un autre, juste sans empereur, seulement la technocratie des intendants. Dire non à cette construction-là, ça n’est en aucun cas nier la dimension européenne de la Suisse, encore moins appeler à la fermeture, au Réduit. Trois Suisses sur quatre, au demeurant, partagent cette vision.

 

 

Mes vœux pour 2011, et pour la postérité, sont ceux de la synthèse. Les qualités de la Vieille Suisse (pour laquelle se sont illustrés certains de mes ancêtres), mais aussi celles de la Jeune Suisse, ce formidable courant radical du milieu du dix-neuvième siècle. Depuis longtemps (1891), cette hache de guerre est enterrée, et le pouvoir du vingtième siècle fut celui des génies additionnés des anciens adversaires du Sonderbund. Hélas pour eux, ces antiques héros ne totalisent plus, aujourd’hui, même en mêlant leurs forces, qu’un tiers de l’électorat suisse. Un autre tiers à la gauche. Un autre, enfin, à un profond courant conservateur qui n’a sans doute pas fini de faire parler de lui.

 

Synthèse, oui. Notre petit pays est celui des villes comme celui des campagnes, celui de la plaine et celui de la montagne, celui des sédentaires et celui des nomades, il est le pays des enracinés, mais il doit être aussi celui des passants. Ceux qui nous ont fait croire, dans notre jeunesse, à l’Histoire d’un peuple heureux (je ne parle pas ici du très beau livre de Denis de Rougemont) nous ont menti : l’Histoire suisse est aussi conflictuelle, aussi dialectique, que celle des pays d’Europe qui nous entourent. Il n’y eut guère que les trois décennies d’après-guerre, ce confort douillet des Glorieuses, ce non-dit sur la Seconde Guerre mondiale, pour nous bercer de l’irénisme d’un peuple de bergers tranquilles et solidaires. La Suisse ne l’est pas. Tout simplement, parce qu’aucun peuple ne l’est.

 

Le génie suisse s’est construit par additions, mais sans faire l’économie de la dialectique, ni des antagonismes. D’abord, on pose ses valeurs, on brandit ses étendards. On se bat. Ensuite, on discute. Et on finit par assimiler. Ces vieux catholiques chamailleurs d’après-1848, il aura fallu le grand courant de Léon XIII, l’esprit du Ralliement (en Suisse comme en France) pour les intégrer dans une logique enfin républicaine, qui ne soit plus celle du splendide isolement (Pie IX), mais celle de la construction commune. Le socialisme, qui faisait peur au début du vingtième siècle, parti gouvernemental depuis 1943, encore plus depuis 1959, fait totalement partie, depuis longtemps, du paysage. Les émigrés italiens des années cinquante et soixante sont aujourd’hui totalement intégrés à notre citoyenneté nationale. Demain, les enfants de l’immigration albanaise, ou serbe, le seront.

 

La synthèse, ça n’est pas la mollesse. Ça n’est pas vouloir être d’accord dès le départ. Non, c’est avoir des valeurs, se battre, faire trancher le souverain, accepter son verdict. Et ne pas l’insulter parce qu’il aurait mal voté. La synthèse, c’est aussi avoir un peu confiance dans la sagesse, sur le long terme, de ce corps électoral très élargi qu’on appelle le suffrage universel suisse. Non qu’il ait toujours raison. Mais, sur la durée, il dessine, corrige, reprend, équilibre. Et finalement, ne façonne pas si mal que cela notre destin national.


De mes hauteurs valaisannes, à tous les lecteurs de ce blog, j’adresse mes vœux les plus sincères pour une très belle année 2011. Qu’elle soit celle de l’engagement, du courage, et qu’elle nous invente quelques étincelles de synthèse.

 

Oui, disons quelques étincelles. Pour commencer.

 

Pascal Décaillet

 

 

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